Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du dimanche 22 mars 2020 à 18h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Présentation

Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Avant toute chose, je tenais à saluer la mobilisation exceptionnelle de l'Assemblée nationale, de ses élus, de ses fonctionnaires et des collaborateurs parlementaires, qui ont fait en sorte que le débat démocratique ait pleinement lieu en ces temps difficiles. Vous me permettrez de remercier également les services du Gouvernement qui ont contribué à l'écriture du projet de loi, avant de participer à celle des ordonnances.

Ce débat qui nous a tous mobilisés s'est tenu alors même que des règles sanitaires très strictes – vous les avez rappelées, monsieur le président – ont été édictées et appliquées au sein de votre assemblée. Nous nous y sommes collectivement pliés avec discipline, de la même manière que nos concitoyens appliquent au quotidien les consignes sanitaires du Gouvernement. Il y allait de notre devoir d'exemplarité.

Je souhaite également souligner la qualité du dialogue qui s'est noué entre les deux assemblées et avec le Gouvernement afin de parvenir à examiner dans des conditions satisfaisantes pas moins de trois projets de loi entre jeudi et aujourd'hui. C'est qu'aucun examen législatif rapide ne saurait être sérieux sans consensus entre les parties prenantes sur l'urgence d'agir et les réponses à apporter. Indéniablement, il y a eu et il y a encore des divergences ; c'est normal au sein d'une démocratie : cela prouve que la démocratie n'a pas été mise entre parenthèses. Nous les avons surmontées ; c'est le sens du compromis qui vous est soumis, c'est aussi la fonction du débat parlementaire.

Je veux remercier très sincèrement le président de l'Assemblée nationale de son rôle essentiel dans l'organisation des débats, de sa disponibilité et de son écoute. Je remercie également l'ensemble des présidents de groupe et des députés mobilisés, qui ont agi dans un esprit de responsabilité. Cela a créé les conditions de la confiance ; je sais que vous en étiez très soucieux, monsieur le président.

Nombre de citoyens pourraient s'étonner que le Parlement ait eu besoin de quatre jours pour adopter une loi dite d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Nous devons assumer ce débat que nous avons tous appelé de nos voeux, pour plusieurs raisons. Premièrement, nous restons convaincus que les Français attendent une réponse claire et forte concernant ce que l'État va faire au cours des prochaines semaines. C'était l'une des vertus du débat que de l'apporter. Ensuite, la discussion a témoigné de notre volonté de transparence et de sa nécessité concernant la situation sanitaire, sociale et économique du pays. Troisièmement, le consensus à propos de mesures exceptionnelles favorise d'autant leur compréhension, leur acceptation et leur mise en oeuvre par nos concitoyens. Nos débats ont montré toute l'utilité de la démocratie représentative : faire état des observations, des interrogations, des inquiétudes de nos compatriotes sur le terrain, auxquelles nous avons voulu apporter des réponses.

À cet égard, je salue en particulier le rôle essentiel de vos collègues absents de l'hémicycle en raison des règles sanitaires que nous nous sommes imposées, et dont vous avez néanmoins relayé l'expression. Je les remercie de leur engagement quotidien dans leur territoire, où ils jouent pleinement leur rôle auprès de nos concitoyens, en les représentant, en répondant à leurs attentes, à leurs besoins, en les rassurant aussi, parfois. C'est un travail précieux.

Je voudrais revenir plus précisément sur quelques mesures emblématiques du texte. Le titre II, consacré à l'urgence sanitaire, donne les moyens au Gouvernement et à ses représentants de prendre des mesures réglementaires fortes pour enrayer la propagation du Covid-19, en s'inspirant notamment de la loi du 3 avril 1955. Des dispositions aussi exceptionnelles que le contrôle de la circulation des personnes et des véhicules, le maintien des personnes à domicile, le blocage temporaire des prix ou encore les réquisitions ne seront évidemment pas mises en oeuvre sans contrôle si les circonstances exigent qu'elles le soient. Le Parlement devra autoriser par la loi la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. À plusieurs reprises, la décision de recours à l'état d'urgence devra être éclairée par les données scientifiques, rendues publiques – nous en avons particulièrement débattu hier. L'Assemblée nationale comme le Sénat pourront requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation des mesures. Il est précieux, en effet, de s'appuyer sur la science pour prendre nos propres responsabilités politiques et de poursuivre le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement, même dans cette période exceptionnelle. C'est également utile au Gouvernement.

Outre des mesures plus coercitives qui visent les multirécidivistes contribuant manifestement à la propagation du virus par leur comportement irresponsable, des décisions de bon sens et tenant compte des réalités humaines ont été prises, dont l'abandon du jour de carence pour les arrêts maladie, le temps de l'épidémie, dans le secteur privé comme dans le secteur public, ou encore la prolongation de la trêve hivernale jusqu'au 31 mai 2020.

Le titre III nous dote d'un arsenal nous permettant de faire face à une situation économique détériorée par la crise sanitaire. Environ quarante habilitations y sont prévues. C'est un choix radical, que le Gouvernement assume. Il faut être lucide : nous ne connaissons pas toutes les mesures qu'il faudra prendre en fonction de l'évolution de la situation. Mais nous prévoyons dès à présent de soutenir massivement la trésorerie des entreprises et de leur apporter des aides directes et indirectes afin de préserver l'essentiel. Le droit du travail sera également adapté de façon temporaire afin de garantir de la souplesse et de limiter les ruptures de contrats de travail. Ces mesures provisoires auront pour seul et unique objectif de permettre la poursuite du travail et la satisfaction des besoins essentiels de la nation.

D'autres dispositions, qui pourront être complétées par ordonnance, sont de nature à adapter les procédures du quotidien. Je pense au fonctionnement des organes des collectivités, à celui des syndics de copropriété, aux procédures judiciaires ; dans ces domaines aussi, le débat parlementaire a pris tout son sens, en venant rappeler au Gouvernement telle ou telle dimension de la vie en collectivité qui justifie telle ou telle mesure particulière.

Enfin, le titre III bis entérine le report du second tour des élections municipales et l'installation des conseillers municipaux élus au premier tour, ainsi que leurs conséquences. Je n'y reviendrai pas, sinon pour me réjouir qu'un accord entre les deux assemblées ait pu être obtenu sur ces points.

Le projet de loi nous donne des moyens significatifs pour réagir aux problèmes posés par la propagation du Covid-19. Il ne suffira pas pour relever tous les défis qui nous attendent et devra sans doute être complété par d'autres dispositions. Si nous devons nous réjouir du travail accompli au cours des quatre derniers jours, la crise que nous connaissons nous oblige à l'humilité, qui concourt à la transparence et à l'esprit de responsabilité.

Permettez-moi enfin de saluer ceux qui, dans l'urgence, sont en première ligne – à cet égard, j'associe le Gouvernement à l'hommage que vous avez rendu, monsieur le président, au membre du personnel médical qui vient de disparaître. Ils montrent un grand professionnalisme, beaucoup de dévouement et une capacité de mobilisation qui force notre admiration à tous. Je salue l'engagement sans faille des policiers, des gendarmes, des pompiers qui veillent au respect scrupuleux des mesures sanitaires et demeurent toujours aux côtés de nos concitoyens face aux difficultés. Je salue encore tous ceux qui, en soutien aux soignants et au service des Français, assurent chaque jour la continuité de la vie économique et sociale du pays – au fond, la mise en oeuvre d'une économie de guerre sanitaire.

Ce sont des fonctions essentielles, visibles ou moins visibles, auxquelles participent les agriculteurs, les artisans, les chauffeurs routiers, les transporteurs, ceux qui assurent la maintenance des réseaux téléphoniques, électriques ou d'eau, ceux qui assurent la collecte des ordures ménagères, les commerçants, les caissières…

Je voudrais saluer également les élus locaux et leurs équipes qui ne ménagent pas leurs efforts pour résoudre une multitude de problèmes : ils font preuve d'une ingéniosité de tous les instants et s'adaptent en permanence. Je tiens par ailleurs à saluer l'ensemble des fonctionnaires, nationaux comme locaux, qui assurent eux aussi la continuité du service public. Au fond, je salue ici tous les maillons d'une chaîne de solidarité humaine précieuse dans les temps difficiles que nous traversons. Tous comptent, tous apportent leur pierre à l'édifice, y compris par de petits gestes quotidiens : ici pour rompre la solitude d'un voisin ou d'un parent isolé, là pour rendre un service nécessaire et, finalement, faire vivre le beau mot de fraternité. Plus que jamais, il nous faut leur rendre hommage, car nous leur devons déjà beaucoup, et nous leur devrons encore beaucoup. Tous font leur part et ont une action déterminante dans les moments que nous traversons.

Par delà nos différences, vous aussi avez fait la vôtre, au nom, je le crois du seul intérêt qui vaille en ce moment : l'intérêt général. De tout cela, soyez remerciés.

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