Intervention de Alain Bruneel

Séance en hémicycle du lundi 18 mai 2020 à 16h00
Questions sur le thème : quelles réponses pendant et après la crise du covid-19 pour améliorer la sécurité sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel :

La crise sanitaire que nous traversons démontre avec force la dépendance et la fragilité industrielle de la France, où l'État doit garantir la sécurité sanitaire des citoyens. La réalité a illustré la dépendance flagrante des industriels et des consommateurs européens à l'égard de productions délocalisées, en particulier chinoises. La déstructuration du tissu économique a accentué la fragilité de l'industrie européenne, incapable de répondre aux besoins essentiels des populations, notamment en termes de masques de protection. L'économie étant organisée selon le dogme ultralibéral, la concentration des activités industrielles se produit dans les zones où le droit du travail est le plus avantageux pour la rentabilité financière. Il faut produire à moindre coût, quitte à produire à l'autre bout du monde !

La crise liée à la pandémie du covid-19 a mis en relief les effets négatifs de cette vision libérale de l'économie. La combinaison d'une crise sanitaire et d'une crise économique replace le principe de l'État-stratège au rang des priorités : l'État doit pouvoir définir ce qu'est une entreprise indispensable à notre santé et en dresser la liste. Il est par exemple indispensable de pouvoir produire localement des masques, des blouses, des charlottes, des appareils respiratoires et de l'oxygène médical. Des nationalisations stratégiques doivent être effectuées dans ces entreprises-clés afin de planifier la production en fonction d'un seul besoin humain et non d'un impératif financier.

Cette crise sanitaire a révélé les limites et les dangers d'un tel fonctionnement.

Comment expliquer que l'on ait pu assister, au coeur de la sixième puissance mondiale, à des scènes surréalistes pour pallier le manque d'anticipation de l'État ? Comment expliquer que certains hôpitaux, en manque de protection pour leur personnel soignant, aient dû réaliser des patrons et faire appel à des couturières bénévoles ? Comment expliquer que les soignants des premières lignes aient dû utiliser des masques périmés faute de mieux ? Comment expliquer que l'État n'ait pas choisi de nationaliser Luxfer, seule entreprise de l'Union européenne à fabriquer des bouteilles de gaz, alors que le risque de pénurie était élevé ?

Il est urgent de tirer toutes les leçons de cette crise et d'annoncer des mesures concrètes pour réduire la dépendance industrielle de la France. Il faut joindre les actes à la parole, puisque M. le ministre de l'économie et des finances compte « utiliser tous les instruments pour protéger les entreprises françaises » – et d'ajouter : « cela peut passer par des recapitalisations, cela peut passer par des prises de participation, je peux même employer le terme nationalisation si nécessaire ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.