Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 13 juillet 2017 à 9h30
Renforcement du dialogue social — Article 9 appelé par priorité

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je veux aussi souligner, à l'attention de ceux qui liront le compte rendu de nos débats, l'intérêt qu'aura eu le Gouvernement – et, je l'espère, la représentation parlementaire – à sécuriser ce report.

De fait, tous les candidats à l'élection présidentielle se sont exprimés sur le prélèvement à la source, que ce soit pour annoncer sa suppression, son maintien ou son report. Il y a donc eu des incertitudes, mais tout le monde était au courant depuis le mois de janvier – voire depuis plus longtemps, s'agissant des candidats issus des primaires. Le temps est venu de trancher sur le plan juridique, de façon que les citoyens n'aient pas à attendre jusqu'à la fin de l'année avec la loi de finances. Ces deux arguments, je le pense, seront entendus par le Conseil constitutionnel, et ils permettront de valider la disposition que le Gouvernement vous propose aujourd'hui.

J'en viens au fond et m'efforcerai de répondre à chacun, en vous priant par avance d'excuser les éventuelles redites – le respect des parlementaires, je crois, exige des réponses individuelles.

M. Lurton évoque la complexité qu'il y aurait, pour les entreprises, à prélever un impôt. J'entends bien, mais elles effectuent déjà en partie cette tâche, avec la CSG et la TVA. L'argument ne me semble donc pas très efficace.

Vous avez toutefois raison, la mesure peut avoir un coût pour les entreprises. Aussi ai-je pris plusieurs décisions qui, je le crois, répondent aux interrogations légitimes de la représentation nationale. En premier lieu, j'ai commandé à l'Inspection générale des finances, mais aussi à un cabinet indépendant, d'évaluer la charge éventuelle – puisque, à ce stade, elle n'est qu'éventuelle – pour les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles. C'est un sujet d'importance, dont nous ne pouvons décider sur la base de fantasmes ou de suppositions. Comme le suggérait M. Bourlanges, j'ai demandé à l'IGF et à ce cabinet indépendant de travailler de concert à un rapport qui permette de recueillir l'avis de toutes les entreprises, les petites comme les grandes, mais aussi de l'administration et des artisans. Je me suis engagé, devant la commission des finances et son président, à transmettre ce rapport à la représentation parlementaire dès qu'il me sera remis.

Tout le monde, si je puis dire, n'est pas égal devant l'impôt à la source. Les entreprises sont contre, dites-vous. Cela reste à vérifier ! Les chefs d'entreprise que sont les agriculteurs, par exemple, sont pour dans leur très grande majorité. Le décalage de l'impôt au regard de la saisonnalité de leur activité est, pour eux, un problème majeur. Ne logeons donc pas toutes les entreprises à la même enseigne : les agriculteurs, je le répète, sont aussi des entrepreneurs.

Ceux qui, comme moi, travaillent dans les espaces transfrontaliers savent bien que tous les pays européens – M. Coquerel l'a dit – ont mis en oeuvre l'impôt à la source. Dans une commune que je connais bien, la mienne, presque tous les chefs d'entreprise employant des travailleurs transfrontaliers appliquent la mesure, puisque les Belges y sont soumis. Bref, beaucoup d'entreprises frontalières, en France, appliquent déjà l'impôt contemporain, sans que cela émeuve en rien la représentation nationale.

Bref, le coût doit effectivement être évalué, cette question est bienvenue, notamment pour les plus petites entreprises : c'est l'objet du rapport que j'ai commandé.

M. Dharréville, lui, a évoqué une complication pour les contribuables. Je ne suis pas tout à fait d'accord, et prendrai quelques instants pour m'en expliquer. Au fond, la question qui nous intéresse est la suivante : l'impôt contemporain est-il ou non une bonne chose ? Votre groupe, comme ceux situés du même côté de l'hémicycle, suggère qu'il faut une réforme fiscale différente. Votre opposition à l'impôt à la source, dites-vous, tient à votre opposition à la fiscalité actuelle, qui est une question politique : je l'entends, même si nous ne pourrons nous mettre d'accord sur ce point.

En revanche, si l'on part du principe qu'il vaut mieux payer l'impôt de manière contemporaine, alors on considère le prélèvement à la source comme une modalité, modalité que l'on peut contester, ce que fait M. le président de la commission des finances, pour qui – si je ne trahis pas sa pensée – la contemporanéité est par ailleurs une bonne idée en soi. Les prises de position sur ce point varient au demeurant dans certains camps politiques, j'y reviendrai. Sur le principe, donc, la contemporanéité de l'impôt est-elle ou non souhaitable ? Parmi les contribuables, 30 % voient leurs revenus changer d'une année sur l'autre ; et pour 40 % d'entre eux, il s'agit d'une baisse. Cela pose de vrais problèmes de pouvoir d'achat et de paiement de l'impôt, dès lors que celui-ci est différé d'un an. Nous recevons tous, dans nos permanences, des gens qui, pour payer leur impôt, doivent parfois s'endetter.

Les choses sont faciles lorsque l'on est assuré de toucher le même revenu pendant quatre, cinq ou dix ans, mais, pour beaucoup de nos concitoyens, la sécurité de l'emploi et de revenu est limitée. Payer l'impôt lorsque l'on touche l'argent est aussi, en ce sens, une mesure sociale. Le décalage d'un an peut poser de gros problèmes à nombre de nos concitoyens ; aussi l'idée de l'impôt contemporain pourrait-elle réunir une majorité d'entre vous sans remettre en cause le système fiscal dans son ensemble, même si, je le répète, j'entends certains arguments politiques sans les partager. C'est ici sur les modalités que nous devons nous concentrer.

La confidentialité est une question importante. M. Vercamer a avancé un argument qui ne laisse pas de m'étonner. Les employeurs, disait-il, connaîtront le revenu de leurs salariés : c'est, me semble-t-il, le principe du paiement du salaire par l'employeur…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.