Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Nécessité d'une bifurcation écologique et solidaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Le choc que nous traversons offre pourtant l'occasion historique de réorienter les fondamentaux de notre société. Face au changement climatique et à l'extinction des espèces, nous devons garantir les conditions de la survie collective, autant que la possibilité de chacun de bénéficier de conditions de vie et de travail dignes. Non seulement les écosystèmes s'effondrent à cause des activités humaines, mais nos besoins essentiels ne sont plus satisfaits.

La crise était sanitaire, elle est aujourd'hui économique et sociale. Ce n'est qu'un aperçu du chaos écologique et une répétition générale. En trois mois, notre pays a enregistré 1 million de chômeurs supplémentaires, alors qu'il compte déjà 6 millions de personnes privées d'emploi et que 700 000 jeunes s'apprêtent à entrer sur le marché du travail. Quel horizon allons-nous leur offrir ? Quel sera leur avenir quand vous foncez droit dans le mur par pur entêtement idéologique ? L'heure est à tirer les enseignements du coronavirus et à opérer collectivement un immense pas de côté.

La déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen proclame le droit au travail comme l'un des principes majeurs de notre société. La République française a échoué dans la tâche historique d'accorder un emploi à chacun. Le monde d'avant repose sur un chômage structurel et le sous-emploi. La bifurcation écologique et solidaire que nous appelons de nos voeux nécessite une mobilisation d'ampleur : des millions de bras sont requis pour opérer la profonde modification de nos manières de produire, de consommer et d'échanger ; des millions de bras justement disponibles, soucieux de mettre leurs compétences techniques, leur force de raisonnement et leurs facultés au service de l'effort intellectuel et physique de la nation.

Laisser des millions de personnes sans travail est injuste et absurde au regard des enjeux immenses qui nous attendent. Les seuls chantiers de la rénovation thermique pourraient créer 600 000 nouveaux emplois. Le chômage de longue durée est un fléau humain, dont 14 000 personnes meurent chaque année. Il est aussi un fléau économique, car il coûte annuellement 43 milliards d'euros à l'État, autant d'argent qui pourrait servir à créer des emplois. La question est celle de leur utilité. La crise du coronavirus a été révélatrice sur ce point : quand la société est ébranlée, que reste-t-il ? Les caissières, les soignantes, les agents d'entretien et les aides à domicile, qui sont les premiers de corvée, majoritairement des femmes, et qui assurent notre dignité. Ces métiers, dévalorisés par le dogme néolibéral, selon lequel tout ce qui n'est pas rentable n'a pas de valeur, donc pas d'intérêt, sont les métiers essentiels de demain.

C'est toute la hiérarchie sociale des métiers qu'il faut repenser ! Qui est le plus essentiel, l'actionnaire ou l'animateur de vie scolaire ? Le livreur ou le best manager ? Plus que jamais, la valeur des métiers doit être mesurée à l'aune de leur utilité pour la vie collective, ainsi que de leur faculté à prendre soin des humains et des écosystèmes.

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