Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 9 avril 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

S'agissant du tracking, je crois savoir que la commission des Lois va procéder, cet après-midi, à l'audition de M. Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique. Il aura ainsi l'occasion de vous présenter le scénario qui est envisagé, fondé sur un téléchargement volontaire de l'application destinée à prévenir les risques de contamination.

Cela étant, le ministère de l'Intérieur n'est pas concerné par d'éventuelles opérations de tracking : un tel dispositif, d'ordre sanitaire et prophylactique, ne relève pas de mes attributions. Il ne s'agit donc pas d'un fichier de sécurité. Si cet outil était développé – je n'ai aucun avis sur le sujet –, et si le législateur jugeait nécessaire d'exercer un contrôle, les forces de sécurité veilleraient à ce que ce contrôle soit effectué, mais rien de plus. Insister sur ce point me permet de répondre aux propos de Mme Panot : avant de me traiter de « ministre de la répression », il convient de vérifier la répartition des compétences entre les membres du Gouvernement. Or cette question ne relève pas du ministère de l'Intérieur. De même, on peut me prêter toutes sortes de propos, mais ce que j'ai dit, lorsqu'on m'a interrogé sur l'usage d'un outil de ce type pour veiller au respect du confinement, c'est que je faisais appel à l'intelligence des Français. Je continue d'ailleurs de penser que celle-ci est au rendez-vous. Plusieurs études, ainsi que les données fournies par Google, montrent que les Français font partie de ceux qui, dans le monde, respectent le mieux le confinement. Je suis habitué aux procès, en particulier de la part de Mme Panot, mais, je le répète, le dispositif numérique envisagé ne relève pas des attributions du ministère de l'Intérieur.

J'ai déjà répondu au sujet des propos de M. Didier Lallement. M. Peu note que certains professionnels de santé s'en sont indignés, à juste titre, d'ailleurs. Je retiens pour ma part la réaction du professeur Pierre Carli, qui a l'habitude de travailler avec le préfet de police : il lui a renouvelé sa confiance aussitôt après que ce dernier a présenté ses excuses. Chacun peut s'appuyer sur les propos de tel ou tel médecin ; ce qui est sûr, c'est que le préfet de police a exprimé de la façon la plus claire qu'il regrettait ses propos, qui étaient une faute. Compte tenu de la tension qu'il subit, à l'instar des parlementaires, des ministres ou des fonctionnaires agissant sur le terrain, on peut comprendre que sa langue ait fourché et qu'il ait proféré une grosse bêtise. Ce qui compte, dans une telle situation, c'est que l'on prenne conscience de son erreur et que l'on s'emploie à la corriger. Pour en avoir parlé avec lui, je sais que M. Lallement est dans cet état d'esprit. Cela n'enlève rien à l'exigence que M. Peu exprime à son égard.

M. Vigier a abordé le sujet délicat du confinement dans les banlieues sensibles. Certains – mais je sais que ce n'est pas son cas – se sont empressés de faire le procès des quartiers difficiles, comme si les jeunes concernés étaient forcément des crétins incapables de comprendre qu'ils sont les premiers menacés par le Covid-19. Ce que nous avons observé, au contraire, c'est un respect général des règles de confinement, y compris dans les quartiers. Néanmoins, je sais qu'il est plus difficile de s'y conformer dans certains lieux : j'ai ainsi opposé, tout à l'heure, la situation d'une famille vivant dans un pavillon avec jardin offrant une jolie vue, bien équipée en terminaux numériques et abonnée à toutes sortes de services de loisirs, à celle qui est confinée dans un appartement au sein d'un quartier bétonné. Cette réalité, il faut la prendre en compte.

Nous n'avons pas pour autant été confrontés à des rassemblements massifs d'individus prompts à provoquer les forces de l'ordre. Il y a certes eu des incidents, notamment ce week-end, dans les Yvelines, à Trappes ou à Mantes-la-Jolie, en Seine-Saint-Denis, à Torcy ou à Clichy-sous-Bois, ainsi qu'à Mayotte – comme cela se passe, hélas, assez régulièrement. Je ne cherche pas à en contester l'existence. Souvent, la verbalisation pour non-respect des mesures de confinement donne lieu à des provocations à l'égard des forces de sécurité, voire à des violences urbaines. Il va sans dire qu'elles sont inacceptables et que nous devons lutter contre de tels agissements. Mais nous devons aussi le faire parce que ce sont ces jeunes qui, demain, seront les premières victimes du Covid-19, et parce que, étant victimes, ils risquent de rendre plus difficile le combat mené collectivement contre le virus. Je note par ailleurs que dans certains quartiers cossus de Paris, on sait tout aussi bien détourner la loi et rechercher l'exception… Quoi qu'il en soit, Monsieur Vigier, nous restons vivants et nos forces sont présentes partout.

M. Cazeneuve m'a interrogé sur le rôle des élus, une question que j'ai déjà abordée en répondant à Mme Braun-Pivet. Faire confiance aux territoires tout en évitant tout excès susceptible d'amener le désordre, tel est le double enjeu de la politique de différenciation que nous prônons. Il y a un équilibre à trouver, des lignes à ne pas franchir. Ainsi, en l'absence de consensus scientifique permettant de justifier une telle mesure, les maires ayant pris un arrêté rendant le port du masque obligatoire ont commis une erreur. Il convient donc d'éviter les excès, tout en faisant confiance aux élus.

La question des exécutifs locaux est délicate en raison du caractère provisoire de leur situation. Mais seule la loi peut permettre une organisation différente. Il vous appartient donc de décider en la matière.

Au sujet de la libération anticipée des prisonniers, Monsieur Son-Forget, j'insiste sur le fait que les dispositifs de suivi des sortants de prison restent opérationnels et que les services de renseignement sont pleinement mobilisés. La menace que représentent certaines personnes incarcérées faisant du prosélytisme religieux est protéiforme : elle concerne l'environnement carcéral lui-même mais peut être également projetée hors des lieux de détention. C'est pour y faire face qu'a été créé le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) et que la cellule de la DGSI consacrée aux détenus sortant de prison reste totalement mobilisée. Deux visioconférences exceptionnelles se sont tenues récemment pour anticiper les sorties de prison évoquées hier devant vous par la garde des Sceaux. Rien que depuis le début du confinement, soixante-deux réunions de GED se sont tenues.

Vraiment, dans ce domaine, personne ne baisse les bras ; notre niveau de mobilisation est très élevé. Malgré tout, cela ne garantit pas que nous puissions empêcher des attaques comme celle perpétrée à Romans-sur-Isère, par une personne qui n'était jamais apparue sur aucun de nos écrans. Celle-ci, entrée en France en 2016, avait obtenu le statut de réfugié et avait fait l'objet d'un processus d'accompagnement, notamment grâce au dispositif HOPE –hébergement, orientation, parcours vers l'emploi –, dont nous sommes plutôt fiers au vu de son efficacité en matière d'intégration. Pourtant, sept personnes ont été attaquées et deux sont décédées.

Par ailleurs, vous me posez une question technique au sujet des lunettes de protection : il faut faire la différence entre les lunettes utilisées pour l'entraînement au tir et celles utilisées lors des sorties en vue d'interventions sur la voie publique.

Enfin, le sujet du pouvoir de dérogation, que vous connaissez bien, comme nous, a été travaillé en profondeur avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je ne crois pas que les Français s'en inquiètent. C'est un motif d'intérêt général qui doit justifier de telles dérogations, et des recours sont possibles. Depuis deux ans, nous avons utilisé la disposition 183 fois dans 17 départements, et cette expérimentation a montré l'intelligence d'un pouvoir local d'appréciation par rapport à la norme nationale. C'est pourquoi nous avons décidé hier, en conseil des ministres, de l'élargir.

Ce texte était le premier, depuis quelques semaines, qui ne soit pas en rapport avec l'état d'urgence sanitaire ; j'en ai été assez fier, car c'est aussi une façon de reconnaître l'extraordinaire engagement des préfets sur le terrain, déjà salué par beaucoup d'entre vous. Dès le début de la crise, j'ai demandé à tous les préfets – j'espère que c'est chose faite et que vous pourrez me le confirmer – de mettre en place des vidéos, des boucles Telegram ou autres afin d'informer les parlementaires de leur département, tous bords confondus, de ce qui s'y passe. En effet, je sais combien ce lien est important en cette période où vous-mêmes vous trouvez soumis à l'obligation du confinement.

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