Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du lundi 8 juin 2020 à 21h30
Débat sur la gestion des masques entre 2017 et 2020

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Ce n'est pas moi qui ai déterminé que ces masques étaient hors d'usage ; ils ont été analysés, deux ans avant que je ne devienne ministre, et ils ont reçu des bons de destruction parce que leurs capacités de filtration et leur respirabilité n'étaient plus conformes à un usage sanitaire. En revanche, lorsque nous avons défini une norme AFNOR de masques destinés au grand public, avec des critères de filtration et de respirabilité moins sévères que ceux exigibles pour les soignants, alors nous avons pu récupérer une partie des masques pour les distribuer. Les autres, je le redis, seront détruits.

Monsieur Lachaud, je suis déjà revenu sur les propos prêtés au Président de la République, qui ont été coupés. Ce qu'il a dit, c'est que nous ne sommes jamais descendus à zéro : nous avons toujours pu distribuer des masques. Personne ne dit qu'ils étaient en nombre suffisant – moi le premier ! Si nous distribuons 100 millions de masques par semaine alors qu'à une époque, nous en distribuions 30 ou 40 millions, c'est bien que nous n'en avions pas suffisamment alors. Mais, je le redis, nous ne sommes jamais tombés à zéro.

Il peut être intéressant, sur ce sujet, de nous comparer aux pays qui nous entourent, qu'une commission ait un regard indépendant sur la gestion de crise dans différents pays. Allez regarder ce qui s'est passé en Allemagne, un pays souvent cité en exemple, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, aux États-Unis… La comparaison n'est jamais inintéressante. Parfois, lorsqu'on se compare, on se console ; parfois, on peut aussi se dire que l'on a un intérêt collectif à se préparer – à l'échelle planétaire, pourquoi pas, mais à tout le moins à l'échelle européenne. Ainsi, si une crise similaire survenait, nous ne connaîtrions pas les difficultés que nous avons connues – et que tous les pays ont connues.

Une anecdote : lors d'une réunion des ministres de la santé à Bruxelles, au moment où l'épidémie ne fait que démarrer, quatre ou cinq seulement d'entre nous considèrent qu'elle va vraiment frapper l'Europe. Croisant un ministre de la santé d'un autre État membre, je lui demande s'il est en difficulté pour les masques : « Jusque-là, nous sommes tranquilles, nous en avons 5 millions en stock », m'a-t-il répondu !

Nous devons prendre des décisions pour préparer d'autres pandémies. Je crois profondément en l'Europe, et je crois profondément que l'échelle européenne n'est pas la pire pour concevoir cette protection.

S'agissant des évolutions de doctrine de port du masque, je l'ai déjà dit, chacun lit la presse et peut le constater : à partir du 1er avril, les recommandations évoluent, et l'on commence à dire que le masque peut être utile en population générale. Nous pourrons en reparler très tranquillement en commission d'enquête. Savez-vous quand l'Organisation mondiale de la santé a recommandé le port du masque en population générale dans certains cas, comme les transports collectifs ou les milieux professionnels fermés ? Ce n'était pas il y a très longtemps : c'était il y a trois jours.

Les doctrines scientifiques, les doctrines des États, les doctrines internationales évoluent, les unes après les autres. Nous vous dresserons la liste de ces évolutions pour la commission d'enquête, afin que vous ayez une vision d'ensemble des recommandations de chaque institut, de chaque structure, au jour le jour. On peut bien sûr juger les décisions d'hier avec le regard d'aujourd'hui, et estimer qu'elles n'étaient pas bonnes ; mais au moment où elles sont prises, elles sont corroborées par suffisamment d'arguments scientifiques pour que l'on se dise que ce n'était pas les pires des décisions possibles. Avec le recul, ferions-nous autrement ? Je ne sais pas. C'est aussi l'objet de la commission d'enquête.

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