Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Plafonnement des frais bancaires — Présentation

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

… pour tous les clients fragiles, à la situation financière difficile, et pas uniquement ceux éligibles à l'offre spécifique.

La troisième étape est celle de février 2020. Vous voyez que depuis 2017, nous n'avons cessé de traiter cette question et d'améliorer notre réponse, nous efforçant de réduire le montant des frais d'incidents bancaires, avec succès ; d'élargir le nombre de titulaires de l'offre spécifique, avec succès ; et d'accroître la transparence des banques, également avec succès.

Je ne dis pas que tout est parfait ; je vous proposerai donc des solutions pour améliorer la situation.

En février 2020, nous avons demandé aux grandes entreprises et obtenu d'elles le déploiement, d'ici à la fin de l'année 2021, d'une solution d'identification automatique des prélèvements infructueux. Si cela paraît très technique, les enjeux sont extrêmement concrets, et pour la question qui vous intéresse – sincèrement, je le sais – , cela représente une avancée majeure.

Supposons qu'après un achat dans une grande enseigne de distribution, vous ne pouviez pas vous acquitter de la facture. Actuellement, celle-ci peut être présentée de nouveau à la banque une fois, deux fois ou trois fois, même si elle a déjà été réglée. En l'absence d'identification de la facture, des frais d'incidents pour non-paiement peuvent continuer à être prélevés même si le client s'en est acquitté, ce qui le pénalise.

L'accord que nous avons conclu avec les grandes entreprises et les banques permettra d'éviter l'application répétée de frais liés à un prélèvement infructueux, grâce à l'identification immédiate de la facture.

Quelque 3 millions de Français ont bénéficié du dispositif de plafonnement à 25 euros des frais d'incidents bancaires. Cela a permis de diminuer leur montant pour 1 million d'entre eux.

En trois ans, nous avons donc beaucoup progressé sur la question des frais d'incidents bancaires et des factures impayées et de l'offre spécifique.

Est-ce suffisant ? Certainement pas. Nous devons encore avancer, pour mieux protéger les clients les plus fragiles des banques. Je retiens en tout cas une leçon de notre action depuis trois ans : notre méthode donne des résultats, et personne ne peut dire que les mesures prises n'ont pas été utiles et efficaces. Elles ont protégé des millions de Français, permis d'inclure 200 000 personnes supplémentaires dans l'offre spécifique et d'accélérer le règlement de certaines difficultés.

Quand la méthode est bonne, il vaut mieux s'y tenir et essayer de la renforcer plutôt que d'en changer. La proposition du Gouvernement, qui a été établie dans un dialogue avec les députés de la majorité, que je remercie, est de protéger plus vite, plus longtemps et en toute transparence les clients les plus fragiles des banques. C'est cet engagement que nous voulons prendre devant vous ce matin.

Nous proposons d'abord de préciser la définition des « clients fragiles », qui fait aujourd'hui l'objet d'un flou sur lequel les banques peuvent évidemment jouer, certaines prélevant des frais d'incidents bancaires plus élevés que d'autres.

Cette définition, que nous souhaitons vous proposer ce matin, permettra d'élargir l'application du plafonnement des frais bancaires à 25 euros par mois, pour qu'elle concerne non plus 500 000 personnes, mais plus de 3 millions. C'est donc un engagement majeur.

Nous proposons qu'à partir de cinq incidents bancaires en un mois, un client soit considéré comme fragile pour une durée de trois mois, durant lesquels il bénéficiera de protections et de ce plafonnement des frais.

Aujourd'hui, quelle est la situation ? Il n'existe aucune définition en fonction du nombre d'incidents ; chaque banque peut donc déterminer librement qui bénéficie du plafonnement et qui n'en bénéficie pas. Pour notre part, nous entendons fixer, de manière réglementaire, à cinq par mois le nombre d'incidents à partir duquel on pourra bénéficier du plafonnement de 25 euros par mois, soit 300 euros par an, qui avait été proposé par le Président de la République. Tout cela permettra aux clients en difficulté de bénéficier plus vite des effets du plafonnement des frais d'incidents bancaires, pour une durée désormais fixée à trois mois. Actuellement, il n'existe pas non plus de définition de la durée : on ignore si le plafonnement s'applique pendant une semaine, deux semaines, un mois, deux mois ou trois mois ; il règne la plus grande incertitude pour les clients. Nous voulons introduire de la clarté, de la certitude et de la protection là où il y a de l'incertitude et de la différence d'une banque à l'autre.

Troisième évolution que nous proposons : les personnes en situation de surendettement seront considérées comme fragiles pendant toute la durée de l'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ce qui constituera une protection complémentaire.

D'après nos évaluations, toutes ces évolutions conduiront à une augmentation d'au moins 15 % du nombre de nos concitoyens bénéficiant du plafonnement des frais d'incidents bancaires. Elles permettront d'harmoniser les règles appliquées par les banques à leurs clients, empêchant que l'on ne joue sur les différences d'une banque à une autre.

Très bien, me direz-vous, ces orientations sont fortes, elles clarifient et protègent davantage les clients, mais qu'est-ce qui nous garantit qu'elles seront respectées ? Et pourquoi ne passez-vous pas par la loi ? Nous ne passons pas par la loi parce que, je le répète, la voie que nous avons choisie, celle de l'engagement volontaire, a donné des résultats. En outre, nous vous proposons d'accroître la transparence en précisant à l'opinion publique, aux Français, quelles banques jouent le jeu et quelles banques ne le jouent pas. Dans un système aussi concurrentiel que le système bancaire français, je pense que ce sera tout aussi efficace qu'une disposition législative. Je connais les réticences des banques à ce sujet, mais je crois que c'est un moyen efficace de garantir l'effectivité des dispositions que nous vous proposons.

Ainsi, nous proposons de consolider ces engagements en les inscrivant dans la charte d'inclusion bancaire et de prévention du surendettement, qui est homologuée par arrêté du ministre de l'économie et des finances. Nous proposons de mettre à jour ladite charte, qui n'a pas été actualisée depuis 2014. Nous fournirons de la sorte un document qui liera les banques et récapitulera l'ensemble des actions engagées en faveur de la maîtrise des frais d'incidents bancaires.

Dans le courant du mois de juillet, la Banque de France, qui est l'autorité de contrôle du système bancaire français, rendra compte des contrôles qui auront été effectués pour s'assurer du respect des engagements figurant dans cette charte écrite publiée par arrêté du ministre de l'économie et des finances. La Banque de France rendra publique dans son intégralité la liste des établissements qui ne respectent pas leurs engagements en matière de plafonnement des frais d'incidents bancaires. Autrement dit, nous allons instaurer un « name and shame » pour le plafonnement des frais d'incidents bancaires par les banques françaises.

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