Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 9 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

À l'approche de la COP 23, à laquelle le plus gros pollueur de la planète, honoré en grande pompe le 14 juillet, ne participera pas, plusieurs analyses confirment que les pires scénarios liés au réchauffement climatique sont possibles : l'espoir d'un maintien de l'augmentation de la température en dessous de 2 degrés s'éloigne. On craint désormais d'atteindre les 3 degrés, voire plus, c'est-à-dire une situation dans laquelle les prévisions sont catastrophiques en matière de submersion de terres et de rivages, de sécheresse, de santé, de migrations climatiques, et de phénomènes météorologiques chaotiques fréquents.

Alors que notre maison continue à brûler, nous persistons à donner la priorité à des objectifs dérisoires par rapport à l'ampleur du danger. Après la présentation de ce rapport spécial en commission, M. le secrétaire d'État m'a répondu en rappelant la nécessité de participer à l'effort d'économies pour ne pas transmettre à nos enfants la dette financière. Or, tout devrait être fait pour ne pas alourdir la seule dette qui vaille, la dette écologique.

Le budget des programmes qui traitent d'eau, de biodiversité, de prévision des risques, d'expertise et de météorologie, du littoral, de l'érosion, ou encore de la conduite et du pilotage des politiques de l'écologie n 'est pas à la hauteur de la situation.

Tous ces programmes ont été victimes de gels et d'annulations de crédits très importants en 2017. Le seul décret d'annulation du 20 juillet s'est traduit par une ponction totale de 93 millions d'euros.

Contrairement à ce que pourraient suggérer les effets d'optique produits par les incessants changements de périmètre de la mission et des programmes, la situation budgétaire sera très loin de se redresser en 2018.

À titre d'exemple, les crédits du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » sont annoncés en hausse de 3,9 % mais, à périmètre constant, ils se voient amputés de 2 %. En effet, deux nouvelles actions sont créées à l'intérieur de ce programme – « Économie sociale et solidaire » et « Gouvernance, évaluation, études et prospective en matière de développement durable » – , modifiant considérablement son périmètre.

Autre exemple, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME – , rattachée désormais au programme 181, bénéficie de prime abord d'une subvention qui augmente de 36 %, passant de 449 millions d'euros à 612,7, mais, en réalité, cette hausse va largement financer des restes à payer de l'Agence. Les engagements sur les principales actions baissent : il en va ainsi s'agissant du fonds chaleur, de l'économie circulaire par l'intermédiaire du fonds déchet, ou du soutien à la recherche et à l'innovation dans ces domaines et des interventions sur les sols pollués.

En outre, les réductions d'effectifs atteignent tous les secteurs, sauf peut-être la sûreté nucléaire. Les pertes de compétences qui résultent de ces coupes auront à terme des conséquences gravissimes.

Après des phénomènes météorologiques comme Irma ou des accidents industriels comme celui de l'usine d'AZF, il y a de quoi s'inquiéter au vu de la faiblesse des moyens alloués à l'expertise et à la prévention des risques.

L'Institut national de l'environnement industriel et des risques – INERIS – subit des réductions d'effectifs importantes et une contrainte budgétaire forte alors même que cet établissement fournit un appui indispensable à l'État pour anticiper les risques industriels.

La situation de l'Autorité de sûreté nucléaire – ASN – est certes moins problématique, mais cet organisme réclame tout de même vingt équivalents temps plein pour lutter contre la fraude et la falsification, ce qui reste utile, chacun en conviendra, quelle que soit la position que l'on peut avoir sur l'énergie nucléaire.

Ainsi, les effectifs du ministère de la transition écologique et solidaire vont perdre, avec ceux du ministère de la cohésion des territoires, plus de 1 300 équivalents temps plein en 2018. Pour les seuls opérateurs, ce sont 446 emplois qui disparaissent, contre 344 en 2017. Les opérateurs, en particulier, semblent être devenus des variables d'ajustement budgétaire, alors même qu'ils jouent un rôle crucial.

Les eaux sont polluées à 85 % en France, au point que nous avons subi plusieurs condamnations européennes à ce titre, y compris de la Cour de justice de l'Union européenne. Or les agences de l'eau se verront appliquer en 2018 un prélèvement de 200 millions d'euros et le plafond de leurs ressources risque d'être de nouveau abaissé en 2019.

Les catastrophes climatiques comme Irma se multiplient. Elles gagnent en intensité, et l'on fragilise Météo France, fleuron français en matière de météo, troisième agence en Europe et l'une des meilleures du monde. L'opérateur perdra 95 emplois en 2018, quasiment autant chaque année jusqu'en 2022, et s'interroge sur le budget mis à disposition pour son supercalculateur. J'y reviendrai en défendant un amendement.

Enfin, la transition écologique et énergétique se joue au niveau des collectivités, de l'aménagement des territoires, de la gestion des ressources naturelles, des transports, de la réduction des pollutions et des nuisances. Et nous sommes très inquiets de voir la dotation du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – CEREMA – amputée de 5 millions d'euros et ses effectifs réduits de 25 %, au point que son personnel et son directeur général se demandent ce que l'État entend faire de cet outil indispensable.

À l'inverse de ce budget, et des indicateurs comptables auxquels il répond, nous préconisons un changement de paradigme en matière d'indicateurs de performances : la performance du XXIe siècle sera celle qui permet aux générations suivantes de continuer à vivre sur la planète. D'où la règle verte que nous préconisons en lieu et place de la règle d'or.

Nous en sommes loin, avec ce programme. C'est pourquoi votre rapporteur spécial émettra un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et vous proposera des amendements.

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