Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du samedi 21 mars 2020 à 9h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Présentation commune

Edouard Philippe, Premier ministre :

S'agissant des gels hydroalcooliques, nous avons là aussi agi très rapidement. Dès le début du mois de mars, nous avons instauré un contrôle des prix et, parallèlement, autorisé les pharmaciens à produire du gel. Nous avons engagé avec les producteurs et les distributeurs une démarche de structuration du marché pour augmenter les capacités et assurer la mise à disposition des produits.

Les mesures que nous avons prises – depuis le rapatriement jusqu'au confinement de l'ensemble de la population, ainsi que le passage progressif par les différents stades de gestion de l'épidémie – l'ont été au moment précis où les médecins qualifiés pour émettre des recommandations nous l'ont conseillé. La décision est politique ; elle est la nôtre. Il ne s'agit pas de demander aux scientifiques de prendre ces décisions, même si leurs responsabilités, loin d'être accessoires, sont naturellement éminentes. La décision politique, comme chacun ici le sait, relève du pouvoir politique et c'est très bien ainsi.

Si la décision est politique, elle doit cependant être éclairée, en l'occurrence par des experts réunis dans le conseil scientifique que le Gouvernement a placé à ses côtés. Ces décisions étant prises, nous devons désormais veiller avec la plus grande fermeté à ce qu'elles soient respectées, au moyen notamment d'un système d'amendes renforcées de sorte qu'elles soient plus dissuasives et qu'elles permettent à ceux qui n'ont pas compris l'intérêt de ces mesures d'en saisir toute l'importance.

S'il fallait aller plus loin et déployer des moyens supplémentaires pour que ces mesures produisent tous leurs effets, nous le ferions. Je souhaite réitérer un message de grande fermeté. L'acte de responsabilité citoyenne attendu de chacun d'entre nous pour se protéger, pour protéger les autres et pour contribuer au freinage puis à l'élimination de l'épidémie, consiste à respecter strictement et rigoureusement les règles du confinement et, au travail comme dans la vie courante, à s'astreindre aux gestes barrières qui nous sont recommandés. Je le dis solennellement : le confinement de notre vie sociale doit être maximal pour briser la circulation et l'avancée du virus.

La vie économique doit se poursuivre autant que possible, afin d'assurer les fonctions essentielles de la nation et la vie quotidienne des Français. Elle peut et doit s'organiser dans le respect des consignes de sécurité sanitaire par accord au sein des entreprises, grâce à la vigilance et au patriotisme de tous.

Je remercie une nouvelle fois, en notre nom à tous, les travailleurs, les entreprises et les institutions publiques qui s'escriment à poursuivre leur activité et trouvent, parfois avec ingéniosité et toujours avec le sens du dialogue social, les moyens de remplir leurs missions sans mettre en danger ni leur santé ni celle des autres.

Je souhaite aussi évoquer la situation spécifique de nos outre-mer. Les mesures de confinement y sont également instaurées, plus rapidement encore peut-être car, en outre-mer comme dans l'Hexagone, il nous faut préserver nos capacités de traitement et de soins. Nous y instaurons donc les mesures adaptées pour contenir le virus, notamment s'agissant des bateaux de croisière, ou encore la quatorzaine stricte imposée aux personnes arrivant dans les territoires insulaires.

À nos compatriotes et nos entreprises d'outre-mer, celles du tourisme en particulier, je veux dire clairement que la solidarité nationale s'applique et continuera de s'appliquer pleinement, dans le respect, bien entendu, des compétences des collectivités d'outre-mer. Je tiens également à ce que la continuité des transports entre l'Hexagone et les outre-mer soit maintenue, dans des conditions très strictes cependant, car nous savons qu'une propagation trop rapide du virus sur ces territoires aurait des conséquences importantes.

Je sais pourvoir compter sur les Françaises et les Français, l'ensemble des corps intermédiaires et nos institutions pour opposer à la propagation du virus une chaîne de responsabilité. Le Parlement, pour sa part, assure la continuité de notre vie démocratique. En cette période, je vous en remercie tout particulièrement, vous qui avez été parmi les premiers frappés ; je présente à celles et ceux qui sont malades – députés, fonctionnaires et collaborateurs – mes voeux de prompt et complet rétablissement.

Hier, le projet de loi de finances rectificative que vous aviez adopté jeudi, qui apportera à notre économie tout le soutien financier nécessaire – garantie de crédits, crédits budgétaires nouveaux – , a été adopté dans les mêmes termes par le Sénat. Aujourd'hui vous est soumis un projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, examiné jeudi par le Sénat. Il vise quatre objectifs : protéger notre population, sauver notre économie, adapter provisoirement les règles de droit aux bouleversements que rencontrent les relations économiques, sociales et administratives, et, enfin, organiser le report du second tour des élections municipales, initialement prévu ce dimanche 22 mars.

Je souhaite revenir sur la première série de dispositions qui, au sein du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, concernent le report du second tour des élections municipales. Les décisions de maintien du premier tour, puis de report du second, s'inscrivent rigoureusement dans la logique de réponse à la propagation du virus que je vous ai exposée il y a quelques instants. Ni l'une ni l'autre n'ont été prises à la légère, bien au contraire : il s'agissait de peser attentivement les éléments en faveur du maintien ou du report d'un scrutin démocratique fondamental pour la vie quotidienne des Français en période de montée de l'épidémie. Vous toutes, qui procédez du suffrage universel, le savez : c'est de lui, et de lui seul, que nous tenons notre légitimité démocratique. Refuser de tenir des élections à l'échéance prévue est évidemment un acte lourd, qui ne saurait être décidé qu'en cas de force majeure et dans un consensus démocratique suffisant.

Dès le mois de février, lorsque j'ai réuni les groupes politiques pour les informer précisément de la situation sanitaire et de ses conséquences, la question du maintien du scrutin municipal a été évoquée. À l'époque, et sur l'avis unanime des responsables scientifiques, nous avons considéré que ce scrutin pouvait et devait être maintenu. Dès lors, nous avons systématiquement interrogé les spécialistes sur les conditions sanitaires d'une organisation sûre : ils nous ont recommandé de sensibiliser nos concitoyens et ceux qui feraient procéder aux opérations de vote aux consignes de sécurité et aux gestes barrières grâce auxquels les contaminations peuvent être évitées. À leurs yeux, il n'existait donc pas de risque plus élevé à voter qu'à procéder à d'autres actes courants de la vie quotidienne, comme faire les courses ou utiliser les transports en commun, qui étaient alors encore autorisés.

Jeudi 12 mars, à quelques jours du premier tour des élections municipales et alors que nous décidions des premières mesures lourdes de confinement, le report a été de nouveau évoqué. Le Gouvernement a instruit cette question, comme c'était évidemment nécessaire. Jeudi, pouvions-nous décider de reporter le premier tour des élections municipales ? Nombre de ceux qui ont été interrogés et consultés – parfois informellement, il est vrai – nous ont indiqué que, sur la base des informations dont ils disposaient, ils considéraient que les opérations électorales pouvaient se tenir, pour autant qu'elles soient bien organisées et les consignes de sécurité correctement instaurées et respectées. Le conseil scientifique a donc confirmé son analyse précédente. Enfin, samedi, à la veille du vote, et alors que nous resserrions encore les mesures de confinement, nous avons de nouveau consulté les experts, qui ont confirmé leurs recommandations. Mesdames et messieurs les députés, qu'aurait-on dit si, par un décret pris nuitamment la veille d'une élection, nous avions annulé le scrutin, alors même que le lendemain, nous le savons, les Français, sans avoir pleinement mesuré les nouvelles contraintes, se promenaient dans les parcs et les jardins ? Il est toujours difficile de dire ce qui se serait passé, mais il n'est pas impossible qu'à ce moment-là, certains eussent crié au coup de force. Imaginez que, certains ayant crié au coup de force – pas tous, sans doute – , nous ayons dû, comme cela a finalement été le cas, procéder au confinement général ? Qui, ici, peut nier qu'en plus d'une crise sanitaire, c'est une crise politique qui aurait éclaté ?

Aux plans technique et sanitaire, le scrutin s'est bien déroulé, et j'en remercie les responsables – les maires, qui ont organisé les élections, les services municipaux, qui les ont accompagnés, les candidats et l'ensemble de nos concitoyens. Pour avoir parcouru plusieurs bureaux de vote, comme d'autres dans cet hémicycle, j'ai constaté l'extrême conscience civique déployée par ceux qui les organisaient et le calme dans lequel nos concitoyens se rendaient aux urnes, respectant autant qu'il leur était possible, et souvent, très strictement, les consignes qui leur avaient été transmises. Cependant, la forte abstention a montré que, dès dimanche, l'inquiétude avait saisi un grand nombre de Français. L'épidémie, qui était lors en début de pic, s'est de surcroît accélérée, atteignant le moment que j'évoquais tout à l'heure. Lundi, après une nouvelle consultation des forces politiques, nous avons donc décidé du report du second tour, que les experts du conseil scientifique recommandaient.

C'est la raison pour laquelle le titre Ier du projet de loi, du moins dans la version initiale du Gouvernement – puisque le Sénat l'a modifié sur ce point – , visait à organiser le report du second tour des élections municipales dans les 5 000 communes, secteurs et circonscriptions métropolitaines où le premier tour n'a pas permis d'élire l'ensemble de l'organe délibérant. Il est utile d'avoir conscience que, sur les 35 000 communes françaises, des résultats ont été acquis dès le premier tour dans pas moins de 30 143 communes : c'est considérable ! Cependant, pour toutes les communes où le premier tour n'a pas permis d'élire l'ensemble du conseil municipal, le projet de loi fixe la tenue du second tour au mois de juin, sous réserve, bien sûr, que nous ayons alors contenu l'épidémie.

Pour nous en assurer et afin d'anticiper la situation, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement le 10 mai 2020. Il se fondera sur les observations du conseil scientifique : si tout va mieux, nous pourrons voter, sur la base des résultats du premier tour, au plus tard à la fin du mois de juin ; si, en revanche, nous devions conclure que l'épidémie rend encore impossible la tenue du second tour dans de bonnes conditions au mois de juin, nous reviendrions vers le Parlement pour décider des meilleures mesures à prendre.

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