Intervention de Adeline Hazan

Réunion du mercredi 15 avril 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Adeline Hazan :

Le travail en prison au service de l'intérêt général est une piste de réflexion intéressante. Toutefois, faire fabriquer des masques aux détenus alors qu'eux-mêmes en sont privés me semble une marque de mépris envers eux, révélatrice du fait qu'ils ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière. Dans les textes normatifs, la détention équivaut pourtant à la seule privation de la liberté d'aller et venir, non à celle des droits à la santé, à l'éducation, au maintien des liens familiaux, qu'ils subissent actuellement encore plus que d'habitude.

Je n'ai jamais certifié que les détenus libérés ne commettraient aucune infraction. Simplement, le risque de récidive ne serait pas différent s'ils étaient libérés deux mois avant la fin de leur peine, conformément au droit commun, ou après l'avoir entièrement purgée. C'est le droit à la vie et à la santé qui doit nous servir de boussole, pour les détenus comme pour vous et moi.

Le recours aux mesures alternatives à l'incarcération est évidemment insuffisant, je le dénonce régulièrement. La dernière loi de programmation de la justice a trop peu augmenté le nombre de conseillers de probation.

De nombreux mandats de dépôt sont prononcés en comparution immédiate – j'ai pratiqué cette justice de flagrant délit que l'on pourrait qualifier de justice d'abattage – car les magistrats n'ont pas suffisamment d'éléments sur la personnalité et l'environnement du prévenu au moment de prendre leur décision. Les effectifs sont insuffisants pour proposer des peines alternatives aux magistrats, dont certains considèrent encore l'incarcération comme la reine des sanctions.

Nous devons expliquer à l'opinion publique qu'une peine qui n'est pas exécutée entre quatre murs n'en est pas moins réelle. La pose d'un bracelet électronique ou le sursis avec mise à l'épreuve sont des condamnations qui figurent au casier judiciaire et imposent des restrictions de liberté. Les seules options ne sont pas la liberté totale ou la prison, le législateur a prévu de nombreuses peines alternatives à l'incarcération.

Je demande depuis six ans l'autorisation de téléphones portables contrôlés, écoutés, ne permettant de contacter que des destinataires autorisés. Les appels passés depuis les téléphones des coursives ou muraux doivent pouvoir l'être avec des téléphones portables bridés achetés en cantine. Il n'est pas question de surfer sur Internet, mais de pouvoir appeler à toute heure les personnes que les détenus ont le droit de contacter. Dans la période de crise actuelle, qui se traduit par un confinement, voire un entassement, en cellule, l'accès à un portable bridé et sécurisé prendrait tout son sens. De même, un accès numérique sécurisé et contrôlable permettant de correspondre par courrier électronique, alors qu'il est actuellement très difficile de distribuer le courrier papier, réduirait beaucoup la pression dans les établissements.

J'espère que nous saurons tirer les leçons de cette crise pour améliorer la dignité des conditions de détention.

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