Intervention de Stanislas Guerini

Séance en hémicycle du mercredi 8 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStanislas Guerini, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je voudrais associer à mon propos Jean-Noël Barrot, rapporteur spécial.

L'immigration, l'asile et l'intégration constituent l'un des plus grands, l'un des plus complexes défis que la France, notre pays, doit relever. C'est un défi pour notre humanité.

C'est tout d'abord un défi pour l'humanité tout entière. Le sujet dont nous parlons est en effet celui de l'aspiration mondiale à la mobilité. Et cette mobilité va augmenter sous l'effet des crises polymorphes que nous connaissons : les guerres, les persécutions, les famines ainsi que, désormais, le réchauffement climatique. Les prévisions que vous nous livrez font d'ailleurs état d'une augmentation de 10 % des demandeurs d'asile en France pour l'année 2018, et de 30 % des personnes sous procédure Dublin. Ces derniers sont paradoxalement dénommés les « dublinés » ; ce terme renvoie pour eux non pas au nom d'une ville, qu'ils aimeraient d'ailleurs peut-être connaître, mais à une procédure qui ne fonctionne pas, ni pour eux ni pour les pays européens, et qu'il faudra revoir avec nos partenaires européens, monsieur le ministre d'État. C'est un des points de consensus de toutes les auditions que nous avons pu mener.

C'est un défi pour notre humanité, car, vous l'avez rappelé, avant d'évoquer les chiffres et le budget, il faut parler de vies humaines : celles des hommes et des femmes qui arrivent en France, qui ont connu les pires difficultés, à qui l'on doit, qu'on leur accorde ou non l'asile, une assistance digne ; celles des hommes et des femmes qui, dans les associations, s'engagent sans compter et à qui l'on doit une reconnaissance infinie ; celles des hommes et des femmes qui, dans les services de l'État, mènent obstinément leur difficile mission, à qui l'on doit une considération totale ; celles, enfin, des hommes et des femmes, habitants du Calaisis ou d'ailleurs, qui souffrent parfois de situations qu'ils n'ont pas choisies, et à qui l'on doit des solutions durables.

C'est tout cela, l'immigration et l'asile. C'est complexe, c'est difficile, mais c'est l'honneur de notre pays de surmonter ce défi. Cela nécessite du courage politique ; ni démagogie ni angélisme, mais du courage politique. Et le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre d'État, est un budget courageux.

Alors que la Cour des comptes pointait depuis de nombreuses années la sous-budgétisation de cette mission, nous saluons la hausse des crédits : 10 % en autorisations d'engagement et 26 % en crédits de paiement, soit 285 millions d'euros supplémentaires qui porteront le budget à 1,4 milliard d'euros en 2018.

C'est un budget courageux, parce qu'il donne les moyens de mettre en oeuvre le plan annoncé par le Premier ministre le 12 juillet dernier : plus d'efficacité à la fois dans le traitement des demandes, grâce à une réduction des délais d'examen, et dans les reconduites aux frontières ; une mise à l'abri des migrants, grâce à un plan volontariste de création de places d'hébergements pour les demandeurs d'asile et pour les réfugiés ; une politique volontariste d'intégration.

La mise en oeuvre de ce plan sera notre point de vigilance. Il faut en effet dire la vérité : si nous n'apportons pas des réponses structurelles aux problèmes posés à notre politique d'immigration, d'asile et d'intégration, les moyens qui sont proposés et que nous vous appellerons à voter ne seront jamais suffisants. Elles s'appuieront sur trois axes que nous développons dans notre rapport spécial.

D'abord, il convient d'attribuer davantage de moyens dès le début du dispositif, avant même le dépôt d'une demande ou l'accès au guichet unique, car la longueur des délais crée une phase durant laquelle nous n'arrivons que trop mal à assurer le premier accueil, à orienter, à renseigner, à soigner, parfois, les populations migrantes. À ce titre, nous nous félicitons de la décision de créer 150 postes dans les préfectures au titre de l'asile et de l'immigration.

Ensuite, il faut mettre fin au maquis des structures d'hébergement pour demandeurs d'asile ou pour réfugiés, qui ont été créées sans cohérence ni continuité et qui ne permettent pas d'agir efficacement en la matière. Ce n'est pas antinomique avec une certaine spécialisation des centres, qui doivent correspondre à différents types d'hébergement, mais cela implique très certainement de recentrer notre dispositif. Il faut également poursuivre dans les années qui viennent le transfert de places en hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile – HUDA – en places en centre d'accueil pour demandeurs d'asile – CADA – , c'est-à-dire le transfert de l'hébergement d'urgence vers des structures plus pérennes.

Enfin, nous devons renforcer encore les moyens pour l'intégration, et notre conviction est qu'il faudra poursuivre les efforts en la matière. L'augmentation des crédits pour 2018 est un premier point positif que nous notons, et nous soutenons notre collègue Aurélien Taché dans la mission qui lui a été confiée et dans les pistes qu'il a commencé à développer. L'intégration par l'emploi est une voie qui doit être explorée de manière volontariste et que nous soutenons. En Allemagne, 180 000 personnes ont trouvé un travail grâce à une politique volontariste d'intégration. Ce n'est ni de l'angélisme ni de la démagogie. C'est cela, l'immigration, l'asile et l'intégration : c'est complexe, c'est difficile, mais cela peut aussi être une chance pour notre pays.

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