Intervention de Jean-Marie Sermier

Séance en hémicycle du jeudi 4 juin 2020 à 9h00
Plafonnement des frais bancaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Sermier :

Cette proposition de loi a le mérite de mettre en lumière un problème bien réel : le volume considérable des frais imposés par les banques à leurs clients les plus fragiles. Elle permet donc à la représentation nationale de se saisir d'un sujet important.

Les prêts traditionnels n'étant plus assez rentables pour les banques généralistes, elles essaient de se rattraper sur les services. Les tarifs des services bancaires en France sont les plus élevés d'Europe. On dénombre 3,3 millions de Français en situation de fragilité financière, parfois menacés par la spirale du surendettement, dont les conséquences sont catastrophiques pour les ménages. Les frais standards sont relativement constants et modérés ; il en va tout autrement pour les frais d'incidents, c'est-à-dire les frais appliqués lorsqu'un compte est insuffisamment pourvu. Les banques facturent lourdement ces incidents, principalement aux ménages modestes, mais aussi aux travailleurs indépendants, aux micro-entrepreneurs, qui y sont particulièrement exposés, comme on l'a constaté à l'occasion de la crise sanitaire. Toutefois, nous ne partons pas de zéro dans ce domaine : des avancées ont déjà eu lieu.

La loi Borloo, qui institue le droit opposable au logement, a déjà prévu de plafonner les frais pour incident bancaire. Ils sont de 30 euros pour le rejet d'un chèque d'un montant inférieur ou égal à 50 euros, de 50 euros pour le rejet d'un chèque d'un montant supérieur à 50 euros, de 20 euros pour un incident dû à un autre moyen de paiement. Aux termes de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires du 26 juillet 2013, un double plafonnement des frais, par opération et par mois, est fixé à 8 euros par opération et 80 euros par mois.

Enfin, en vertu d'un accord conclu en 2018 entre l'État et les réseaux bancaires pour réduire le plafond d'incidence pour les personnes en situation de fragilité financière, les établissements bancaires ont pris trois engagements : geler les grilles tarifaires pour l'ensemble de nos concitoyens, plafonner à 25 euros par mois les frais d'incidents bancaires pour les 3,3 millions de personnes en situation de fragilité financière, plafonner à 20 euros par mois et 200 euros par an les frais d'incidents bancaires pour les bénéficiaires de l'offre spécifique.

Si les résultats ne sont pas encore tangibles, il revient à l'État de presser les banques en leur rappelant leurs engagements.

Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, vous vous êtes engagé à recourir au « name and shame » pour les banques qui ne respecteraient pas leurs engagements. Nous comptons sur votre diligence, laquelle nous semble préférable à une loi répressive qui s'avérerait contre-productive. Il est indispensable de renforcer le dialogue avec les banques à ce sujet. La priorité n'est pas de légiférer une nouvelle fois mais de s'assurer que les textes existants et les accords conclus soient bien respectés en renforçant les contrôles et, le cas échéant, en aggravant les sanctions.

Sous prétexte que certains ne jouent pas le jeu, on ne peut pas prendre le risque de contraindre tout le monde. Par ailleurs, la transparence des frais bancaires est un sujet majeur qui devrait être amélioré. Il est en effet essentiel de pouvoir vérifier l'information dont bénéficient les clients des banques concernant les tarifs et qu'elle soit lisible, ce qui n'est pas toujours le cas. N'oublions pas, par ailleurs, que les interdits conduisent souvent à contourner la règle, ce qui peut provoquer l'effet inverse du but recherché.

Cette proposition de loi présente l'avantage de nous permettre de débattre, ce matin, d'un sujet important mais elle pourrait conduire à ce que des établissements bancaires excluent ceux de leurs clients pour qui les contraintes deviennent trop fortes, en l'occurrence les plus fragiles.

Enfin, nous pouvons espérer que la concurrence récente de ce que l'on appelle les néo-banques, ou banques en ligne, qui n'appliquent aucun frais, ou des frais minimes, permette de stabiliser voire de réduire, à terme, le volume des frais bancaires dans l'ensemble du marché.

Pour ces raisons, les députés Les Républicains ne voteront pas cette proposition de loi dont ils partagent l'objectif mais pas la méthode.

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