Intervention de Véronique Heim

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Véronique Heim, directrice Études et prospective au Syndicat des Eaux d'Île-de-France :

Nous sommes très honorés de venir ici expliquer le point de vue du producteur d'eau potable. Le SEDIF est un établissement qui dessert 151 communes réparties sur 7 départements de la région Île-de-France, ce qui représente 40 % de la population. C'est donc un enjeu important, car près de 4,7 millions d'habitants sont ainsi desservis en eau potable.

Celle-ci est produite dans des usines de traitement à partir de l'eau des fleuves, à savoir la Seine, la Marne et l'Oise. Nos usines sont interconnectées. Nous sommes garants de la qualité de l'eau depuis la ressource, le puisage dans le milieu naturel, jusqu'au robinet du consommateur. Nous sommes soumis aux réglementations du code de la santé publique et aux réglementations environnementales.

Ces ressources sont extrêmement vulnérables. Nous devons détecter précocement les pollutions, de façon à avoir un temps de réaction suffisant pour protéger les consommateurs d'eau du robinet. Nous devons produire une eau de qualité irréprochable.

Nous avons deux sujets : la pollution de l'eau avant qu'elle n'entre dans nos usines de traitement et la pollution dans nos réseaux potables après traitement.

Les fleuves ont des activités variées : navigation, loisirs, puisage pour EDF, etc. Ils sont aussi le réceptacle des eaux usées et d'assainissement. Ces eaux sont donc soumises à des pollutions.

Nous avons parlé d'incendie. Voilà un exemple concret que nous avons eu à vivre le 1er août 2018, suite à l'incident d'une usine Derichebourg qui traite des casses de voitures. Cet incendie majeur s'est produit à un moment de forte chaleur, et donc de forte consommation d'eau. De plus, comme les températures dépassaient 30° C ou 35 °C, des problèmes électriques ont eu lieu dans nos usines. Cette concomitance d'événements défavorables arrive souvent quand les crises se produisent.

Nous avons aussi des pollutions liées à l'activité industrielle, par exemple une pollution orange de la Seine liée à des imprimeries et à leurs colorants.

Nous sommes habitués à gérer les crises. Le SEDIF existe depuis près d'un siècle. En termes de prévention, un dispositif réglementaire existe. Les périmètres de protection et les stations d'alerte sont des outils obligatoires. À l'entrée de nos usines, et à quelques kilomètres en amont, nous plaçons des stations d'alerte qui vont mesurer en continu la qualité de l'eau sur un certain nombre de paramètres. Ce sont des stations fixes avec des analyseurs qui mesurent la conductivité, les hydrocarbures, etc. Nous avons aussi des modèles de transfert de pollution afin d'anticiper et de définir des temps de transport vers notre réseau.

Tout cela permet de réagir avant que l'eau n'entre dans l'usine. Comme notre réseau est interconnecté, si la Seine est polluée, nous activons l'usine basée sur la Marne de façon à assurer la continuité de l'alimentation. Le temps court de la décision est très important. Très rapidement, il faut se poser les bonnes questions.

Pour réagir rapidement, nous avons des plans de gestion, des moyens de secours, etc. Tout un processus est mis en place. Le but est d'identifier très rapidement l'origine et la toxicité. Nous avons des besoins analytiques.

Qu'est-ce qui peut nous aider à améliorer nos dispositifs? Il faut distinguer la question du prélèvement et celle de l'analyse. Nous avons des capteurs en temps réel, avec analyse et mesure en continu ou à haute fréquence. Grâce aux nouvelles technologies, nous avons non pas des postes fixes, mais des bouées qui peuvent être mises en place sur les fleuves. Cela enrichit considérablement le réseau. Tous les modèles hydrauliques et « qualité quantité » peuvent être couplés à ce réseau de capteurs. Nous travaillons aussi sur des analyses de laboratoire beaucoup plus rapides et puissantes, avec des méthodes de criblage destinées à identifier précisément les polluants.

En termes d'innovation, nous essayons de développer l'utilisation des drones. Soit on analyse avec un capteur en continu, soit on utilise des capteurs mobiles dont les résultats sont analysés.

Nous travaillons aussi sur les effets sur la santé, avec des bio-essais sur les milieux. Quelle est la toxicologie de ces paramètres chimiques ou microbiologiques que nous trouvons dans nos ressources ? Nos études sur la santé humaine prennent en compte les nouveaux risques biologiques et chimiques.

Il ne faut pas oublier la contamination accidentelle du réseau d'eau potable, après traitement. Ce réseau est protégé par la pression de l'eau, mais il peut être soumis à des actes de malveillance, des retours d'eau, des travaux. Là il faut réagir très vite, sans avoir forcément toutes les réponses. On peut développer de nouveaux réseaux de capteurs, comme on l'a fait par exemple pour la COP 21 ou pour les Jeux Olympiques de 2024. On y travaille, pour densifier des réseaux de capteurs qualité sur le réseau, de façon à pouvoir réagir en temps réel.

Les nouvelles technologies nous apportent un nombre considérable d'informations. Un capteur en temps réel nécessite un système de supervision et une analyse en continu. La puissance des algorithmes, la richesse des données, le couplage avec la modélisation numérique hydraulique qualité permettent d'anticiper.

Néanmoins, il faut maîtriser l'interprétation et l'analyse et se préoccuper de la durée de vie des capteurs et de la validation des données. Pour cela, il faut des experts, des métiers, des expertises derrière ces systèmes. Ils garantissent une bonne interprétation. Il faut toujours réfléchir à la continuité de l'activité.

Pour conclure, le SEDIF a été confronté à la crise du tritium en juillet 2019. Il faut vraiment se préparer aux crises médiatiques et aux fausses rumeurs, et être capable de délivrer rapidement un message non anxiogène et rassurant, juste, proportionné, en donnant les bons éléments.

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