Intervention de Caroline Abadie

Séance en hémicycle du mardi 9 juin 2020 à 22h30
Débat sur le fonctionnement de la justice pendant la crise du covid-19

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie :

Voilà trois mois que notre pays a été bousculé par la pandémie de covid-19. Il est tout à fait compréhensible que la justice ait été elle aussi bousculée, alors qu'elle sortait déjà de deux mois de grève des avocats. Mais force est de constater qu'elle a su, malgré tout, faire face. Je commencerai donc par rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont pris leur part dans ce travail. C'est grâce à eux que la justice n'a pas été paralysée et que notre pays est resté un État de droit, même pendant cette crise historique.

C'est aussi grâce aux moyens redonnés à la justice par notre majorité – la réforme de la justice du 23 mai 2019, que vous avez défendue, madame la garde des sceaux, a permis, en matière civile comme pénale, plus de rapidité, de simplicité et de lisibilité pour les justiciables. Pour soutenir cette ambition, nous avions décidé une augmentation sans précédent du budget de votre ministère – plus de 24 % sur cinq ans – , avec un effort spécifique de plus de 500 millions d'euros pour sa transformation numérique.

Certes, à cause du confinement, l'appareil judiciaire a vu, comme tant d'autres secteurs, sa capacité de travail limitée. Des magistrats ont dû travailler à distance, tandis que les greffiers ne le pouvaient pas à cause d'outils informatiques inadaptés. Face à ce constat, accélérons le chantier numérique pour dématérialiser davantage les procédures et développer certains outils comme la visio-audience.

Dès le 15 mars il a donc été essentiel de mettre à l'abri les personnels comme les justiciables. Des plans de continuité de l'activité – PCA – ont été mis en oeuvre, concentrés sur les urgences, avec peut-être quelques rares juridictions qui se sont retrouvées quasiment à l'arrêt quand tant d'autres savaient mobiliser leurs forces vives. Il conviendra donc d'évaluer ces PCA pour rendre l'appareil judiciaire encore plus résilient, uniformément sur tout le territoire.

Dans ce contexte, et alors que la proposition de loi de notre collègue Bérangère Couillard et des membres du groupe La République en marche est actuellement examinée au Sénat, nous saluons la priorité donnée aux violences intrafamiliales. Le confinement a exacerbé les violences conjugales et familiales, entraînant une hausse de 35 % des signalements. Il était indispensable de mettre l'accent sur la prise en charge des auteurs de violences, notamment sur leur éviction et leur hébergement hors du foyer familial. Cet effort mérite d'être prolongé, dans la suite logique des conclusions du Grenelle des violences conjugales.

Le risque sanitaire ne s'est pas arrêté là. Il ne s'est pas arrêté non plus aux portes des prisons, où il a fallu mettre en sécurité les détenus comme les personnels, dont j'ai pu constater l'esprit de responsabilité et l'engagement sur le terrain. Il faut aussi saluer les mesures d'accompagnement social des détenus, qui ont permis d'apaiser les tensions qu'un confinement strict aurait pu attiser. Avec une surpopulation de 120 % dans nos établissements pénitentiaires début mars, il était également nécessaire de prendre des mesures exceptionnelles de libération anticipée permettant de retrouver un niveau normal d'occupation.

Mais je tiens à rassurer tout le monde ici : la criminalité n'a pas été déconfinée pour autant. Nous avions voté l'expérimentation de la régulation carcérale, qui a pu être déployée grandeur nature lors de cette crise. Des alternatives à la détention décidées ab initio ou des fins de peine à domicile pour des délinquants choisis et accompagnés en vue d'une meilleure réinsertion nous permettent de sortir du tout-carcéral et de ramener enfin le taux d'occupation des prisons à un niveau que nous appelons tous ici de nos voeux. Il faut désormais saisir cette opportunité unique de généraliser la régulation carcérale, et surtout ne pas réincarcérer quand le profil du délinquant ne le nécessite pas et que d'autres peines sont possibles et propices à une meilleure réinsertion.

Aujourd'hui, alors que le système judiciaire retrouve progressivement son cours normal, l'heure n'est pas au procès mais au bilan. Les outils innovants qui ont permis la continuité pédagogique initiée à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale de l'administration pénitentiaire méritent de perdurer. Nous avons tous vu, dans nos territoires, des initiatives et des bonnes pratiques qu'il faudra recenser et évaluer ; certaines visent à juguler l'embolie judiciaire que l'on pourrait craindre. Cette crise nous donne peut-être l'opportunité, à nous tous ici, de nous améliorer. Nous savons que nous pouvons compter sur vous, madame la garde des sceaux, et sur votre détermination à moderniser et soutenir votre administration, qui a été sans faille depuis trois ans. Nous ne doutons nullement que vous saurez poursuive ce travail et saisir cette opportunité.

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