Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la France est un grand pays, la cinquième puissance économique mondiale, la deuxième puissance maritime, avec une zone économique exclusive de près de 12 millions de kilomètres carrés, juste derrière les États-Unis. Notre France unie et indivisible est pleine de richesse et de potentiels.

Mais cette France forte et puissante dont nous parlons se compose également de territoires aux multiples réalités et spécificités : Saint-Barthélemy, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, des territoires presque tous gangrenés par la pauvreté. Car, de gouvernement en gouvernement, de président en président, y tourne a nou toujour carrysou de riz – on finit toujours par se faire avoir.

D'année en année, depuis plus d'un demi-siècle, nous battons des records en matière d'inégalités. Dois-je vous rappeler qu'entre 20 et 45 % des Français d'outre-mer vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Jusqu'à quand va-t-on accepter cette situation ? Nos sociétés ultramarines sont au bord de l'explosion ou de l'implosion.

À situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles : des moyens suffisants doivent être mis en place, des moyens novateurs et en adéquation avec nos réalités, nos besoins, nos objectifs. La place de deuxième puissance maritime mondiale n'est-elle pas due aux outre-mer, composante pleine et entière de la France ? Ne l'oubliez pas. Alors pourquoi ne veut-on pas, n'arrive-t-on pas ou n'ose-t-on pas développer ces territoires en s'appuyant sur l'énorme potentiel qu'est l'économie de la mer, pour ne citer que celui-ci ? Y aurait-il une véritable volonté de ne pas prendre en compte la réalité ultramarine, économique, sociale et culturelle ? Serait-ce par méconnaissance ou par mépris ?

Dans ce budget, engage-t-on une politique capable de répondre à nos défis ; l'emploi, le mal-être, le mal logement, la pauvreté, la misère ? Non : votre budget ne jette pas les bases d'un avenir meilleur pour nos compatriotes, madame la ministre. Il est présenté par certains comme étant en augmentation, mais nous pourrions au mieux parler de stabilité, de continuité. En d'autres termes, ces orientations refusent toute sortie de crise conjoncturelle et structurelle.

Ce budget dit aux personnes âgées : « Privez-vous, ou continuez à vivre dans la difficulté » ; aux jeunes : « Continuez à galérer » ; aux personnes privées d'emplois : « Ne comptez plus sur un petit contrat pour survivre » ; aux planteurs : « Débrouillez-vous avec les règles européennes » ; à ceux qui sont en attente d'un logement : « Patientez encore et toujours ».

Pourtant, madame la ministre, vous le savez, nous avons des atouts. Alors pourquoi n'en voit-on aucune trace dans ce budget ? Oui, les populations ultramarines veulent des orientations ambitieuses et innovantes. Le moment est venu de donner à nos territoires les outils de développement permettant d'éradiquer l'apartheid social, qui s'aggrave un peu plus chaque jour.

Nous voulons une agriculture écologique et paysanne, source d'emplois et de santé ; une gestion raisonnable et raisonnée de la mer et de ses ressources ; une valorisation des savoir-faire ancestraux et uniques, en matière, par exemple, de plantes médicinales ; une convergence des politiques pour faire des outre-mer des territoires à énergie positive. Faisons des outre-mer des terres d'expérimentation et d'adaptation, des laboratoires de l'évolution politique.

Des outils institutionnels existent pour encadrer et permettre tout cela : les articles 37-1, 72, 73 et 74 de la Constitution, entre autres, et l'article 349 du traité européen. Qu'attendez-vous pour accorder les moyens nécessaires à l'épanouissement économique de nos territoires, dans un esprit de confiance et de fraternité ? Je dis aux représentants de l'État français : n'ayez pas peur ; soyez certains que les outre-mer veulent s'émanciper pour oeuvrer au rayonnement de la France à travers le monde, car nou lé kapab– nous en sommes capables.

Mais vos orientations budgétaires sont autant d'attaques portées au coeur de l'économie sociale et solidaire. Elles remettent en cause le fragile équilibre social, et ne réduisent en rien les inégalités économiques. « Pour un politique, la pire des choses, c'est l'irresponsabilité. Il est tard, mais pas trop tard pour prendre des mesures significatives », disait Paul Vergès au Sénat, et son propos reste plus actuel que jamais.

Madame la ministre, c'est avec un « non » ferme et motivé, que mon groupe et moi refuserons de voter ce budget de repli, aux antipodes du processus de progrès. Nou le pa z'enfants batards – nous ne sommes pas des enfants bâtards.

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