Intervention de Yaël Braun-Pivet

Séance en hémicycle du samedi 9 mai 2020 à 18h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Commission mixte paritaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYaël Braun-Pivet, présidente de la commission mixte paritaire :

Pour reprendre les mots de Jean Jaurès, « les hommes qui ont confiance en l'homme savent [… ] qu'il vaut la peine [… ] d'agir, que l'effort humain vers la clarté et le droit n'est jamais perdu ».

Des efforts, chacun en a fait pour parvenir au texte qui vous est présenté par la rapporteure : c'est celui de la commission mixte paritaire, et ce n'est donc pas un texte comme les autres. La CMP semble vouée à la discrétion ; elle est pourtant l'organe le plus révélateur du fonctionnement du bicamérisme. Elle est le lieu où le Parlement excelle à chercher ce qui rassemble plutôt que ce qui désunit. La CMP qui nous occupe n'a pas fait exception : elle a duré plus de quatre heures, comme celle qui l'avait précédée, consacrée à la première loi d'urgence. Elle a été ponctuée de suspensions, de moments de doute ; elle aurait pu échouer. Mais nous avons réussi, car le sens du compromis a prévalu.

Nous avons su, avec nos collègues sénateurs, faire front commun face à l'épidémie, guidés par l'unique boussole de l'intérêt de nos concitoyens. C'est la force de notre Parlement : être tout à la fois capable de consensus, force de proposition et garant de la sécurité et des libertés de chacun. Quelles que soient les circonstances, les Français peuvent compter sur leur Parlement.

Ce travail que nous avons été capables de mener, sur tous les bancs, malgré des délais contraints, est la plus belle démonstration de la force de notre République.

Sur le fond, nous avons prolongé l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet, pour mieux nous donner les moyens de sortir de cette épreuve.

Dans le souci de protéger libertés et droits de la défense, nous avons voulu, à l'unanimité, le retour au droit commun de la détention provisoire dès lundi prochain, en l'accompagnant des modulations nécessaires au bon fonctionnement des juridictions.

Nous avons permis la création d'équipes sanitaires pour identifier les cas de contamination et casser les chaînes de transmission, en encadrant strictement les outils à leur disposition et en réaffirmant le rôle de la CNIL que la commission des lois a auditionnée deux fois au cours des dernières semaines.

Sur tous ces points, le Parlement a joué son rôle de garant en veillant à l'équilibre nécessaire entre sécurité sanitaire des Français et respect des libertés publiques.

Enfin, sur la responsabilité pénale des décideurs, le sujet qui fut le plus difficile, nous partagions avec les sénateurs un même objectif : répondre à l'inquiétude et à la situation particulière dans laquelle se trouvent nombre d'élus et d'employeurs, tous ceux qui devront prendre des décisions ou les appliquer dans un contexte épidémiologique redoutable. Nous devions être à la hauteur de cette attente. Mais nous ne voulions pas atténuer ou exonérer les décideurs de leur responsabilité. Nous ne voulions pas non plus distinguer, en matière pénale, selon les personnes concernées, car ce qui compte n'est pas qui fait la faute, mais de quelle faute on parle. Nous avons cherché un chemin, d'abord à l'Assemblée nationale, avec les membres du groupe MODEM avec lesquels nous avons déposé des amendements identiques. Nous avons continué à le chercher en commission mixte paritaire, et nous l'avons trouvé : lorsqu'il y a une volonté partagée, on peut surmonter bien des obstacles !

Alors que nous nous apprêtons à sortir progressivement du confinement, notre Parlement doit désormais, pour conserver toute la force qui est la sienne et dont les Français que nous représentons ont besoin, reprendre le plein exercice de ses missions constitutionnelles, au-delà de la seule urgence.

Nous y sommes prêts. Nous sommes prêts à contrôler, prêts à légiférer, prêts à évaluer. Nos institutions, nos concitoyens, ont besoin d'un Parlement fort, au service de tous ; d'une vie démocratique apaisée, animée par l'esprit constructif et respectueux qui caractérise nos débats. J'ai confiance, plus que jamais, en notre capacité à être, toujours, à la hauteur de cette attente.

J'emprunterai encore une fois à Jaurès ces mots de conclusion : « Oui, la République est un grand acte de confiance et un grand acte d'audace ! ».

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