Intervention de Frédérique Meunier

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Meunier :

C'est avec beaucoup d'attention que j'ai pris connaissance de cette proposition de loi du groupe La France insoumise, dont le titre même promet un sujet intéressant. Mais que recouvre cette appellation de « cantines vertueuses » ?

Nous partageons tous l'objectif de proposer aux enfants des écoles une alimentation saine et durable ; cependant, force est de constater que cette proposition est marquée par quelques dérives idéologiques et politiques, sur lesquelles nous reviendrons. Dans l'exposé des motifs, nos collègues citent des chiffres marquants – un milliard de repas servis chaque année à 8 millions d'élèves –, mais évoquent également une pauvreté accrue, un triangle vertueux entre producteurs, consommateurs et collectivités territoriales, le tout en tenant compte de l'urgence écologique. Si nous ne pouvons que partager ce diagnostic, il n'en est pas de même du remède à prescrire.

La première mesure proposée est celle de la gratuité de la restauration collective. Nous y voilà ! Pour nos collègues, une bonne réforme est une réforme gratuite, mais qui coûte à tous les contribuables, ce que nous ne pouvons évidemment pas cautionner. Si l'intention est louable, et permettrait à chacun de soulager sa conscience de gauche, nous devons être des élus responsables. Au-delà du coût, évalué à 3,2 milliards d'euros, une telle mesure constitue un vrai choix de société. Pour notre part, nous estimons qu'il convient de réfléchir à une solution intermédiaire, qui permettrait aux enfants de familles défavorisées de manger correctement à la cantine, tout en garantissant une responsabilisation des parents.

En Corrèze, le conseil départemental apporte aux familles des aides à la restauration, allouées sous condition de ressources, dans le respect d'un plan de maîtrise sanitaire. Les cuisiniers s'engagent au quotidien pour renforcer la qualité et développer l'éducation nutritionnelle. Le temps de restauration, c'est aussi un temps d'éducation au goût, à la lutte contre le gaspillage, aux enjeux environnementaux, au respect des agriculteurs, à la qualité de l'eau et au traitement et au recyclage des déchets. Comme vous le voyez, les territoires n'ont pas attendu cette proposition de loi pour innover.

De même, les pratiques de dénonciation des élèves dont les parents ne payent pas les factures de cantine, que vous évoquez, sont marginales. Maire d'une commune de 8 500 habitants comprenant quatre écoles, je peux vous dire que 98 % des communes ne fonctionnent pas comme vous le dites, et que des aides peuvent être allouées par le biais des CCAS afin de permettre aux enfants de familles défavorisées de prendre au moins un repas équilibré au cours de la journée. Évitons de stigmatiser en désignant des pratiques isolées, pour lesquelles il est rapidement trouvé une solution, et faisons confiance aux élus de la République.

Pour ce qui est de l'idée de nationaliser le service de restauration, confier ce service à l'État, au même titre que l'éducation nationale, nécessiterait une embauche massive de fonctionnaires et se traduirait donc par une explosion de la dépense publique, dont nous sommes déjà champions du monde… Il paraît dangereux de proposer la nationalisation du service de restauration collective, car, à terme, le coût d'une telle mesure pour l'État serait bien plus élevé que les 3,2 milliards d'euros résultant de la gratuité des cantines.

La loi EGALIM impose de servir 20 % d'aliments biologiques et 30 % d'aliments durables ou labellisés en 2022. En Corrèze, le conseil départemental a lancé l'opération « Bio dans les collèges », et la plateforme Agrilocal19 a été mise en place afin d'encourager le recours aux circuits courts et l'approvisionnement de proximité.

S'agissant de l'article 6, gager la gratuité des cantines sur le rétablissement de l'ISF est un artifice démagogique, un chiffon rouge agité pour opposer un peu plus nos concitoyens les uns aux autres. Pourquoi ne pas l'avoir gagée sur le coût des syndicats en France ? Au-delà du symbole, la suppression de l'ISF constitue une mesure de confiance vis-à-vis des investisseurs, tout comme l'impôt sur les sociétés dont la baisse du taux a rapporté 3 milliards d'euros de plus en 2019.

Nous avons sur ce point des désaccords idéologiques forts et une vision différente de l'économie. Nous ne voterons pas, en l'état, cette proposition de loi.

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