Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du dimanche 22 mars 2020 à 18h30
Urgence face à l'épidémie de covid-19 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Considérant qu'il était notre rôle de passer à l'action, à la prise de décision rapide et de défendre la solidarité, c'est dans un esprit de responsabilité collective – en débattant, en faisant valoir des convictions, en tentant de tracer un chemin – que les députés du groupe GDR ont siégé ces derniers jours. Puisque l'occasion m'en est donnée, je veux dire tout mon soutien et ma solidarité à celles et ceux qui affrontent le virus, aux familles de celles et ceux qui y ont succombé, à la famille du médecin décédé aujourd'hui.

Je veux évidemment saluer le courage du personnel soignant, qui affronte cette épidémie avec des moyens bien trop faibles et affaiblis par des choix politiques de supprimer des lits et des postes. Je veux saluer le dévouement de tous les autres, mobilisés au service de la protection collective, qui derrière une caisse de supermarché, qui derrière une benne à ordures, qui derrière un volant pour livrer des repas aux aînés ou assurer les maraudes – et cela, bien souvent, sans protection. Je veux dire aussi qu'aux mains qui applaudissent le soir à vingt heures, s'ajoutent des mots. Des mots sur les maux, qui demandent plus de moyens pour l'hôpital, des masques pour les personnels.

L'urgence sanitaire nécessite un plan de bien plus grande ampleur que ce qui a été voté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Nous continuerons donc à demander des moyens bien plus importants pour l'hôpital : chaque jour, nous voyons à quel point cela est décisif ; malheureusement, dans les prochains jours, nous verrons à quel point cela est même vital. Nous continuerons de demander des réquisitions d'entreprises, car nous considérons que l'on est encore trop loin du compte. À nos yeux, le texte issu de la commission mixte paritaire ne dissipe pas les inquiétudes que nous avons exprimées ces derniers jours. Inquiétude tout d'abord s'agissant de la dérogation démocratique qu'il prévoit, bien plus importante que dans l'état d'urgence. Or nous pensons au contraire que pour encourager le rassemblement de toutes et tous et avancer ensemble, la démocratie et la coopération doivent être notre ligne de conduite.

Nous avions proposé qu'au-delà du Parlement, un comité de suivi associe des scientifiques, des représentants du monde du travail, des acteurs sociaux et économiques. Nous pensons que le rassemblement, l'unité, la confiance ne se décrètent pas : ils se construisent, ils se gagnent. Or accorder les pleins pouvoirs à l'exécutif, c'est prendre le risque du manque de transparence et de coopération. Le plus grand risque de tous, c'est que la suspicion naisse et que la colère gronde. Nous pensons que la démocratie sociale et politique est essentielle pour l'adhésion du peuple non seulement aux mesures prises, mais aussi au comportement à adopter, en particulier le confinement.

Inquiétude, aussi, devant les mesures dites « sociales », qui ne relèvent d'ailleurs pas de l'état d'urgence. Je pense à l'article 7, qui prévoit d'importantes dérogations au droit du travail, dérogations qui pourraient se prolonger, car ces mesures ne sont pas circonscrites dans le temps ; je pense à la durée du travail, aux congés payés, au travail dominical, qu'elles concernent. Les Français font preuve en ce moment d'une grande solidarité : ils font beaucoup d'efforts, y compris ceux qui restent confinés, même si ceux qui sont en première ligne en font plus encore. Mais ces mesures nous inquiètent, car elles donnent l'impression que rien du logiciel n'est remis en cause, que ce sont toujours les mêmes qui vont payer la crise.

Certaines dispositions auraient pourtant pu démentir cette impression et inspirer confiance, par exemple le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, qui n'aurait même pas suscité de polémique ; vous l'avez refusé. Alors que le gouvernement italien a annoncé l'arrêt de toute activité de production non essentielle, Mme Pénicaud se montre fière de pouvoir contraindre les salariés du BTP à travailler. Nos choix politiques peuvent sauver des vies : ce que nous devrions décider d'urgence, c'est d'arrêter ces activités non essentielles et d'assurer le revenu des salariés. Ce que nous faisons aujourd'hui dit quelque chose du monde d'aujourd'hui, mais aussi du monde de demain. La solidarité, le choix de protéger la planète, mais surtout les vies humaines, avant votre logiciel économique, reviendrait à dire quelque chose dans l'immédiat et pour l'« après ».

Compte tenu de ces inquiétudes confirmées par la CMP, par ces dérogations démocratiques, par ces choix qui aboutissent à faire payer la crise toujours aux mêmes, nous voterons en toute responsabilité et en toute conviction contre ce texte.

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