Intervention de Patrick de Cambourg

Réunion du mercredi 26 février 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables :

Depuis cinq ans, je préside l'Autorité des normes comptables – j'avais d'ailleurs eu le plaisir d'être auditionné par votre commission au moment de ma nomination. Je soulignais depuis un certain temps auprès du gouvernement, d'une part, le fait que l'information comptable financière est structurée mais trouve ses limites dans le caractère partiel de l'information qu'elle donne sur les entreprises et, d'autre part, la montée en puissance de ce que l'on appelle l'information non financière, l'information extra-financière ou encore l'information sur le développement durable. Le ministre de l'économie m'a un peu pris au mot il y a un peu plus d'un an et m'a demandé de lui remettre un rapport, ce que j'ai fait en juin dernier.

Depuis lors, le ministre m'a demandé de continuer le travail sur ce sujet. C'est un projet, vous l'avez dit, monsieur le président, à horizon 2029. C'est loin, mais il y a des étapes intermédiaires qui sont proposées. La normalisation, d'une façon générale, est un exercice de longue haleine. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire en quelques semaines ou en quelques mois, surtout si l'on veut qu'elle soit efficace et inscrite dans la vie quotidienne des entreprises et de toutes les parties prenantes. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec certains d'entre vous sur ces sujets, qui sont importants et très emblématiques de ce que l'Union européenne (UE) et la France peuvent faire aujourd'hui.

J'ai acquis une double conviction à l'issue de ces travaux. La première, c'est que l'Union européenne et la France ont une véritable avance sur ces questions environnementales et sociales, en particulier en liaison avec la vie de l'entreprise et avec le changement climatique. La seconde conviction – elle est reflétée dans le titre du rapport – est que l'information extra-financière est un facteur clé pour une identité et un leadership européen et qu'in fine elle ne doit pas être perçue comme une contrainte mais plutôt comme un levier d'action et un avantage compétitif pour les entreprises européennes. Ce n'est pas encore toujours le cas. J'en avais l'intuition, mais les 250 personnes que j'ai rencontrées dans le cadre de la mission et les 80 réunions que j'ai eues depuis la remise du rapport me renforcent chaque jour dans cette conviction.

Pour la bonne santé d'une société et d'un écosystème au sens large, dans toutes ses dimensions – environnementales, sociales, climatiques –, l'entreprise joue un rôle clé. Ce n'est pas le seul acteur, mais son rôle est essentiel parce que c'est quand même un lieu de vie et de création de valeur fondamental. Cette valeur est ensuite partagée, mais elle se crée au quotidien dans l'entreprise, qui est en interaction constante avec son écosystème, c'est-à-dire l'ensemble de ses parties prenantes.

Il faut d'ailleurs garder à l'esprit une différence fondamentale, qui rejoint la ligne de partage entre les théories se développant en matière d'information extra-financière. D'une part, il y a une vision, inscrite dans la tradition anglo-saxonne, qui se concentre sur le point de vue de l'investisseur, c'est-à-dire de l'actionnaire ou du propriétaire de l'entreprise. D'autre part, il existe une vision plus européenne, qui me paraît beaucoup plus porteuse, dans laquelle l'entreprise est certes un lieu où les propriétaires et les actionnaires ont un rôle à jouer mais qui fait également intervenir une multitude de parties prenantes qu'il faut prendre en compte. Cela conduit d'ailleurs à une vision différente de ce qu'on appelle la matérialité, c'est-à-dire les impacts. Il y a une vision relativement simpliste qui considère que, dans le fond, ce qui est intéressant, c'est de savoir si l'environnement et la société vont peser sur la performance de l'entreprise: c'est une vision reposant sur les risques et les opportunités pour l'entreprise. La vision plus européenne, elle, repose sur une double matérialité : il y a bien sûr les risques qui pèsent sur l'entreprise, mais il y a aussi ceux que l'entreprise fait peser sur la société. Souvent, lorsque l'on rencontre des experts dans ces domaines, il est relativement aisé de se rendre rapidement compte de l'option conceptuelle que les personnes peuvent avoir sur cet aspect du sujet.

Le premier point que je voudrais évoquer est celui de l'état des lieux. Nous avons, avec mon équipe, fait un état des lieux assez complet parce qu'il n'existait pas.

Le deuxième point que j'évoquerai, c'est le dispositif qui pourrait servir de base à ce que j'appelle la deuxième vague de la normalisation et de l'architecture d'un dispositif environnemental, social et de gouvernance. L'objectif est également assez largement partagé.

Le troisième point, qui fait l'objet d'un débat relativement tendu en ce moment, porte sur le fait de savoir qui doit réaliser cette normalisation. Cette question renvoie à une action politique.

On observe tout d'abord une véritable dynamique dans l'Union européenne et en France. Je perçois un contraste extrêmement important par rapport à ce que j'ai vécu lors de la normalisation comptable financière où, au contraire, cela se passait en liaison avec les marchés financiers, en particulier ceux, internationaux, de New York et de Londres. Cela a d'ailleurs conduit en 2002 à une faiblesse de l'Europe, qui n'a pas été capable de transformer sa directive comptable en un outil qui permettait aux sociétés cotées de donner une information harmonisée et de qualité – en tout cas, c'est ce qui a été jugé à l'époque. Une délégation avait été donnée à une fondation internationale, l'International Accounting Standards Board (IASB). C'est un organisme tout à fait respectable et de grande qualité, mais dont les options intellectuelles, idéologiques, philosophiques sous-jacentes méritent examen. Il est parfois difficile de faire entendre une voix un peu différente, assise sur des concepts européens issus du droit romain, face à une gouvernance de type anglo-saxon. L'Europe, à l'époque, n'a pas eu la force politique de s'affirmer dans ce domaine.

Par contraste, dans le domaine de l'information extra-financière, il y a une véritable dynamique européenne et française. Il serait donc parfaitement illogique que nous ne prenions pas le leadership dans ce domaine.

La dynamique sur toutes ces questions est à la fois sociétale et générationnelle. Elle est citoyenne – on le voit dans l'expression et les sujets de débat citoyen, notamment à l'occasion des élections. C'est aussi une dynamique économique : il y a beaucoup d'entreprises qui, aujourd'hui, ont introduit dans leur démarche le raisonnement « environnemental, social et gouvernance » (ESG).

Cette dynamique conduit à une question intéressante, celle de savoir si la démarche ESG constitue une contrainte supplémentaire cassant la valeur strictement financière ou au contraire si elle accroît cette valeur. Une réponse générale est sans doute difficile à apporter, mais le constat est que les entreprises qui ont introduit ces critères ESG dans leurs démarches enregistrent une meilleure performance, y compris financière. Il s'agit en quelque sorte d'une démarche gagnant-gagnant, qui peut donner l'impression de s'écarter de la performance financière, mais cette dernière est finalement au rendez-vous. Cela me paraît assez logique, parce que dans un monde où il y a beaucoup de mutations, de transitions auxquelles l'entreprise est confrontée, ceux qui ont une vision restrictive de leur gestion vont manquer beaucoup de caps. Lorsque la décision est plus largement éclairée, cela permet, à l'évidence, de mieux réduire les risques et de saisir les opportunités qui se présentent.

Le dernier élément de la dynamique est politique. La France et l'Union européenne ont pris depuis plusieurs années des décisions réglementaires et législatives qui sont largement uniques en la matière et qui constituent une première vague de réglementations ESG et responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L'Union européenne a cette dynamique. Si un certain nombre d'États membres sont plus réticents ou plus prudents in fine, on arrive quand même à une dynamique politique. Cela est en assez grand contraste avec le reste du monde. C'est un peu ennuyeux parce qu'il y a certains des défis qui sont globaux et que l'on ne résoudra malheureusement pas au niveau de la seule Union européenne. Cependant, je crois à la vertu de l'exemplarité et aux réactions de catalyse. Un catalyseur est toujours utile : ce n'est parfois pas très important, mais c'est fondamental dans la réaction chimique.

Par contraste, les États-Unis sont très partagés. D'une part, il y a une administration qui ne veut surtout pas entendre parler de l'information extra-financière et qui est plutôt en phase de dérégulation. Il arrive que, lors de réunions internationales, le contraire soit dit mais, fondamentalement, le progrès est plutôt complètement stoppé au niveau public. D'autre part – et là est le paradoxe –, il existe dans ce pays une communauté extrêmement active d'entreprises ou d'organisations non gouvernementales qui milite assez fortement en faveur de l'information extra-financière. En somme, les initiatives privées sont très proactives et cachent la forêt de l'inertie publique.

J'ai également eu l'occasion de travailler avec des contreparties asiatiques. La Chine, incontestablement, partage cette préoccupation. Il ne s'agit pas de sa priorité numéro un, mais ce pays se rend bien compte qu'il doit bouger à plus long terme, bien que ne sachant pas encore comment aborder la question alors que sont en cours une guerre économique avec les États-Unis et une pandémie. Pour être clair, la Chine a la volonté de bouger, mais pas aujourd'hui. Le Japon est dans une position assez traditionnelle qui est attentiste par rapport à ces nouvelles préoccupations. L'Inde est un peu comme la Chine, c'est-à-dire que ce n'est pas sa priorité numéro un.

Nous voyons bien qu'à l'exception des forces privées qui poussent aux États-Unis, l'Europe est complètement pionnière et la France l'est elle-même au sein de l'Europe.

Il y a une confrontation entre deux modèles et une vivacité de certaines initiatives qui se situent dans la tradition du monde anglo-saxon. L'Europe réfléchit souvent en termes de droit romain, c'est-à-dire qu'on édicte une réglementation : c'est un peu compliqué, c'est long, on est dans une démarche verticale descendante. Les Anglo-saxons ont une tradition autre, verticale ascendante : on part de la pratique de gens qui se rencontrent, qui fondent un club, qui trouvent un financement plus ou moins philanthropique, lequel rejoint parfois les intérêts privés – par exemple, un des normalisateurs autoproclamés est financé par Bloomberg. On se rend compte qu'il y a une bonne initiative qui n'est pas du tout critiquable, mais qui finit par rejoindre le monde de la communication et des médias. C'est une démarche anglo-saxonne classique, américaine en particulier, qui fait entrer dans le jeu les « market forces », les forces du marché.

Au sein de cette tendance nord-américaine – je cite des acteurs que certains d'entre vous connaissent, qui sont discrets, mais très actifs – le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) est une organisation complètement privée et qui s'est autoproclamée normalisateur de la sustainability, du durable. Le normalisateur financier s'appelle le Financial Accounting Standards Board (FASB). Une seule lettre a été modifiée, mais c'est une institution complètement privée. Le budget du SASB n'est pas considérable – il est de l'ordre de 10 ou 12 millions de dollars par an –, en revanche, le SASB réalise un marketing absolument extraordinaire.

Le SASB applique une démarche fondée sur le consensus sectoriel. Il a divisé l'économie en 77 secteurs et a mis en place 77 groupes de travail qui se sont réunis pendant un an pour décider quels sont les indicateurs importants pour chacun des secteurs. Ils ont retenu entre 10 et 25 indicateurs pour chacun de ces secteurs, 22 en moyenne, soit un total de l'ordre de 1 700 indicateurs. C'est très pragmatique, réalisé de façon professionnelle mais c'est complètement sectoriel.

Une autre démarche, toujours inspirée par l'Amérique du Nord, est la Global Reporting Initiative, qui s'inscrit dans la tradition du multilatéralisme américain. Ils sont venus s'installer à Amsterdam et ils promeuvent la double matérialité, mais c'est un petit peu en perte de vitesse aujourd'hui. Ils ont besoin d'un deuxième souffle.

La troisième tendance est plutôt londonienne et, dans le cadre du Brexit, il est essentiel d'avoir cela en tête car nous devons regarder de près les sous-entendus. L'idée consiste à dire qu'il faut confier la démarche à une seconde jambe de l'International Financial Reporting Standards (IFRS), c'est-à-dire faire la même chose qu'en matière d'information financière, à savoir déléguer à un organisme prétendument global. J'avais expliqué il y a cinq ans devant cette commission qu'il fallait être prudent quand on parlait de la globalité des IFRS. Ils sont adoptés par l'Union européenne et par d'autres pays tels que le Canada et l'Australie, ainsi que des petits pays qui ne disposent pas de capacités normalisatrices importantes et qui ont ainsi préféré se raccrocher à cette dynamique. Pour le reste, la Chine converge en substance et le Japon prend les IFRS en option, tandis que les États-Unis, eux, ne les ont pas retenus et ont conservé leur autonomie. Il faut faire attention lorsqu'on parle de standards globaux : cette globalité demeure relative

En somme, à l'issue de la première vague de réglementation, nous sommes arrivés à un foisonnement dans lequel existent des obligations, mais pas de norme d'établissement de l'information : il y a des lignes directrices. Leur application par les entreprises est d'une intensité variable : certaines sont très avancées, d'autres sont plus à la traîne et se contentent du minimum requis. La qualité de l'information est elle aussi très variable : les systèmes sont plus ou moins qualitatifs, la considération à l'égard des questions de gouvernance monte, mais c'est progressif. Le niveau de l'information financière est loin d'être atteint, et cela n'est pas audité – ou pas toujours. En fait, il n'y a pas de contrôle externe généralisé. La France a pris l'option de contrôler la déclaration de performance extra-financière (DPEF), mais c'est un des rares pays à l'avoir fait.

Nous avons donc des données dont la qualité est très inégale. La cohérence et la comparabilité sont un véritable problème. Ce qui crée un danger, c'est que cette dynamique qui nourrit des attentes aboutisse à un système ne permettant pas de répondre aux attentes, avec les risques que l'on connaît en termes de greenwashing. Certains font plus du marketing que du vrai travail, et donc de l'information honnête et fidèle. De telles pratiques ont pour effet de décevoir ceux qui lisent cette information et aboutissent à accroître le clivage entre l'entreprise et la société au lieu de le résorber.

Cet état des lieux est assez largement partagé. Tout le monde considère qu'il faut passer à la phase deux. Quel est le dispositif de cette deuxième phase ? D'abord, il faut combiner à la fois la démarche classique de l'Union européenne, verticale descendante, et la démarche typique anglo-saxonne, verticale ascendante, c'est-à-dire combiner un niveau légal, une directive, un règlement et des normes issues d'un consensus sous le contrôle de l'autorité publique. C'est très important d'être assez proche du terrain, parce que la granulométrie des standards est une raison fondamentale de succès. Par ailleurs, il faut vraisemblablement laisser les entreprises choisir entre un niveau socle et un niveau plus sophistiqué, avec l'idée de créer un cercle vertueux, dans le cadre duquel le marché poussera assez fort pour permettre une montée en qualité à partir d'un socle qui ne devrait pas être négociable.

J'ai proposé dans le rapport que, selon les niveaux que je viens d'évoquer, une architecture en quatre piliers soit mise en place.

Le premier pilier est le cadre conceptuel, c'est-à-dire : quels sont les critères de qualité que l'information doit remplir ? Cela n'a l'air de rien, mais c'est très important. Il s'agit de comparabilité, de pertinence, ce que les Anglais appellent la relevance. On peut passer des heures à discuter de la terminologie et faire de la sémantique, mais il y a quand même une convergence qui consiste à dire que les principes de qualité qui sont généralement reconnus pour l'information financière sont assez facilement transposables à l'information extra-financière. Il faut cependant rajouter un principe, celui de la connexion entre le financier et l'extra-financier. En d'autres termes, si l'on donne – ce qui est ma proposition – à l'information des entreprises une seconde jambe, qui est l'information extra-financière – la première jambe étant la jambe financière déjà relativement structurée et musclée – ce n'est pas une seconde jambe qui marche sans coordination avec la première.

Or aujourd'hui, l'extra-financier est sous-développé. Je dis parfois que c'est une béquille et que l'information de l'entreprise saute à cloche-pied ou boîte. L'idée est de créer une seconde jambe qui ait la même capacité de marche équilibrée. Tout le monde vous dira – non seulement les analystes financiers, mais aussi tous les observateurs –, que l'information financière, dans leur jugement sur l'entreprise, ne représente que 50 % des données qu'ils regardent. Ils ont besoin de beaucoup d'autres données et la qualité de ces dernières n'est pas suffisamment acceptable.

Dans ce premier pilier, il y a les principes de qualité et un élément clé : on ne traite pas uniquement des euros. La finance a un avantage : elle ne traite que d'information monétaire. Cela se traduit toujours par un flux et est fondé sur un engagement, sur une obligation que quelqu'un a souscrite de payer à une autre personne quelque chose. Ne sont recensés que des euros ou des dollars. C'est la force de l'information financière, mais aussi sa limite. Cela permet de faire des balances carrées, des crédits et des débits qui s'équilibrent, etc. Cela donne un sentiment de fausse sécurité. En revanche, dans l'information extra-financière, il y a évidemment des informations monétaires, mais aussi des informations quantitatives non monétaires. J'ai recensé plusieurs dizaines d'unités (les tonnes de carbone, les mètres carrés, le nombre de personnes, les heures, le genre). Ceux qui essaient de réduire cela à un aspect monétaire tronquent complètement la nécessaire diversité de l'information extra-financière.

Le deuxième pilier porte sur les normes de contenu. Comment, par exemple, décrire les émissions de gaz à effet de serre ? Aujourd'hui, il y a plusieurs méthodologies. Personne ne vous dit exactement celle que vous devez suivre, donc vous avez des informations disparates. Il y a quelques dizaines d'indicateurs qui mériteraient d'être normés.

Le troisième pilier porte sur la structure du compte rendu, du reporting. Les IFRS, par exemple, se sont attachés un peu au pilier un, beaucoup au pilier deux, et pas du tout à la structure du reporting, ce qui fait qu'aujourd'hui, il n'y a pas de bilan et de compte de résultat IFRS. Cela aboutit à des ambiguïtés sur la présentation. Comment faire la comparaison ? Qui plus est, nous sommes dans un monde numérique et il est absolument essentiel de prévoir d'emblée la numérisation de cette information, c'est-à-dire avoir une adresse, concevoir une information qui pourra être incluse dans une adresse informatique. Le troisième pilier est donc cette structure de reporting – ce qu'on appelle la taxonomie.

Enfin, le quatrième et dernier pilier est le cadre de responsabilité, qui a trois dimensions. La première consiste à savoir comment la gouvernance va prendre en charge l'élaboration de cette seconde jambe d'information de l'entreprise. La deuxième dimension, c'est le contrôle externe. L'expérience a démontré que les pays qui avaient fait le choix du contrôle externe avaient des informations de meilleure qualité, et nous ne concevons pas aujourd'hui une information financière sans le contrôle externe, même si certaines défaillances peuvent parfois être constatées. La troisième dimension du cadre de responsabilité est la supervision par les autorités de marché, par les régulateurs bancaires et assurantiels : c'est absolument essentiel.

Fondamentalement, qui va faire cette normalisation ? Dès l'instant où l'idée d'une normalisation européenne est apparue, il y a eu une offensive assez nourrie, pour dire qu'il y avait déjà des choses qui existent, qu'il ne fallait pas perdre de temps et qu'il valait mieux se consacrer à ce qui existe déjà. En ce moment, le SASB voyage en Europe en permanence pour essayer d'expliquer que ses normes sont une solution simple. Cet organisme a d'ailleurs reçu le soutien du plus grand investisseur de la planète, qui a dit avoir demandé aux personnes au sein desquelles il investit de bien regarder le SASB. Heureusement, a été ajoutée aux normes SASB la mention : « ou équivalent ». Je suis absolument convaincu que la normalisation européenne prendra en compte les démarches SASB sectorielles, qui ne sont pas mauvaises du tout, mais ira au-delà. Je ne vois pas de conflit. C'est assez provocant, mais il ne faut pas répondre à la provocation par la provocation.

Il y a une deuxième tentative – qui a d'ailleurs un certain soutien au sein de l'Union, mais minoritaire – qui suggère de confier la normalisation à la Fondation IFRS, un deuxième board qui serait le cousin germain ou le frère de l'IASB. Comme par hasard, ce sont plutôt des propositions issues de gens qui sont en train de quitter l'Union.

J'ai beaucoup insisté pour qu'une position soit prise par la Commission européenne sans tarder. Comme vous le savez, elle s'est mise en marche le 1er décembre dernier. Le Green Deal a été annoncé, la taxonomie des activités a été adoptée et beaucoup d'autres mesures ont été prises ou annoncées. Le vice-président exécutif de la Commission, Valdis Dombrovskis, a réaffirmé le 28 janvier ce qu'il avait annoncé dans le cadre du Green Deal, à savoir que la directive sur l'information non financière, qui s'appelle la non-financial reporting directive (NFRD) en langage bruxellois, allait être révisée. Deuxièmement – c'était nouveau –, M. Dombrovskis a annoncé une initiative en matière de normalisation, un travail préparatoire devant être confié l'European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG). L'EFRAG est l'organisme qui conseille la Commission européenne sur l'homologation des normes comptables financières IFRS. C'est l'idée d'une seconde jambe, mais dans un stade préparatoire. Une révision de la gouvernance de cet organisme sera nécessaire et sera probablement préparée d'ici la fin de l'année. J'ai modestement donné le conseil au gouvernement d'appuyer cette démarche qui me paraît aller dans le bon sens et qui met un coup d'arrêt à des tentatives qui ne doivent pas être exclues. L'Europe est diverse. Elle n'est pas en train de développer un système hégémonique, mais elle est un système ouvert. C'est ma vision.

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