Intervention de Laurence Dumont

Séance en hémicycle du lundi 18 mai 2020 à 21h30
Débat sur les conséquences de la réforme de l'assurance chômage

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Il y a un an, ici déjà, je m'adressais au Premier ministre au sujet de cette réforme de l'assurance chômage. Je dénonçais alors, comme tous les députés de gauche, la prétendue ambition réformiste du Gouvernement, basée sur cette vision ultralibérale de l'économie.

Une réforme de l'assurance chômage sans aucun droit nouveau ; une réforme fondée sur l'idée que les demandeurs d'emploi étaient responsables de leur sort, étant trop confortablement indemnisés par l'assurance chômage.

Si c'est bien la majorité actuelle qui a voté ce texte dogmatique et idéologique, sa paternité doit être recherchée au plus haut sommet de l'État. C'est bien le Président de la République qui en a été l'inspirateur. Personne n'aura oublié ses propos adressés à un jeune chômeur : il suffisait de traverser la route pour trouver un emploi… Une phrase terrible, incompréhensible, puisqu'un chômeur sur deux n'était alors pas indemnisé, et que la moitié de ceux qui l'étaient touchaient en moyenne 860 euros par mois, soit moins que le seuil de pauvreté.

En énonçant ces quelques chiffres, on comprend que le chômage ne peut constituer un choix de vie. Qui peut imaginer un seul instant que se maintenir dans la précarité relèverait d'un choix de vie ? Il suffit d'ailleurs de discuter avec celles et ceux qui accompagnent les plus précaires d'entre nous pour se loger et se nourrir, pour se rendre compte que ceci est une vue de l'esprit, totalement injuste.

Pourtant, malgré cela, vous avez à l'époque fait le choix de durcir encore les conditions d'accès à l'assurance chômage : pour être indemnisé, il devenait nécessaire de travailler six mois durant les deux années précédentes au lieu de quatre mois durant les vingt-huit mois précédents, soit travailler un jour sur quatre au lieu d'un jour sur sept. Un choix assumé, appliqué par décret, sans écoute ni des associations caritatives, ni de l'opposition, ni du Parlement, ni des partenaires sociaux.

Aux syndicats, qui craignaient des baisses drastiques pour les plus précaires, vous répondiez que la conjugaison des nouvelles règles et surtout un marché de l'emploi dynamique renforceraient la reprise d'un emploi.

Un marché dynamique de l'emploi, disiez-vous : avec la crise du coronavirus et le ralentissement dû au confinement, le risque d'augmentation de la précarité et du chômage est majeur. Il ne faut pas qu'à la crise sanitaire s'ajoute une crise sociale.

Au début de la crise sanitaire, vous avez certes suspendu jusqu'en septembre le second volet de la réforme, qui durcit le calcul de l'allocation pour les travailleurs précaires et qui devait entrer en vigueur le 1er avril. En revanche, la règle déjà entrée en vigueur le 1er novembre qui durcit les conditions d'accès et de rechargement des droits est toujours valable.

Vous avez, madame la ministre du travail, annoncé votre intention d'engager une réflexion avec les partenaires sociaux pour adapter rapidement les règles applicables à l'assurance chômage. C'est un premier pas, mais c'est insuffisant. Il faut être à la hauteur de la crise économique et sociale qui s'annonce et prendre des mesures radicales. L'heure n'est plus à mener une politique exclusivement comptable. Il faut éviter la casse sociale, « quoi qu'il en coûte », selon la formule du chef de l'État. Il faut protéger les travailleurs les plus fragiles, ceux qui avant la crise déjà occupaient un emploi précaire, ainsi que les travailleurs des secteurs les plus sévèrement touchés par la crise sanitaire – dans l'hôtellerie, la restauration, la culture, le tourisme ou encore l'événementiel.

Bref, il faut abandonner cette réforme, afin que les indemnités de chômage ne soient pas drastiquement diminuées, voire supprimées.

Il faut se réinventer, il faut changer : ces mots ont été prononcés par le chef de l'État. Alors n'attendez pas, donnez corps à ces mots et retirez cette réforme inefficace et injuste.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.