Intervention de Jimmy Delliste

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jimmy Delliste, directeur du centre pénitentiaire de Fresnes :

Dès le mois de février, nous avions envisagé l'éventualité d'une pandémie, travaillé à un plan de continuation de l'activité et examiné les modalités d'une éventuelle mise en quatorzaine de l'ensemble de nos arrivants. Le 6 février, une personne âgée écrouée présentait des problèmes de santé. Après une courte hospitalisation à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, elle a paru rétablie. Au même moment, une infirmière intervenant à Fresnes a été testée positive au Covid-19, ce qui nous a contraints à confiner dans un secteur dédié l'ensemble des sujets qui avaient été à son contact, soit 93 personnes détenues, dont aucune n'a finalement été positif au virus. Nous avons ainsi consacré un secteur de notre établissement à ce confinement. Dès cette époque, tous les soignants intervenant et les agents travaillant à proximité de l'unité sanitaire au sein de notre établissement ont été équipés de masques. Après une nouvelle hospitalisation, le détenu âgé est finalement décédé du Covid-19 le 17 février.

Dans ce contexte, nous avons pris rapidement des mesures de précaution qui ont anticipé celles de l'administration centrale. Nous avons suspendu l'ensemble des activités et réduit l'usage du parloir à une personne par visite et par détenu ; nous avons aussi suggéré aux personnes âgées ou vulnérables de décaler leurs parloirs. Dans l'ensemble, la population pénale a bien accueilli ces mesures, car elle était consciente des risques. Nous sommes parvenus à éviter que la maladie se propage rapidement dans le centre pénitentiaire, ce qui était à craindre.

Depuis le décès que je viens d'évoquer, sept détenus ont été touchés par la maladie et ont guéri sans développer de forme grave. Un détenu est encore malade et un autre attend le résultat de ses tests. L'épidémie est donc plutôt contenue.

Il faut saluer l'engagement de l'autorité judiciaire, qui a organisé l'aménagement de peine. Au grand quartier de Fresnes, la population est passée de 1 890 à 1 569 détenus, ce qui a permis de supprimer les cellules triplées. Plus de 400 détenus sont en cellule individuelle et la surpopulation carcérale tend à diminuer.

Parmi le personnel, 10 agents ont été touchés, 122 ont été mis en arrêt de maladie parce qu'on suspectait une contamination et de nombreux agents sont obligés de rester chez eux depuis la fermeture des écoles. La fermeture des parloirs, la réduction des activités et le renfort apporté par les agents chargés habituellement de l'extraction judiciaire et des transferts ont permis de réorganiser le travail et de faire face à cette baisse de nos effectifs.

Fresnes n'a pas connu les mêmes difficultés que d'autres établissements, notamment du fait de son infrastructure : jusqu'à 900 personnes peuvent se promener simultanément dans nos 110 cours. Cette infrastructure nous permet de mieux réguler les mouvements. L'organisation des promenades par petits groupes toujours identiques permet de réduire la propagation.

Nous avons craint des incidents la semaine qui a suivi la fermeture des parloirs, mais nous avons expliqué nos décisions à la population pénale. À travers une communication importante, nous avons été en mesure de rassurer les personnes qui craignaient d'être trop coupées de l'extérieur, en assurant le lavage du linge en interne, en rendant la télévision et l'accès au téléphone gratuits.

Chaque jour, cinq détenus entrent à Fresnes et vingt en sortent : à ce rythme, nous espérons arriver à l'encellulement individuel avant la fin du confinement. Cette baisse du nombre de détenus est notamment due à la mise en veille des tribunaux judiciaires. Nous avons veillé à maintenir l'enseignement, notamment en transmettant très régulièrement les contenus pédagogiques aux personnes détenues, ainsi que la distribution de la totalité des cantines.

Dans ce contexte, la situation est plutôt bien maîtrisée et les incidents de moins en moins nombreux. Mais il nous reste quatre semaines à tenir et il nous faut rester vigilants.

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