Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 22h30
Débat sur le fonctionnement de la justice pendant la crise du covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Cette inconventionnalité a eu des effets immédiats : selon les chiffres du ministère de la justice, 171 détenus ont été libérés au 29 mai 2020 et d'autres libérations devraient suivre. Comment ne pas voir ici une mise en cause des dispositions adoptées pendant l'état d'urgence sanitaire, qui mettent à mal certains droits et certaines libertés des justiciables ? D'ailleurs, notre groupe Libertés et territoires vous avait alertée à propos de ces risques.

Les juges ont aussi relevé que la France n'a pas eu recours au droit de dérogation que prévoit l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment « en cas de danger public menaçant la vie de la nation ». Pourtant, madame la garde des sceaux, l'épidémie, en raison de ses effets, le justifiait pleinement. Même si ce n'est pas une obligation, ne croyez-vous pas rétrospectivement, à l'instar du juriste Jean-Paul Costa, qu'il aurait été souhaitable, pour des raisons tant de transparence que de cohérence, que notre pays exerce ce droit ? Finalement, et je suis parfaitement d'accord avec la présidente de la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris : des textes censés réguler la procédure pénale pendant cette période de crise sanitaire ont abouti à une confusion inouïe, en contradiction avec le but recherché – complexité du calcul des délais, empilement de règles, questions juridiques inédites.

Madame la garde des sceaux, je m'arrêterai un instant sur la justice dématérialisée, à propos de laquelle notre groupe vous a mise en garde, car l'humain doit être au coeur des évolutions numériques. Alors que votre ministère a bénéficié d'une levée de fonds à faire pâlir d'envie bien des start-ups du numérique – plus d'un demi-milliard d'euros sur cinq ans – , qu'en est-il de l'effectivité de cette justice de XXIe siècle, censée être plus accessible, plus rapide, plus efficace et plus transparente ? Portalis, le logiciel civil qui aurait pu être nécessaire pendant le confinement, semble perdu dans un abîme administratif.

La presse a aussi relevé la détresse des magistrats, qui vous ont suppliée, au cours de confinement, de retarder l'entrée en vigueur de la nouvelle échelle des peines, impliquant une nouvelle brique numérique dans Cassiopée, ce logiciel pénal qu'ils ont, il faut le dire, bien du mal à s'approprier. Madame la ministre, quels enseignements tirez-vous du confinement au vu des nombreux couacs que connaît une justice numérique malheureusement déshumanisée ?

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