Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 1er avril 2020 à 18h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Madame Bourguignon, la protection des soignants est un sujet crucial. Il est au coeur des politiques du ministère depuis le premier jour de l'épidémie – et même, dirais-je, avant cette date. Nous n'avons jamais caché les difficultés auxquelles la France, mais également l'ensemble des pays du monde, font face concernant l'approvisionnement en matériels de protection. Tous se sont trouvés simultanément confrontés à des besoins exceptionnels. Certains hôpitaux, en situation de pic épidémique, voient leur consommation de masques multipliée par vingt. Tous les États concernés se sont tournés vers le principal producteur, la Chine, dont les usines étaient fermées depuis plus de deux mois, puisque ce pays a été frappé de plein fouet par l'épidémie avant nous. Nous avons toujours communiqué de manière transparente et indiqué, de façon exhaustive, la quantité de masques de protection FFP2 et de masques chirurgicaux dont dispose la France – le fameux « stock d'État ». Nous avons décrit à plusieurs reprises de quelle façon nous avons déstocké ces matériels de protection et selon quelles règles nous les distribuons : nous privilégions les territoires les plus en tension, là où le virus circule le plus, et nous nous assurons que nous pouvons protéger l'ensemble des soignants du pays et les patients les plus fragiles.

Nous avons déstocké, depuis le début de l'épidémie, plus de 110 millions de masques. Nous estimons les besoins actuels, conformément à notre doctrine de répartition, à 40 millions de masques hebdomadaires. Une nouvelle livraison, de l'ordre de 40 millions d'unités, parviendra aux pharmacies d'officine, aux établissements de santé, aux EHPAD, aux personnes intervenant à domicile et à d'autres professions en première ligne, parmi lesquelles les pompiers, les éducateurs spécialisés et les personnes travaillant en hébergement d'urgence. Cette semaine, nous avons consommé 40 millions de masques et nous en avons obtenu 28 millions – 8 millions émanant de la production nationale, le reste relevant de dons et d'importations. Le pont aérien institué entre la France et la Chine a permis d'en importer, lundi, 8,5 millions ; nous en attendons 13 millions supplémentaires la semaine prochaine. Au total, je le rappelle, la France a passé commande de plus de 1,5 milliard de masques en France et à l'étranger.

Nous n'avons pas caché non plus qu'entre la commande, la production et l'arrivée sur le territoire français de ces matériels de protection, des étapes extrêmement complexes devaient être franchies du fait de la compétition mondiale. Toutefois, je le répète, la France avait anticipé les commandes : nous en avions passé avant même que les usines de production n'aient rouvert leurs portes.

Cela étant, je comprends parfaitement le désarroi et les attentes très fortes des professionnels de santé sur l'ensemble du territoire. Je les remercie infiniment de leur action au service des malades, dans des conditions que je sais exceptionnellement difficiles. Les difficultés ayant trait aux matériels de protection s'ajoutent aux conséquences d'un afflux de malades d'une ampleur que la France n'a jamais connue. Nous avons aussi distribué, cette semaine, 300 000 blouses et 100 000 surblouses, prioritairement à destination des régions les plus touchées par l'épidémie.

Vous soulevez également la question fondamentale de la réanimation. À l'heure où je vous parle, plus de 5 500 malades du coronavirus sont en réanimation, en France, dans les services hospitaliers. À titre de comparaison, notre pays compte, en situation normale, 5 000 lits de réanimation. Le plan blanc, qui a conduit à déprogrammer toutes les activités dans les hôpitaux et les cliniques privées, a été activé très tôt, ce qui a permis d'accroître nos capacités de réanimation à hauteur de 10 000 lits. Nous continuons à les augmenter. Nous accomplissons un effort phénoménal, notamment dans le Grand Est, en Île-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté et en Corse. Nous accroissons nos moyens dans une proportion que nous n'avions jamais connue pour atteindre un objectif de l'ordre de 14 000 lits de réanimation. Pour vous donner les informations les plus complètes possible, 4 000 lits restent disponibles, ce soir, sur le territoire national, dont 1 700 sont dédiés au Covid-19. Cette démarche implique des efforts de restructuration et de réorganisation – des blocs opératoires sont par exemple transformés en unités de réanimation. Vous n'imaginez pas les exploits que peuvent réaliser les professionnels de santé dans nos territoires. Je remercie également les équipes des agences régionales de santé, qui sont extrêmement mobilisées pour atteindre ces objectifs.

Pour tordre le cou à une rumeur, le secteur privé est lui aussi pleinement mobilisé partout où le virus circule. Le président de la Fédération de l'hospitalisation privée, M. Lamine Gharbi, a publié un communiqué très clair, hier matin, expliquant que, partout où il était nécessaire que les cliniques participent à l'effort de guerre, elles le faisaient. Cela étant, dans des régions où le virus circule moins, les réanimations, publiques comme privées, ne sont pas toujours pleinement mobilisées. Si besoin était, elles le seraient.

Au-delà de la création de lits de réanimation, nous faisons appel à la réserve sanitaire et nous déployons des respirateurs – le Président de la République a annoncé hier une commande de 10 000 respirateurs supplémentaires. Les médicaments de réanimation constituent un autre enjeu.

Nous n'avons jamais réalisé autant d'évacuations sanitaires dans notre pays que depuis quinze jours, par ambulance, train, avion, hélicoptère ou bateau, en France comme à l'étranger – je salue, à cet égard, la mobilisation de nos voisins allemands. Néanmoins, la situation reste extrêmement tendue et difficile, notamment dans le Grand Est et en Île-de-France. Nous sommes en alerte permanente. Nous avons des contacts étroits avec les élus locaux, qui sont très mobilisés, les directions d'hôpitaux, les médecins, et nous faisons le maximum pour accroître les évacuations et les capacités d'accueil. On compte ce soir 450 patients de plus en réanimation. Nous connaissons toujours une dynamique épidémique extrêmement grave et inquiétante.

J'ai réuni hier l'ensemble des acteurs travaillant dans le secteur des EHPAD et des soins à domicile. Je leur ai présenté les filières de soins spécifiques destinées aux personnes âgées, à domicile ou en EHPAD, qui ont été élaborées, au sein de chaque territoire de santé, en lien avec les ARS. Je leur ai également exposé les mesures de confinement pour protéger les personnes les plus fragiles, au-delà du plan bleu que nous avons activé il y a plusieurs semaines.

Le secteur médico-social du handicap n'est absolument pas oublié. Nous travaillons avec Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Nous ferons une communication conjointe d'ici à la fin de la semaine.

Enfin, le secteur de la protection de l'enfance fait l'objet d'une grande attention, notamment de la part des secrétaires d'État Adrien Taquet et Christelle Dubos, rattachés à mon ministère. Nous sommes en lien permanent avec les acteurs de ce domaine fondamental.

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