Intervention de Maxime Minot

Séance en hémicycle du mardi 2 juin 2020 à 21h30
Don de congés payés sous forme de chèques-vacances aux membres du secteur médico-social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Minot :

Il y a quelques semaines encore, à vingt heures, le temps s'arrêtait dans une communion nationale. Dans les villes et villages de France, un seul son résonnait alors, celui des applaudissements en hommage au personnel soignant, à ces héros qui, malgré le manque de moyens et de considération, se battaient avec courage et dévouement contre une force invisible qui voulait et veut encore nous abattre. Tels des roseaux, ils pliaient mais ne rompaient pas, portés par un souffle défiant la tempête, celui d'une nation retrouvée et unie qui voulait se faire entendre d'un même coeur – une nation pourtant si déchirée depuis près de trois ans.

Que faire alors pour traduire cette émotion et cette reconnaissance unanime ? Député de l'Oise, un territoire plus durement touché que d'autres, je me devais d'apporter une réponse concrète et utile. C'est pourquoi j'ai déposé dès le 22 mars une proposition de loi permettant à tout salarié de donner un jour de repos au personnel soignant. Entendus au sens large, ces jours de RTT, qui ne sont pas des jours de congé mais des jours de récupération, conviennent parfaitement à mon objectif, sur le fond comme sur le plan symbolique.

Conscient que les soignants ne peuvent, étant donné leurs missions, prendre leurs jours de récupération et que leur rémunération n'est pas à la hauteur de leurs responsabilités, et sans qu'il me soit possible, avec les moyens qui sont les miens, d'envisager une revalorisation à long terme de cette rémunération, car c'est à l'État qu'il appartient de le faire, j'ai choisi de proposer que ces dons soient monétisables sous forme de primes. Outre le fait que cela ne coûte pas davantage aux entreprises, cette solution permettra de donner aux personnes concernées, même à titre temporaire, davantage de pouvoir d'achat, dont ils disposeront comme bon leur semble.

Alors que cette proposition de loi a été adressée à tous les députés de l'Assemblée le 22 mars, la majorité a préféré ignorer cette main tendue de l'opposition et déposer la pâle copie qui nous occupe aujourd'hui. C'est une triple erreur. Sur la forme, d'abord : du point de vue déontologique, il va de soi que le plagiat d'une proposition de loi pour s'en attribuer les mérites est malhonnête et inexcusable. Ce procédé abîme le Parlement et, somme toute, est assez révélateur de ce qui se passe depuis le début de la législature, où la communication l'a emporté sur la raison. La vérité est celle-ci : contrairement à l'opposition, qui vote en toute responsabilité en faveur de textes reposant sur le consensus, la majorité est incapable d'en faire autant et d'oeuvrer de concert à l'intérêt général. Est-ce donc cela, le nouveau monde que vous incarnez ? Il est bien pire que l'ancien, qui rassemblait selon vous les pires des maux mais qui, au moins, avait le mérite de préserver une forme d'honnêteté intellectuelle.

La deuxième erreur est de fond et concerne le périmètre de la proposition de loi. Vous proposez que les dons soient convertibles en chèques-vacances. Je comprends l'intention, louable au demeurant, de faire d'une pierre deux coups en contribuant à relancer le secteur du tourisme, auquel je suis également très attaché, et je ne mets pas en cause l'utilité des chèques-vacances, mais le dispositif envisagé est bien trop réducteur par rapport à ma proposition.

En effet, vous enlevez beaucoup de liberté aux soignants dans l'usage du don. Ils auraient pu vouloir payer les traites de leur maison ou aider leurs enfants. Je vous propose de coupler les deux dispositifs, le vôtre et le mien. Il me semble qu'il faut au moins rendre au personnel soignant et aux donneurs une totale maîtrise de la mesure, sans quoi elle resterait un parfait gadget que je ne soutiendrais pas.

La troisième et dernière erreur repose sur vos motivations : la majorité veut surfer sur les bonnes intentions après le drame que nous avons vécu. Mais, venant de vous, cette proposition est indécente et révèle un cynisme qui n'échappe plus à personne. Vous souhaitez aider les personnels soignants, alors que vous leur refusez tant depuis trois ans.

Vous leur avez refusé les masques et les protections pendant la crise. Vous leur avez refusé, pendant plus de neuf mois, ne serait-ce qu'une écoute bienveillante. Vous leur avez refusé, budget après budget, les moyens dont ils ont tant besoin.

Toujours cette politique du « en même temps », qui détruit la France : pour les médias, une apparence de hausse des moyens, mais, par derrière, une demande incessante d'économies, sans la moindre réforme structurelle à l'horizon. Vos choix et vos actions depuis trois ans ont conduit les hôpitaux et les personnels soignants là où ils en sont aujourd'hui. Et vous voulez passez pour les gentils !

De qui vous moquez-vous ? J'ose espérer que ce ne sont pas de celles et de ceux qui ont tant donné, parfois jusqu'à leur vie, pour sauver nos compatriotes et gagner le combat contre l'épidémie.

Un don de jours de repos est un acte solidaire, gratuit et anonyme, bien loin de votre politique et de ce que vous incarnez.

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