Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Débat sur l'opportunité d'une quatrième révolution industrielle écologique et numérique

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je poursuis. Nous sommes devenus la première destination des investissements directs étrangers dans des projets industriels : en 2018, nous avons accueilli plus de 330 de ces projets, contre 150 pour l'Allemagne, pourtant une grande nation industrielle dont nous envions la puissance.

Voilà des faits, qui montrent que nous n'avons pas attendu la crise pour lancer cette révolution industrielle ; l'épidémie de covid-19 n'a fait que nous renforcer dans l'idée de l'accélérer. Tel était d'ailleurs le coeur du pacte productif que nous devions présenter en avril et où la transition écologique et énergétique, le bien manger, le bien soigner et la transformation numérique de l'économie figuraient en bonne place.

L'enjeu est non seulement de relancer notre outil productif, mais aussi de le préparer pour les dix prochaines années afin de ne pas être déclassés. En effet, la Chine accélère ses investissements dans l'innovation, remonte les chaînes de valeur et a pour ambition d'acquérir des parts de marché de premier niveau à l'échelon international, sans se contenter de fabrications de second ordre. Les États-Unis ont privilégié l'entreprise par rapport à la gestion sociale, en optant pour un chômage rapide, mais qui va donner de l'agilité aux entreprises. Nous devons donc, nous aussi, trouver notre juste équilibre et tirer notre épingle du jeu. Nous y parviendrons en suivant quatre principes.

Le premier est la souveraineté. Nous devons faire de la France et de l'Europe des lieux de production, relocaliser la production sur notre territoire. C'est l'ambition que je défendais déjà dans le cadre du programme territoires d'industrie. Elle suppose que nous devenions attractifs, compétitifs – la question du coût entre donc en jeu – , et que nous simplifiions certaines réglementations.

Mais soyons réalistes : certaines activités n'ont pas vocation à être relocalisées en France. Voilà pourquoi, avec nos partenaires européens, nous allons identifier, au sein des chaînes de valeur, les secteurs critiques, les secteurs les plus stratégiques et porteurs d'innovation. C'est ce que nous avons commencé à faire dans le cadre du projet européen de batteries électriques, qui continue de se développer rapidement : il permet de relocaliser des usines actuellement implantées en Chine ou en Corée du Sud pour produire des technologies de nouvelle génération.

Le deuxième principe est l'innovation. Si celle-ci ne se développe pas en France et en Europe, ce sont des pans entiers de notre économie qui seront évincés et autant d'occasions de création d'activité qui nous échapperont. La 5G, l'intelligence artificielle, la robotique, le stockage d'énergie à haute densité, l'hydrogène, le calcul quantique : voilà les innovations structurantes vouées à irriguer l'ensemble des secteurs et sur lesquelles se fonderont les économies et les sociétés de demain. Nous devons également défendre notre capital humain et y investir massivement, car l'innovation est aussi une aventure humaine et une affaire de compétences. À cette fin, il faut que la coopération européenne rejoue à plein : le fonds de relance européen doit être l'instrument de la quatrième révolution technologique.

Le troisième principe est la transition écologique et énergétique, en particulier la décarbonation. Croire que l'on pourrait y renoncer parce que les prix de l'énergie sont bas pour des raisons conjoncturelles relèverait d'un court-termisme irresponsable. Car à la crise sanitaire pourrait succéder une crise écologique dont on ignore les formes, mais dont les effets sur nos économies pourraient être du même ordre. La transition écologique est aussi une question d'avantage compétitif. C'est ainsi que nous nous distinguerons sur la scène mondiale. Nous avons de l'avance en matière d'innovation : certains de nos grands groupes ont déposé des brevets et développé des technologies dans le domaine de l'économie circulaire et de la transition écologique et énergétique. Il est temps d'en récolter les fruits, en continuant d'investir et en positionnant de nouvelles offres susceptibles d'être accueillies, dans les années qui viennent, par un grand nombre de clients.

Le quatrième et dernier principe est la coopération européenne. Nous ne pourrons prendre le virage requis que si nous agissons de concert. En effet, il serait contre-productif que, travaillant chacun de notre côté, nous prenions des mesures qui pourraient s'annuler mutuellement ou se concurrencer. De plus, seuls, nous ne ferons pas le poids face à la Chine ou aux États-Unis. C'est ce qu'a rappelé lundi le Président de la République, au côté de la chancelière allemande ; c'est ce dont je m'emploie à tirer les conséquences avec Thierry Breton et mes homologues européens, que j'ai consultés fréquemment, la semaine dernière encore dans le cadre du Conseil « compétitivité ».

La France et l'Europe ont toujours été riches de gens qui innovent et entreprennent. La mobilisation des dernières semaines a montré que c'était toujours le cas. L'usine du futur et les révolutions écologiques à venir ne sont pas une question d'opportunité pour notre pays, mais de nécessité. Nous vivons un moment historique, et nous devons être à ce rendez-vous.

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