Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mercredi 8 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Madame la ministre, vous souhaitez plafonner les indemnités prud'homales pour licenciement abusif afin, selon vous, de rassurer les entreprises. À cette fin, vous avez même mis en ligne à la mi-octobre, sur le site du ministère du travail, un simulateur qui permet d'estimer le montant des dommages et intérêts qu'un salarié peut obtenir aux prud'hommes. En permettant la budgétisation des licenciements par les entreprises, vous menacez gravement plusieurs libertés.

Tout d'abord, vous rognez ainsi la responsabilité du juge. L'agence Reuters nous apprend que, selon un sondage du barreau de Paris auprès de ses 28 000 membres, 63 % des avocats sont opposés au barème. À la question de savoir si cela augure des relations de travail « plus prévisibles et plus sereines », la réponse par la négative s'élève à 75 % ! Pour ouvrir droit à réparation, le préjudice doit en effet être apprécié de manière individuelle, en fonction de la situation du salarié. De plus, de nombreux syndicats s'opposent fermement à cet article injuste, craignant qu'il n'ouvre la porte à tous les abus. Enfin, de nombreux juristes s'attendent à ce que les taux de recours augmentent, de même qu'augmenteront les tentatives de contourner la législation en invoquant des motifs dérogatoires : violation d'une liberté fondamentale, harcèlement ou discrimination. Vous parlez de sécurisation, mais il n'y en a ni pour les employeurs ni pour les employés, car la sécurisation se construit sur la confiance.

De la sorte, vous testez à nouveau l'élasticité des libertés fondamentales inscrites dans la Constitution alors que vous savez très bien que l'article 266 de la loi Macron visait déjà à mettre en place une barémisation et qu'il a été censuré par le juge constitutionnel car cette disposition ne prenait pas suffisamment en compte les situations individuelles, contrevenant au principe d'égalité devant la loi. Votre mesure, madame la ministre, est injuste, clientéliste, sans doute inconstitutionnelle.

Il faut au contraire renforcer la législation et la rendre plus lisible au lieu d'affaiblir les chances pour les deux parties d'aboutir à un verdict juste, c'est-à-dire à la réparation intégrale des préjudices. Pourquoi ne pas avoir choisi cette voie ?

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