Intervention de Adeline Hazan

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Adeline Hazan :

Je redis notre vive inquiétude au sujet des centres de rétention de Vincennes et du Mesnil-Amelot. Dans le premier, on dénombre quatre cas de Covid-19, dont un détecté un mois après l'arrivée de l'intéressé ce qui signifie qu'il a été contaminé sur place. Il a en outre fait l'objet d'un test de dépistage seulement deux longs jours après l'apparition des premiers symptômes et deux autres jours se sont écoulés avant qu'il ne soit libéré. D'autres cas ont été testés positifs par la suite, ce qui implique qu'il en existe encore beaucoup, non testés.

Dès le 17 mars, j'ai demandé au ministre de l'Intérieur de fermer l'ensemble des centres de rétention, mais les plus importants ne l'ont pas été. Or non seulement la rétention ne sert à rien dans ces conditions, mais elle est dépourvue de fondement légal : on ne maintient normalement en rétention que des personnes que l'on sait pouvoir expulser au terme du délai maximal de quatre-vingt-dix jours, ce qui est actuellement impossible en raison de la fermeture des frontières.

J'ai décidé de me rendre dans ces centres, en prenant toutes les précautions nécessaires, et dès cet après-midi dans celui de Vincennes, car nous avons été alertés sur la situation par des avocats et des associations, qui eux-mêmes n'y vont plus ou presque, ce qui prive les retenus d'interlocuteurs. Il n'est d'ailleurs pas concevable que l'on empêche un élu de visiter les lieux de rétention.

La prolongation de plein droit des 22 000 mandats de dépôt en cours est une hérésie contraire aux principes généraux du droit, selon lesquels, dans un État de droit, la privation de liberté n'est possible que sur décision de justice.

L'angoisse habituelle des détenus souffrant de troubles psychiatriques ou psychologiques – environ 70 % des personnes détenues selon les dernières études, dont 20 ou 30 % de cas graves – est encore accrue par la peur de la maladie. Or les services psychiatriques, très mobilisés et vigilants, doivent faire avec les moyens du bord. La crise sanitaire fragilise donc la situation de ces détenus.

Mon équipe de cinquante personnes, dont quarante contrôleurs, travaillent à distance et récupère régulièrement son courrier au siège du contrôle général. Nous répondons à toutes les lettres et à tous les appels, venant essentiellement des détenus et de leurs familles, ces dernières étant souvent inquiètes de ne plus recevoir de nouvelles, ce qui plaide également pour la gratuité du téléphone. Nous téléphonons quotidiennement aux établissements pénitentiaires et sanitaires pour assurer une veille. L'augmentation de l'aide aux indigents en prison demeure tout à fait insuffisante, dans une période où les économies « de bouts de chandelle » sont hors de propos. En temps normal, une aide de cinquante euros est accordée aux détenus possédant moins de vingt euros sur leur compte ; pendant la crise sanitaire ce dispositif a été élargi aux détenus qui ont moins de quarante euros sur leur compte, auxquels on accorde un pécule de cent euros par mois. Ces mesures doivent être saluées mais demeurent nettement insuffisantes.

Je ne suis pas en mesure de répondre précisément en ce qui concerne les geôles des tribunaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.