Intervention de Ericka Bareigts

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEricka Bareigts :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, madame, monsieur les rapporteurs pour avis, chers collègues, le budget qui nous est présenté suscite de graves inquiétudes auprès de nos près de 3 millions de concitoyens ultramarins. Certains points sont en effet préoccupants.

En matière de logement, les crédits alloués à la rénovation de l'habitat privé passent de 29 à seulement 4 millions d'euros, tandis l'objectif de logements passe de 893 à 187. L'accession à la propriété n'atteint plus que 7 millions d'euros, contre 20 en 2017, et les crédits du plan « Séisme » Antilles sont en diminution. C'est une non-réponse aux demandes de logement de nos familles et une fragilisation du BTP.

En matière de mobilité, les ambitions semblent également revues à la baisse. En effet, la baisse de 8 millions d'euros des crédits liés à la formation professionnelle en mobilité est en contradiction avec la volonté de favoriser la mobilité des Ultramarins. Plus généralement, la baisse de 13 % du budget de LADOM ne manque pas d'inquiéter, alors que la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a élargi les missions de l'opérateur et que le Président de la République a promis de porter à 200 000 le nombre de billets d'avion aidés chaque année.

Le déploiement de la mobilité retour est un combat que nous avons tous ensemble mené ici, à l'Assemblée nationale, parce que nous sommes convaincus que, en offrant à nos jeunes gens, riches de leur expérience et de leurs diplômes, la possibilité de revenir sur nos territoires, nous permettrons qu'une force nouvelle irrigue nos territoires ultramarins pour mieux les construire.

Le plan d'urgence pour la Guyane, qui avait été élaboré de manière sérieuse et responsable sous la conduite de Bernard Cazeneuve et co-construit avec le territoire n'apparaît que partiellement dans cette mission, comme dans les autres. La suppression de « l'équivalent fonds vert » pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, en pleine COP 23, et alors que le réchauffement climatique est une réalité indéniable, constitue un signal inquiétant pour la sécurité de nos frères et de nos soeurs face à la montée des eaux.

La remise en cause de la Cité des outre-mer, dont le président Hollande avait posé la première pierre en mars dernier, viendra limiter le rayonnement de ces territoires. Les artistes et les acteurs du monde associatif qui sont aujourd'hui dans les tribunes de cette assemblée suivront attentivement notre choix à cet égard.

Enfin, ce qui ne manque pas de nous inquiéter, c'est que la mission « Outre-mer » verra ses crédits stagner aux mêmes montants que cette année en 2019 et en 2020 en dépit des Assises des outre-mer, qui devaient voir une hausse du budget pour nos territoires.

Cependant, au-delà de ces considérations budgétaires, nous éprouvons la désagréable impression d'un manque de vision et d'ambition pour les outre-mer. Or je crois que nous avons toutes et tous conscience des lourdes responsabilités qui pèsent sur nos épaules : les outre-mer sont face à des choix historiques. Je ne parle pas seulement des importants défis propres à certains territoires ; la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, Mayotte ou, bien évidemment, Saint-Martin, pour lequel nous avons tous une pensée particulière. Non, je parle plus généralement des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et humains propres à tous les territoires ultramarins.

De nouvelles perspectives sont offertes à nos territoires par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Et cette loi n'est pas ma loi, ni celle du groupe socialiste. Co-construite avec les parlementaires de tous bords politiques et votée à l'unanimité, elle est celle de nos 3 millions de compatriotes ultramarins. Pourtant, sa mise en oeuvre ne semble pas être une priorité. Cette loi est la première pierre d'un changement de vision comme de méthode ; elle porte l'expression, l'ambition de chacun et affirme la France une, indivisible et diverse.

Oui, nous voulons aujourd'hui changer notre modèle de développement en tenant compte de nos singularités dans nos politiques publiques.

Nous sommes convaincus qu'avec l'ensemble des acteurs, sur le terrain, nous pouvons construire des plans de convergence. Nous voulons aller plus loin dans l'intégration de nos territoires dans leurs bassins régionaux. Nous pouvons enfin parachever le long mouvement vers l'égalité sociale pour tous nos concitoyens. Nos territoires ne quémandent rien ; ils veulent simplement les moyens de leur ambition, pour mieux construire leur émancipation.

Le rendez-vous d'aujourd'hui est un rendez-vous manqué, madame la ministre. Pour ces raisons, le groupe Nouvelle Gauche votera contre ce budget.

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