Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Plafonnement des frais bancaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

C'est sans doute là un point de désaccord entre nous. Rien ne justifie les frais d'incidents qui coûtent quelques centimes à la banque et sont facturés 15 euros.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, je vous remercie pour votre présence. En 2018, à l'occasion de la conclusion de l'accord avec les banques sur la création de l'offre spécifique qui concerne aujourd'hui 1,1 million de personnes, vous aviez dit : « si jamais nous ne parvenions pas aux résultats escomptés, nous en tirerions les conséquences au plan législatif ». Votre objectif était alors que les 3,5 millions de personnes pouvant prétendre à l'offre spécifique puissent en bénéficier. Deux ans plus tard, c'est un échec, monsieur le ministre. Je vous prends au mot : tirez-en les conséquences législatives ! Vous prendrez la parole après moi, et je vous écouterai attentivement, mais de grâce, mettez fin à cette situation dans laquelle vous refusez de légiférer et demandez aux banques de bien vouloir prendre des mesures destinées uniquement à ceux qui connaissent de telles difficultés que les banques ne peuvent plus davantage les pressurer. Voilà pourquoi elles sont favorables au plafonnement des frais bancaires pour ces clients-là ! Elles savent que si elles continuent, ces derniers aboutiront devant une commission de surendettement et ne paieront plus rien !

Je veux des mesures plus larges, plus généreuses, plus universelles. Les abus doivent cesser, pour tout le monde !

Tel est le sens de la proposition de loi : une loi qui plafonne, une loi du maximum – pas plus de 2 euros par opération, pas plus de 20 euros par mois, pas plus de 200 euros par an. Cette protection serait étendue à tous, y compris aux travailleurs indépendants, aux micro-entrepreneurs, à ces petits patrons que j'ai rencontrés en préparant ce texte et que je n'oublie pas, ceux que le comportement des banques met en grande difficulté.

J'ai déposé de nombreux amendements pour améliorer le texte, notamment sur la prise en compte des agios, le suivi des personnes en difficulté ou le remboursement des frais pour rejets multiples de la même opération.

Si vous l'adoptez, la loi protégera tout le monde ; elle supprimera les prélèvements mécaniques de frais qui rentabilisent le client à court terme ; elle mettra fin aux inégalités criantes dans l'application des remises commerciales, les extournes qui profitent prioritairement aux clients disposant d'une surface financière suffisante pour négocier avec leur banque. C'est le paradoxe : quand vous êtes riche, même si vous êtes à découvert, la banque discute avec vous car elle ne veut pas que vous la quittiez, elle vous fait des extournes et vous ne payez pas les frais. Évidemment, les plus démunis ne peuvent pas négocier de la sorte avec les banques. Il faut donc briser le cercle vicieux : puisque les revenus tirés des frais bancaires seront fortement limités par la loi, les banques seront incitées à prévenir les incidents pour éviter que leurs coûts de gestion ne dépassent les montants plafonnés.

Cette réorientation globale du fonctionnement des banques constitue la meilleure garantie que celles-ci tiendront leurs engagements de mieux accompagner les personnes en difficulté.

Lors de l'examen de la proposition de loi en commission, je le regrette, les groupes de la majorité ont rejeté l'ensemble des dispositions et des améliorations présentées au prétexte qu'il n'appartenait plus au Parlement d'intervenir sur le sujet. J'avoue être stupéfait par cette conception du rôle du parlementaire qui refuse d'agir, attend que le Gouvernement le fasse en trouvant des accords avec les banques et n'est là que pour demander des rapports pour vérifier le respect des engagements pris, lesquels ne donnent pas lieu à des sanctions en cas de manquement. Ce n'est pas ma conception du rôle du législateur !

Il est temps d'agir par la loi. Ce n'est pas nécessairement contradictoire avec le décret que vous nous présenterez ultérieurement. Faisons une loi et agissons rapidement par décret. Mais la loi qui fixe des règles claires et égales pour tous, qui remet à l'endroit ce qui est à l'envers, qui interdit de faire payer abusivement un service que l'on ne peut pas refuser, c'est tout l'enjeu de notre discussion. Jusque-là, le Gouvernement s'y est refusé : il a supprimé un amendement adopté par le Sénat, il s'est opposé à nos propositions à l'Assemblée nationale ; mais je crois qu'il est temps désormais d'agir, notamment à cause de la crise ouverte par l'épidémie de covid-19. Cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, dix associations vous interpellent ce matin, parmi lesquelles Emmaüs, Caritas, UFC-Que choisir ainsi que des organisations syndicales. Ils vous demandent de mener enfin une action de grande ampleur dans ce domaine. Vous ne pouvez vous y soustraire.

J'écouterai attentivement votre intervention. J'espère vraiment que vous ne répéterez pas, comme il y a deux ans : « On a réglé le problème ! ».

Quand j'étais intervenu ici même sur le sujet, votre collègue Mme Pannier-Runnacher m'avait répondu : « Vous vous trompez, le problème est réglé depuis 2018 ! ».

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