Intervention de Malcom Ferdinand

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 17h25
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Malcom Ferdinand, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

En effet, seul 1 % de la production américaine du pesticide a été utilisé localement sur des cafards ou des fourmis, parfois également dans les habitations. Il faut souligner que le site de Hopewell n'a pas été le seul pollué puisqu'un autre site de fabrication de Kepone, à Baltimore, au nord de Washington, a donné lieu à la fermeture d'un parc. L'essentiel de la production américaine était toutefois destiné à l'international.

Allied Chemicals a commencé à produire un pesticide à la chlordécone non pas en 1974, mais dans les années 60, en petite quantité, après avoir breveté la molécule en 1951. C'est pour répondre à une demande plus forte qu'elle a voulu augmenter sa capacité de production et qu'elle a créé l'usine de Hopewell.

La comparaison avec les États-Unis ne vise pas à célébrer ce pays, qui pourra réagir de manière différente en d'autres occasions, mais on peut souligner que dans ce cas, sa réaction a été exemplaire.

L'historien américain Gregory Wilson publiera prochainement un ouvrage sur le chlordécone aux États-Unis, qui est attendu avec impatience. Cet épisode a donné lieu à la plus grande condamnation environnementale de l'histoire des États-Unis, au nom du « jamais plus ». Il faut noter que la ville pluriethnique de Hopewell a mené des tests sur tous ses habitants, y compris noirs, afin de vérifier leur taux de chlordécone dans le sang.

Quant à la nature de la pollution, elle diffère en effet aux Antilles et aux États-Unis, où celle-ci pouvait être contenue beaucoup plus facilement du fait de la présence d'une une source-point, la rivière. Les sédiments ayant recouvert la pollution, on retrouve encore du chlordécone aujourd'hui dans les poissons.

Quant à votre seconde question sur le délai de cinquante ans, elle est délicate. Il existe des cas de contamination en France hexagonale où les services de l'État ont été défaillants.

En revanche, on constate indéniablement une spécificité antillaise ou ultramarine dans la manière dont la pollution a pu apparaître. Ainsi, les pesticides utilisés dans les bananeraies n'étaient pas testés par les laboratoires. Sur ce point précis, on ne peut pas nier une incapacité structurelle à prendre en charge la santé des Antillais.

De plus, les tensions s'exacerbent car ces contaminations mettent en jeu des groupes aux appartenances culturelles et identitaires très différentes qui, depuis très longtemps, ont des liens privilégiés avec l'État français.

En 1946, dans son rapport sur la départementalisation, Aimé Césaire invitait déjà à prêter attention au danger des monopoles économiques de certaines entreprises. D'une certaine façon, le chlordécone en est le pendant écologique.

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