Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du lundi 8 juin 2020 à 21h30
Débat sur la gestion des masques entre 2017 et 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Le groupe Socialistes et apparentés nous invite à débattre de la gestion des masques entre 2017 et 2020. Belle opération ! Cependant, le désarmement sanitaire de la France n'a pas commencé en 2017 mais bien avant, sous une majorité dite socialiste avec la fumeuse doctrine des sleeping contracts – les contrats dormants – importée en France par Marisol Touraine, selon laquelle il devait être possible de passer des commandes massives le moment venu sans avoir à constituer préalablement des stocks. Aveuglement funeste de l'idéologie de marché !

Depuis, ce dogme n'a aucunement été remis en cause. Nous en avons constaté le résultat : quand la crise du covid-19 a commencé en France, nous disposions d'à peine plus de 100 millions de masques chirurgicaux et n'avions aucun stock central de masques FFP2. Ce sont les restes misérables de ce qui fut un stock stratégique de plus de 1 milliard de masques chirurgicaux et de plusieurs centaines de millions de masques FFP2. La responsabilité diluée au plus près des besoins, combinée avec une politique d'austérité sans moyens de contrôle, a eu les mêmes effets dévastateurs qu'ailleurs : déresponsabilisation à tous les échelons, échec de la politique de prévention. La volonté de réaliser des économies de bout de chandelle a eu pour conséquence une pénurie de masques au cours des derniers mois. Le Premier ministre a beau déclarer qu'il ne laissera personne dire qu'il y a eu pénurie, prétendre le contraire est un mensonge. Macron prétend que nous n'avons jamais été en rupture de masques : c'est également un mensonge. Dans ma circonscription, à Pantin, le Président de la République est même allé féliciter les soignants de leur débrouillardise face à la pénurie.

Les mots martiaux et grandiloquents ont servi à cacher l'impréparation de l'État et l'incapacité du Gouvernement à réagir à temps. Les soignants ont été exposés comme des soldats au front, au lieu de recevoir des protections contre le virus et d'être reconnus comme professionnels de santé ayant besoin de matériel pour travailler correctement. Pendant le confinement, les articles de presse se sont enchaînés pour montrer que les masques manquaient partout et que des industriels ne produisant pourtant pas des matériels prioritaires pour contenir l'épidémie étaient mieux servis que les hôpitaux.

Le président du conseil scientifique l'a dit : le confinement n'était pas la bonne décision, c'était la moins mauvaise. Oui, compte tenu de l'impossibilité de distribuer des masques en nombre suffisant, même aux soignants ! Les soignants hospitaliers ont été rationnés, la médecine de ville insuffisamment dotée, et que dire des recommandations que le Gouvernement a adressées au grand public ! On nous a d'abord pris pour des imbéciles en affirmant que les masques ne servaient à rien, puis dit que nous étions incapables de nous en servir, avant de se raviser.

Le 29 avril, monsieur le ministre, je vous ai moi-même interrogé sur les mesures de planification de la production et de la distribution des masques, et vous m'avez répondu ceci : « il n'y a pas eu besoin de procéder à des réquisitions puisque notre pays connaît une mobilisation générale » pour produire des masques. Sans doute pensiez-vous ainsi balayer le sujet…

Funeste croyance dans la main invisible du marché ! Oui, la filière textile s'est mobilisée car les gens désirent aider quand ils le peuvent. Des entreprises ont investi et embauché pour répondre à l'appel. Résultat : puisque vous avez refusé de réquisitionner et que l'État doit donc acheter la production et planifie la distribution, ces entreprises se retrouvent avec des stocks invendus. Que d'ironie : après la pénurie, la surproduction ! La main invisible du marché ne produit donc que des catastrophes. Les masques jetables importés se vendent davantage alors qu'ils posent un grave problème de traitement des déchets et se répandent un peu partout. Le « made in France » sans planification est un échec cuisant. Sans protectionnisme solidaire, les masques importés coûtent moins cher : le voilà, le monde d'après ! Comme toujours, la prime va au grand déménagement du monde et aux solutions polluantes.

Combien d'entreprises voulant aider et bien faire vont couler à cause de votre incapacité à planifier quoi que ce soit ? Les couturières s'étant organisées dans l'urgence pour fournir des masques aux soignants qui n'en avaient pas ont d'abord été sommées de les donner, comme si leurs matières premières, leur temps de travail et leur savoir-faire étaient gratuits ! Même en temps de guerre, on paie les ouvriers. Encore une fois, ce sont des professions majoritairement féminines qui ont été dévalorisées. Alors qu'elles sont absolument indispensables, on proclamerait qu'elles ne vaudraient rien et on ne les paierait pas ! C'est une honte.

Les bonnes volontés qui se sont mobilisées pendant le confinement ont été sèchement remerciées au motif que la solidarité était une entrave à la concurrence libre et non faussée. Le coût du test d'homologation des masques est de 1 100 euros au moins. Il est inaccessible pour une couturière professionnelle travaillant à son compte ; la certification est donc de facto réservée aux industriels. Voilà la solidarité et l'auto-organisation du peuple foulée aux pieds !

Voulez-vous tirer les leçons de cette crise sanitaire ? Oui, il faut en finir avec la concurrence libre et non faussée, le règne du tout-marché et le démantèlement de l'État. Oui, il faut anticiper la prochaine épidémie possible. Oui, il faut planifier et préparer la production et la distribution des masques en cas de besoin. Oui, il faut reconstituer un stock stratégique d'État.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.