Intervention de Danièle Obono

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Au-delà de son contenu précis et restreint, cette proposition de loi nous invite à débattre du rôle de la police et de son acceptation. C'est un questionnement que les collectifs de citoyens, de soutien aux victimes, aussi bien que les représentants de la police que nous avons auditionnés, considèrent comme fondamental. Doit-on considérer que la police est là pour discipliner les citoyens, leur apprendre le respect, leur montrer les limites de ce qu'ils peuvent exprimer ou de ce à quoi ils peuvent aspirer ? En entendant les déclarations des responsables politiques, du ministre de l'Intérieur ou du préfet de police de Paris, on pourrait croire que le métier de policier est essentiellement lié à la répression.

La police française, rappelons-le, est parmi les plus lourdement armées en Europe : l'usage des Flash-ball et des LBD, plus particulièrement dans les quartiers populaires, est là pour le rappeler. De surcroît, elle est la police européenne qui use le plus de ces techniques létales que sont le plaquage ventral, le pliage ventral et la clé d'étranglement.

Amnesty International a indiqué que ces techniques ne devraient pas être utilisées en France, puisque les consignes et les formations se sont révélées insuffisantes et inadéquates pour minimiser les risques induits par leur utilisation.

Tous les syndicats de police que nous avons auditionnés ont souligné un enseignement sommaire, une formation initiale insuffisante pour des techniques dont on sait qu'elles peuvent causer la mort par asphyxie, l'inadéquation de la formation à la réalité du terrain – les policiers étant surpris par les réactions violentes et la résistance des personnes interpellées.

De surcroît, le cadre légal de l'usage de la violence, qui doit être nécessaire et strictement proportionné, n'est pas enseigné. Les forces de l'ordre sont détentrices du monopole de la violence d'État, mais elles ne sont pas formées à n'utiliser cette violence qu'en dernier ressort, à en percevoir l'usage comme un échec. Certains policiers ont expliqué qu'il était impossible de fournir des échelles permettant d'évaluer la proportionnalité et la nécessité de l'usage de la violence.

Si Cédric Chouviat ne s'était pas opposé à son arrestation, il serait toujours en vie ; si Adama Traoré n'avait pas voulu échapper à un contrôle d'identité, il ne serait pas mort asphyxié. Si Lamine Dieng n'avait pas contesté son arrestation, il n'aurait pas eu à supporter le poids de quatre policiers sur lui. Et qu'aurait dû faire Wissam El-Yamni, mort après neuf jours dans le coma, suite à une interpellation – il a été retrouvé dans le couloir du commissariat inconscient, face contre terre, menotté et le pantalon baissé aux chevilles ?

Ces cas, dont le nombre peut sembler minime par rapport à celui des interpellations, sont précisément ceux qui devraient nous intéresser. En tant que responsables politiques et parlementaires, nous avons le devoir de protéger les droits des citoyens, de garantir que l'État exerce son pouvoir de manière respectueuse des droits humains. Dans les cas cités l'usage de la force a été disproportionné et non nécessaire, les réactions des personnes appréhendées ne justifiaient pas leur mort.

À quoi sert la police ? Nous pensons que la police est un élément de la cohésion sociale, qu'elle peut et doit assurer des missions de sécurité et de sûreté, en s'assurant que les personnes ne sont pas soumises à l'arbitraire et à la violence de l'État.

Les citoyens et les citoyennes doivent pouvoir faire confiance à leur police. Cette confiance se crée si la police devient un instrument de l'égalité. Au travers des formations contre les biais discriminants de genre, raciaux ou validistes, la lutte pour l'égalité devrait être intégrée au travail de la police. Mais ce n'est pas le cas. Toutes les personnes mortes suite à l'utilisation des techniques d'immobilisation étaient des hommes perçus comme noirs ou arabes. Cette dimension n'est pas une simple coïncidence. Elle montre combien il est nécessaire de mettre en oeuvre une doctrine de désescalade et une formation liée à ces perceptions discriminantes. La police doit servir les citoyens, ce n'est qu'à cette condition qu'elle est républicaine, ce n'est qu'à cette condition que l'usage de la violence est légitime. Tel est le sens de cette proposition de loi.

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