Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Nécessité d'une bifurcation écologique et solidaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

L'économie a fortement ralenti, voire s'est arrêtée dans certains secteurs, pendant le confinement. Au-delà du débat sur la responsabilité de l'activité humaine dans l'apparition du covid-19, cette période a mis en lumière son impact sur l'environnement et la biodiversité, les émissions de dioxyde d'azote ayant significativement chuté.

Ces dernières semaines, nous avons vu fleurir les réflexions sur l'après, les conditions de la relance et les moyens de relever le défi de la transition énergétique et écologique. Parmi ces initiatives figurent les travaux de la convention citoyenne pour le climat – nous attendons avec impatience ses propositions et les suites qui leur seront données.

Par le passé, nous avons exprimé notre déception lors de l'examen des textes environnementaux : petite loi relative à l'énergie et au climat, loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dite LOM, loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, ratification de l'accord économique et commercial global, CETA, avec le Canada, et programmation pluriannuelle de l'énergie, dont l'atteinte des objectifs demeurent incertaine.

Au-delà des mots, le changement de paradigme doit s'incarner dans des actes et des choix politiques clairs. Nous sommes davantage dans la rhétorique que dans le changement du système économique, globalement fondé sur la croissance, portée au rang de dogme quoi qu'il en coûte. Le temps n'est plus au constat, mais à l'action résolue, structurelle et historique.

Le Gouvernement revendique, lui aussi, cette inflexion. Nous avons bien entendu la ministre de la transition écologique et solidaire plaider une relance verte. Nous avons pris acte de la volonté du ministère de l'économie et des finances de faire de la France la première économie décarbonée d'Europe. Mais le volontarisme des discours contraste avec des propositions dont l'ambition n'est pas à la hauteur des enjeux. Certes, le Gouvernement a fixé des objectifs de verdissement aux filières bénéficiant d'un plan de soutien, mais cela ne saurait suffire.

Seul un plan massif d'investissements publics verts relancerait les économies touchées par le coronavirus, tout en luttant contre le dérèglement climatique et en gardant à l'esprit l'impératif social. Comme le groupe La France insoumise, nous estimons que ce plan devrait fixer comme priorité l'amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Nous le redisons : dans le cadre actuel, nous n'atteindrons pas les objectifs fixés. Trois autres leviers doivent être renforcés : le développement des modes de transport moins polluants, le soutien à la production d'énergies renouvelables et l'économie circulaire, bien entendu.

Comme vous, je suis convaincu que nous devons tourner le dos à l'économie linéaire – extraire, fabriquer, utiliser et jeter – née lors de la révolution industrielle. Nous ne changerons de modèle qu'à la condition de nous doter d'outils efficaces prenant en compte l'impact réel de la production et de la consommation. Cette proposition de résolution préconise l'élaboration d'un appareil statistique intégrant les impacts environnementaux : nous avions justement défendu, lors de la discussion du texte relatif à la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire, des amendements visant à développer la comptabilité extra-financière.

Nous ne pourrons pas non plus faire l'économie d'investissements accrus en matière de protection de la biodiversité, d'une lutte plus efficace contre l'artificialisation des sols et d'un meilleur accompagnement des agriculteurs pour atteindre l'autonomie alimentaire et lutter contre la spéculation immobilière. La reconstruction écologique suppose des moyens financiers élevés, qui seront mobilisés par une action concertée entre l'État, les collectivités territoriales, les banques centrales et les institutions financières publiques, afin de compenser ce que le seul marché ne peut évidemment réaliser.

Là réside notre principal désaccord avec la proposition de résolution : vous soutenez que l'État est forcément la clef de la transition écologique, alors que, profondément girondins, les députés du groupe Libertés et territoires sont persuadés que le changement doit venir d'en bas, des territoires. Oui, il revient à l'État de fixer les grands objectifs et de coordonner les initiatives et les impulsions de dimension territoriale. Nous sommes convaincus du rôle moteur des collectivités territoriales dans le changement de modèle : en tirant parti de leurs caractéristiques et de leurs ressources propres, elles peuvent mener à la bonne échelle, celle des bassins de vie et de la proximité, des politiques efficaces d'adaptation au changement climatique, d'économie circulaire et d'autonomie alimentaire et énergétique.

Il est essentiel de leur donner les moyens de répondre à l'impératif environnemental. Or leurs capacités d'action et d'innovation demeurent bridées. Nous pensons qu'il faut leur laisser une plus grande marge de manoeuvre, grâce à une nouvelle décentralisation et l'octroi de véritables pouvoirs d'expérimentation, de différenciation et d'édiction de règles. Si l'on regarde avec bon sens et objectivité les secteurs clefs, les systèmes décentralisés sont souvent, si ce n'est toujours, les plus vertueux d'un point de vue économique, social et environnemental.

Aussi, si nous partageons votre volonté de mettre en oeuvre une transition écologique et solidaire, nous refusons que son déploiement résulte d'une planification étatique, éloignée des réalités et des besoins des territoires. C'est pourquoi la grande majorité du groupe Libertés et territoires s'abstiendra sur cette proposition de résolution.

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