Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 13 mai 2020 à 15h00
Haine sur internet — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

L'un des arguments répétés sur les bancs de la majorité consiste à constater qu'il y a un problème auquel il faut remédier, et à saluer l'efficacité de la solution proposée. Mais justement, je ne suis pas du tout convaincue de l'efficience de ce que vous proposez.

Il est vrai qu'il existe, au sein de la majorité, une tendance à la parole performative : parce qu'on a dit qu'une mesure serait efficace, elle le sera assurément. Rendez-vous dans quelques mois ! S'agissant de la loi contre la manipulation de l'information, vous nous aviez expliqué que l'article 1er était incontournable ; or personne ne l'a utilisé dans le cadre des élections européennes – car il est évidemment impossible à appliquer ! Je vous invite donc à réfléchir sur l'efficience des mesures que vous proposez. Peut-être le droit actuel est-il inadapté, mais il sera très compliqué d'endiguer le flot de propos haineux comme vous le proposez sans remettre en cause la liberté d'expression.

À plusieurs reprises, nous vous avons proposé d'agir au niveau européen et de vous attaquer à la source du problème, à savoir à la viralité des contenus. Si un propos haineux n'est partagé que par trois personnes, il ne fera pas beaucoup de mal à autrui. La dangerosité d'un contenu réside dans sa viralité. Or en quoi vous attaquez-vous à la viralité ? En quoi parlez-vous des problèmes d'interopérabilité, des possibilités d'évolution des utilisateurs sur les différentes plateformes ?

Certes, vous abordez la question de la transparence des algorithmes, mais vous n'évoquez absolument pas les biais cognitifs ni leurs autres travers. Il ne s'agit pas de chercher les secrets de fabrication de ces algorithmes, mais de s'interroger sur leurs finalités. Tout cela ne peut se faire qu'au niveau européen. Si nous devions passer par une loi nationale, nous aurions souhaité qu'elle ouvre la voie et qu'elle aille dans ce sens.

Je ne suis donc pas convaincue que votre dispositif soit efficient, même si vous ne cessez de le répéter. L'avenir nous le dira !

Enfin, votre façon de nous prendre en otages est un peu fatigante. Vous avez agi de la même façon pour la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, en nous expliquant que si nous votions contre, c'était que nous nous opposions au déconfinement. Personne n'est dupe ! Quand nous sommes contre quelque chose, c'est parce que nous refusons ses modalités. Nous en avons le droit.

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