Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mardi 7 novembre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires culturelles

Françoise Nyssen, ministre de la culture :

Monsieur le président Studer, monsieur le rapporteur Person, vous m'avez interrogée sur le maintien des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, et plus particulièrement à Démos qui s'inscrit pleinement dans notre priorité visant à renforcer l'égalité d'accès à l'art et à la culture.

Lancé en 2009, le projet Démos est centré sur la pratique collective de la musique classique et il est destiné à des enfants de milieux populaires, âgés de sept à douze ans, résidant dans des territoires prioritaires de la politique de la ville, en outre-mer ou en milieu rural. Les enfants pratiquent au moins quatre heures par semaine avec un artiste professionnel au cours d'un cycle de trois années.

Ce programme complète d'autres actions formidables, comme « Orchestre à l'école », dispositif soutenu par le ministère de la culture et le ministère de l'Éducation nationale. Le ministère de la culture apporte aussi un soutien renouvelé aux conservatoires, dans le cadre d'une politique renforcée en matière d'accès des plus jeunes à une pratique instrumentale collective.

Quelque trente orchestres et 3 000 enfants sont concernés par « Orchestre à l'école » et Démos. Nous observons avec attention et bienveillance le développement de Démos, qui porte des fruits extraordinaires et pour lequel une enveloppe d'un million d'euros a été inscrite au PLF pour 2018. Au cours des années à venir, nous allons continuer à soutenir ce dispositif et d'autres opérations, plus modestes mais qui font parfois preuve d'une forme de souplesse impressionnante. Pour avoir assisté à nombre de présentations de ce travail, je peux vous dire que les résultats sont assez étonnants.

Monsieur Person, je ne peux que partager votre analyse sur les inégalités d'accès à la culture. Nous avons en permanence ce constat présent à l'esprit lorsque nous définissons notre manière de travailler. C'est ce qui nous incite à mettre autant l'accent sur l'école où démarrent les inégalités, comme le soulignent les rapports internationaux. Tout comme moi, Jean-Michel Blanquer en fait une priorité, et nos services collaborent très étroitement pour créer des aménagements communs qui permettront d'avancer de façon très volontariste sur le sujet.

Il existe aussi toutes sortes de manifestations qui visent à réduire les inégalités grâce au livre. Formidable vecteur d'émancipation et de confiance, le livre permet aussi d'appréhender et de comprendre l'autre. Dans le cadre de cette politique essentielle, nous accompagnons les associations extraordinaires qui existent, notamment « Lire et faire lire » ou celles qui font intervenir des conteurs. La lecture se développe et rassemble de plus en plus de monde. Elle est un facteur de lien social et elle suscite des prises de conscience. Je me souviens d'une visite à Pantin, cet été, dans le cadre d'une opération baptisée « Partir en livre ». Quand je me suis approchée des enfants, ils étaient tellement pris par leur lecture qu'ils n'ont même pas levé la tête, alors qu'ils n'avaient pas, a priori, un profil de lecteurs. C'est quelque chose de magique qu'il faut accompagner.

En 2017, plus de 5 millions d'euros sont consacrés aux actions d'éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture. En 2018, 1,4 million d'euros supplémentaires seront alloués à ces actions, ce qui représente une progression importante. Citons l'action « Premières pages » et le projet « Des livres à soi », sans oublier les contrats « territoire-lecture » dont les moyens sont accrus de 800 000 euros et qui sont regroupés dans le programme 224. Au total, 13,4 millions d'euros, après transferts, sont dédiés à l'éducation artistique et culturelle en faveur du livre et de la lecture.

Madame Kuster, monsieur Person, vous m'avez interrogée sur le Pass Culture. Dans ma présentation, j'ai utilisé le terme de passeport pour marquer l'aboutissement d'un parcours d'éducation artistique et culturelle dont les jeunes auront bénéficié dès leur plus jeune âge jusqu'à leur majorité et leur entrée dans la vie citoyenne. Il est très symbolique que ce passeport soit culturel.

Ce Pass Culture tend à rendre le jeune autonome et pilote de son choix. Il aura accès à une sorte de plateforme dont les algorithmes lui ouvriront un champ d'offres éditorialisé. Nous sommes en train de créer à cette fin une méthode d'élaboration contributive et participative. Dès décembre 2017, un groupe sera constitué avec des jeunes, les établissements culturels du ministère et des acteurs culturels – publics, privés, innovateurs – afin d'y réfléchir. Il faudra collaborer avec un écosystème permettant l'appropriation du Pass Culture par les jeunes, à la manière dont ils pratiquent avec leurs réseaux sociaux habituels, tout en prévoyant un accès aux zones moins couvertes par le réseau.

Nous étudions aussi l'articulation avec d'autres politiques nationales ou territoriales d'accès à la culture. Pour élaborer l'outil et lancer une première expérimentation à l'automne prochain, nous avons prévu une première dotation de 5 millions d'euros en 2018. Nous apporterons cette contribution financière tout au long du quinquennat.

Venons-en au patrimoine. Après les efforts consentis en 2017, qui se sont traduits par 897 millions d'euros en autorisations d'engagement, j'ai souhaité conforter l'action de l'État en faveur des patrimoines. Ceux-ci représentent un véritable facteur de cohésion sociale et ils reflètent un véritable dynamisme économique des territoires. Nous avons encore pu le constater à la faveur des Journées du patrimoine, qui ont rassemblé 12 millions de visiteurs dans quelque 25 000 lieux. Ce sont des chiffres absolument stupéfiants.

À périmètre constant, c'est-à-dire en tenant compte des dépenses désormais prises en charge par le programme 224, qui inclut l'éducation artistique et culturelle, les moyens du programme « Patrimoine » augmentent de 3,6 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire de 0,4 %. Les moyens dédiés aux monuments historiques sont ainsi consolidés en 2018 : 326 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 20 %, pour les crédits de restauration et d'entretien, auxquels s'ajoutent 36 millions d'euros en autorisations d'engagement pour les grands projets. La progression de 5 % des autorisations d'engagement hors grands projets permettra d'amplifier l'effort de l'État sur tout le territoire, grâce à la mise en place d'un fonds incitatif et partenarial de 15 millions d'euros en autorisations d'engagement, réservé aux collectivités à faibles revenus, et pour lequel nous affecterons les crédits de paiement en fonction de l'avancement des travaux, ce qui est tout à fait logique en cette première année de lancement de ce fonds.

Le projet de la Réunion des musées nationaux Grand-Palais (RMN-GP) est considérable. Le schéma directeur de rénovation et d'aménagement du Grand-Palais vise à faire émerger un équipement culturel, scientifique et événementiel de rayonnement international, assis sur un modèle économique solide. L'aménagement actuel ne permet pas d'exploiter le potentiel de ce lieu, qui requiert aussi une restauration en profondeur. Les premiers travaux urgents – de préservation – sont déjà en cours. Le schéma directeur global entrera en phase opérationnelle en 2020. Il est prévu que l'achèvement des travaux coïncide avec les jeux olympiques et paralympiques qui seront organisés à Paris en 2024. Le Grand-Palais doit, en effet, accueillir des compétitions importantes.

À ce propos, je souligne que j'ai tenu à ce que les musées nationaux jouent un rôle actif de proposition pour une programmation ambitieuse et partagée d'expositions lors de la réouverture du Grand-Palais. Nous voulons en faire le grand lieu d'exposition de la capitale. Nous avons réuni tous les musées nationaux qui doivent coopérer au projet et avons noté leur volonté de travailler ensemble.

Qu'en est-il de la sécurisation du financement de l'opération ? Des discussions interministérielles se poursuivent sur les modalités précises de l'apport de la dotation exceptionnelle de l'État, ce qui ne remet pas en cause l'opération, dont l'intérêt est partagé au sein des pouvoirs publics. Je vous confirme que nous envisageons de boucler le plan de financement en utilisant le solde des crédits du troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA3). Le financement se répartit de la manière suivante : 116 millions d'euros du ministère de la culture ; 150 millions d'euros empruntés par la RMN-GP, 200 millions de dotation exceptionnelle de l'État.

Depuis la loi du 1er août 2003, le ministère soutient le développement du mécénat, qui permet d'apporter des moyens supplémentaires à l'action publique et associative et qui favorise le partage d'expertise entre les sphères privée et publique. Nous encourageons ce développement du mécénat collectif en faveur des projets culturels, que ce soit pour l'acquisition de biens culturels ou pour la production de spectacles. Nous encourageons aussi le développement du mécénat populaire, participatif, qui prend de plus en plus sa place dans la société en procédant par appel générosité publique. Ce type de mécénat fonctionne, notamment quand il s'agit de sauvegarde du patrimoine et quand il mobilise ses partenaires du monde économique et juridique – les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les notaires, les avocats, les experts-comptables.

Le ministère favorise la création de pôles régionaux du mécénat, c'est-à-dire de guichets permanents où les porteurs de projets et des mécènes peuvent partager des informations sur la législation et les bonnes pratiques codifiées dans la charte du mécénat culturel et l'observatoire du développement local du ministère. En fait, le ministère serait favorable à un relèvement du plafond des dons, celui-ci passant de 0,5 % à 1 % du chiffre d'affaires, pour donner plus de marge au mécénat des petites et moyennes entreprises (PME) et même des très petites entreprises (TPE) qui constituent, avec la philanthropie individuelle, le principal vivier de développement du mécénat culturel.

Nous sommes tous conscients de la concentration des crédits et nous veillerons à un rééquilibrage tout en menant à bien de grands projets.

Madame Kuster, vous avez accordé une large place à la future Cité du Théâtre du boulevard Berthier. Comme dans le cas du Grand-Palais, nous insistons sur la coopération entre les acteurs. Avec le Grand-Palais, il s'agit de créer un lieu dont la France a besoin pour organiser de très grandes expositions qui attirent les foules, et qui profite à tous les publics. Pour la future Cité du Théâtre, nous avons réuni tous les opérateurs et nous leur avons demandé de travailler ensemble. Il s'agit d'optimiser financièrement ce projet et d'en renforcer le rayonnement national. Les opérateurs doivent élaborer une sorte de cahier des charges de ce qu'ils peuvent proposer aux Français.

Le coût est estimé à 86 millions d'euros pour la Cité du Théâtre et à 59 millions d'euros pour le site de la Bastille. Le montant total des deux opérations s'élève donc à 145 millions d'euros. Des discussions vont être engagées avec les collectivités territoriales et avec des mécènes, afin de les associer au financement de ces projets imbriqués.

Le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) étant obligé de déménager, l'Opéra va se recentrer à la Bastille et occuper des lieux délaissés. Cette réorganisation cohérente provoque des discussions sur le partage de salles de répétition, sur la manière de travailler en commun dans un lieu qui n'est pas complètement central et qui permet de développer Paris vers sa périphérie.

La sécurité des établissements est, en effet, un sujet ô combien préoccupant pour nos concitoyens, qu'il nous faut aborder avec solennité et sérieux. Nous serons en mesure d'affecter de nouveaux crédits sur le fonds d'urgence pour les établissements et les festivals. Avec Gérard Collomb, nous travaillons pour maintenir ces crédits – essentiels pour les opérateurs de l'État – du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

S'agissant des bibliothèques, leurs horaires d'ouverture sont trop limités et n'ont rien à voir avec ceux qui sont pratiqués dans les pays voisins. Une mission a été confiée à Erik Orsenna, qui est en train d'effectuer son tour de France, et les inspections générales sont chargées d'estimer les besoins financiers d'accompagnement. Les conclusions des deux missions seront rendues en décembre. Nous organiserons une restitution publique puis, en mars 2018, un grand débat sur le sujet. Une proposition sera faite dans le projet de loi de finances pour 2009.

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