Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mercredi 27 mai 2020 à 15h00
Transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

La proposition de loi peut paraître en décalage avec les difficultés dont souffrent actuellement certains secteurs agricoles.

L'épidémie de covid-19 a provoqué des déséquilibres importants dans certaines filières souvent fragiles. Dans cette période, il y a certainement eu des détournements dans le processus de construction des prix, en particulier dans les secteurs du lait ou de la viande bovine. Mais il y a eu aussi une éclaircie : les circuits courts ont été amplement plébiscités par les Français ; les producteurs eux-mêmes ont découvert la technique de la vente à emporter, pour ne pas dire le drive fermier.

Il nous faut accompagner cette recherche de proximité. Celle-ci permet de créer une relation directe entre le producteur et le consommateur et de renouer avec l'ancrage territorial de l'agriculture. Toutefois, une telle transition requiert une information fiable et transparente. Voilà le lien que nous pouvons établir avec la proposition de loi.

Nous le disons sans ambages, nous voterons en faveur du texte, car il améliore la transparence de l'information sur l'origine des produits.

Cette exigence est apparue lors de l'examen de la loi EGALIM, ce qui a eu pour conséquence une forte inflation des articles additionnels lors de la navette. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces ajouts n'étaient pas en lien direct avec le texte initial. Sa décision doit d'ailleurs interroger les législateurs que nous sommes sur notre manière d'écrire la loi.

Ceci étant posé, venons-en au contenu de la proposition de loi, qui comporte des progrès bienvenus. Je pense, en premier lieu, à la valorisation du patrimoine alimentaire de nos territoires par le biais d'une meilleure information du consommateur sur la traçabilité des viandes consommées dans les restaurants et dans la restauration collective, ou encore de l'affichage des pays d'origine du vin dans les bars et les restaurants.

L'article 5 bis, seul restant en discussion, prévoit l'obligation d'indiquer sur l'étiquetage des bières les nom et adresse du producteur. La filière brassicole éprouve d'importantes difficultés à cause de la fermeture des bars et des restaurants. Cette disposition lui envoie un signal positif, même si elle ne remplacera pas un plan de soutien en bonne et due forme.

Je mentionnerai également les précisions que le texte apporte sur les modes de production.

L'interdiction des appellations « steak » et « lait » pour les produits végétaux vient ainsi légitimement clarifier la nature des produits vendus.

Quant à l'article concernant l'étiquetage du miel, je me réjouis qu'il rende obligatoire l'affichage des pays d'origine dans l'ordre pondéral décroissant. C'était une demande de notre groupe.

Je souhaite néanmoins vous alerter sur l'article 3, qui prévoit une nouvelle définition du fromage dit fermier en admettant la possibilité d'un affinage en dehors de l'exploitation agricole. Une concertation avec tous les acteurs concernés doit impérativement être organisée lors de la rédaction du décret d'application, afin de mieux encadrer les techniques d'affinage à l'extérieur.

Enfin, le texte améliore la transparence et la traçabilité des produits vendus en ligne. L'article 1er vise la mise à disposition des informations d'étiquetage des produits alimentaires préemballés en accès libre – nous avons vu ces derniers jours l'engouement pour certaines applications. L'article 2 renforce l'information sur les produits vendus en ligne.

Le texte, bien que de portée limitée, s'inscrit toutefois dans une dynamique de valorisation de notre patrimoine alimentaire et de promotion de la qualité. D'aucuns regretteront que nous n'ayons pas saisi l'occasion de la navette pour corriger d'autres écueils de la loi EGALIM – Dominique Potier les a rappelés. Comme eux, je déplore que celle-ci n'ait pas répondu à son objet premier, qui était de rééquilibrer les relations commerciales entre la grande distribution et les producteurs. Première illustration, nous avons débattu ce matin même en commission des affaires économiques des moyens de parvenir à une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre ses différents maillons – encore et encore, me direz-vous – , allant jusqu'à apporter des correctifs pour améliorer la structuration des filières et revoir des outils aujourd'hui inopérants. Seconde illustration, les sénateurs ont limité la durée et le champ d'application de la prolongation de l'expérimentation de l'encadrement des promotions et de la hausse du seuil de revente à perte, dont les résultats sont encore très mitigés.

Je souhaite conclure en évoquant une inquiétude, celle de la multiplication des accords commerciaux délétères : je pense bien sûr au CETA, l'accord avec le Canada, mais aussi à celui, plus récent, avec le Mexique. Imposer à nos producteurs de produire plus sainement tout en tirant les prix et les normes vers le bas au travers d'accords de libre-échange relève d'une schizophrénie nuisible à laquelle il convient de mettre un terme. Il n'y a plus de place pour le double langage dans le monde d'après ; une autre vision s'impose pour que nourriture et santé se conjuguent avec environnement et développement durable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.