Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du mercredi 27 mai 2020 à 15h00
Transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Le 14 mai dernier, la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – a publié une première liste de produits dont les composants ou l'origine changent sans que leur étiquetage soit modifié. Cette tolérance ponctuelle sur l'étiquetage des aliments transformés s'explique par la situation exceptionnelle liée à la crise du covid-19, qui place les fabricants de denrées alimentaires face à des difficultés d'approvisionnement. Je profite donc de cette tribune, monsieur le ministre, pour vous interroger sur la durée de cette tolérance alors que nous sommes appelés à adopter une loi censée mettre de l'ordre, ou tout au moins de la clarté, dans les informations fournies au consommateur.

Quoi de plus pertinent que cette actualité discrète, que nombre de nos concitoyens ignorent, pour faire le lien avec la proposition de loi relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires ?

Loi EGALIM 2 pour certains, loi balai pour d'autres, je préfère personnellement la dénomination de loi râteau, d'abord parce que cet accessoire est plus approprié au contexte agricole, mais surtout parce qu'à l'inverse du balai, le râteau laisse toujours quelques sujets après son passage. Et, en matière agricole et alimentaire, les sujets, pour ne pas dire les enjeux, restent nombreux : juste rémunération du producteur, distorsions de concurrence, qualité alimentaire, normes sociales et droit du travail, avenir des aides de la PAC, pérennité et transformation des exploitations, protection contre les risques météorologiques ou des ravageurs, sentiment de violation de la vie privée ou de culpabilité quand des militants activistes font irruption dans votre ferme, etc.

Amoureux de la terre, mais invités à se taire, les agriculteurs étaient, il y a encore quelques semaines, les victimes de l'agribashing. Dans le tumulte de la crise, l'évidence vient de sauter aux yeux du plus grand nombre : et si la solution se trouvait dans l'agriculture, notre souveraineté alimentaire, notre sécurité alimentaire ? S'apprivoiser pour s'approvisionner, tel serait le nouveau credo, en cette période de crise, du printemps alimentaire français.

Oui, la planification des courses, le temps consacré à la cuisine et le choix de produits de qualité pour préserver sa santé ont permis de réveiller les consciences et de mettre en lumière les vertus de nos productions. La ligne imparfaite d'une pomme de terre, l'aspérité d'une carotte et la forme inégale d'une asperge ont alors été observées et cuisinées. Le temps qui y a été consacré a ainsi été offert à la qualité alimentaire, tant pour satisfaire les papilles que pour protéger autrui.

Les conséquences des confinements successifs sur la planète mettent en exergue les faiblesses des flux d'approvisionnement en produits agricoles et posent donc la question de la souveraineté alimentaire – non pas celle qui ferait écho au concept idiot du repli sur soi et de l'enfermement – non, ce serait de l'autarcie alimentaire – , mais celle qui est un gage de sécurité alimentaire pour nos concitoyens. La souveraineté alimentaire serait à la fois une stratégie sociétale et économique pour refaire de la France une puissance verte, ainsi que la nommait Jacques Chirac. Cette puissance, cette force fait de la France une nation nourricière et exportatrice. Oui, la France est capable d'être autosuffisante dans bien des domaines et d'exporter, alors même que la politique des prix toujours plus bas a conduit à multiplier, sans même réfléchir, les importations. À titre d'exemple, 40 % des volailles consommées en France viennent de Pologne ou d'Ukraine, alors que les élevages du pays suffisent à couvrir les besoins de consommation nationale.

Ce n'est pas ce soir que nous répondrons à ces enjeux, puisque nous sommes ici pour en aborder un volet seulement, au travers de ce texte sur l'étiquetage alimentaire. Dans cette maison où nous faisons la loi, nous pouvons aussi dire que toutes les lois n'ont pas suffi et ne suffiront pas – elles ne sont assurément pas l'unique solution – pour soigner tous les maux de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche en France.

La semaine dernière, vous avez refusé l'amendement de notre collègue Di Filippo visant à apposer le drapeau français sur de la bière pour indiquer que celle-ci est française. Il lui a été rétorqué que ce n'était pas possible du fait de l'origine des ingrédients utilisés dans son brassage. La même réponse avait été donnée aux demandes de substitution à l'indication « origine UE » de la mention des différentes origines. Pourtant, le virage est pris : après Leclerc ou Intermarché, c'est désormais Lidl qui vient de remplacer l'indication « origine UE » par la mention des multiples pays d'origine.

Il s'agit aujourd'hui de tordre le cou aux préjugés en faisant de la pédagogie. Un fossé s'est creusé entre la perception des citoyens et la réalité des pratiques agricoles à cause des différentes crises, qu'elles soient sanitaires ou économiques et sociales. Nous devons maintenant combler cet écart pour enraciner l'agriculture dans notre conscience collective, et cela porte un nom : « l'agriloving ».

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