Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 14 mai 2020 à 9h00
Diverses dispositions liées à la crise sanitaire à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi était composé uniquement d'ordonnances, en très grand nombre – pas moins de trente-trois. Le groupe UDI-Agir et indépendants l'avait d'ailleurs regretté en commission spéciale.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à l'article 38 de la Constitution. Cette prérogative du Gouvernement lui permet d'agir avec célérité lorsque la nécessité l'exige ou pour traiter de sujets purement techniques. Il convient toutefois d'associer le Parlement à la rédaction des ordonnances ; c'est la garantie d'une prise en considération des sensibilités et des différences territoriales et, ainsi, d'une meilleure application de la loi.

Je salue le travail du rapporteur en commission, qui a inscrit dans le texte le contenu de plusieurs demandes d'habilitation. En effet, même si les circonstances exceptionnelles légitiment pour partie le recours aux ordonnances, le Parlement doit rester le lieu privilégié de la fabrication de la loi. Nous attendons du Gouvernement qu'il continue sur cette voie en séance publique, comme il s'y est engagé en commission : plusieurs amendements nous incitent à le croire.

Par ailleurs, il nous semble de bon aloi que les mesures instaurées en vertu des ordonnances soient limitées dans le temps. Le Parlement doit en effet pouvoir, dans un laps de temps raisonnable, exercer son droit de regard afin de juger au cas par cas s'il est utile de les prolonger. Nous défendrons des amendements en ce sens.

Sur le fond, nous partageons l'ambition qui est la vôtre dans ce projet de loi. Alors que notre pays est quasiment à l'arrêt depuis deux mois, il est essentiel de réagir vite pour accompagner la reprise dans toutes ses dimensions. Il convient avant tout d'assurer la continuité des services publics et des missions régaliennes. Il nous faut également soutenir le redémarrage économique. Face aux risques de faillites, aux carnets de commandes peu remplis des entreprises, au désarroi des travailleurs indépendants, l'action des pouvoirs publics a été essentielle durant le confinement ; elle doit se poursuivre.

Nous sommes aussi confrontés à l'exigence de sécuriser et protéger les droits des travailleurs, du privé comme du public, en évitant les ruptures de droits. L'acquisition de droits à la retraite dans le cadre de l'activité partielle ou encore le maintien des règles de l'assurance chômage vont donc dans le bon sens.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la justice, à propos desquelles nous avons longuement débattu en commission, nous comprenons la nécessité d'accélérer les procédures afin d'éviter les dépassements de délais ou de résorber le trop-plein de dossiers. Mais cela ne doit pas conduire à étendre, dans la précipitation, l'expérimentation des cours criminelles, alors que celle-ci est en cours et n'a pas encore fait l'objet d'une évaluation. De la même manière, la possibilité, pour le parquet, de réorienter les procédures doit être balisée pour éviter toute dérive.

Par ailleurs, nous avons de grandes interrogations sur la portée de l'article 3. Celui-ci vise à permettre au Trésor de récupérer toutes les disponibilités des personnes morales gérant des fonds publics. Les régies d'avances et de recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, dont l'ouverture d'un compte bancaire est motivée par des contraintes liées à l'implantation géographique ou à la sécurité des fonds et des personnes, seraient désormais contraintes de déposer leurs fonds au Trésor. Une telle mesure pourrait nuire au bon fonctionnement de ces entités, en rigidifiant leurs mouvements et besoins de trésorerie au profit de l'État.

S'agissant de la portée de l'habilitation relative au Brexit, d'une durée de trente mois, celle-ci nous semble excessive. Alors que les relations futures avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord auront des incidences pour nombre de nos territoires et que les évolutions dans les négociations peuvent être nombreuses, le Parlement ne doit pas être dessaisi de ses prérogatives pendant une période aussi longue. Une période de dix-huit mois, plus proche du choix du Parlement sur le Brexit l'an dernier dans des circonstances similaires, nous paraît plus adaptée.

Enfin, compte tenu des circonstances exceptionnelles que nous connaissons, nous considérons que notre pays se doit de donner une réponse également exceptionnelle à la question de l'intégration plus importante des PADHUE – praticiens à diplôme hors Union européenne. Ces professionnels de santé diplômés d'un pays extra-européen ne sont pas tous, loin s'en faut, concernés par la procédure de régularisation prévue par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Ils ont été et demeurent en première ligne face à l'épidémie, au même titre que le reste des personnels soignants. Nous serons attentifs à leur sort.

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