Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Débat sur le rapport d'information de la commission des finances sur le printemps de l'évaluation consacré à l'évaluation des politiques publiques 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Elle constituera également un gisement d'emplois durables pour toute la filière du bâtiment, grande pourvoyeuse d'emplois. L'enjeu est d'autant plus fort au regard des conséquences économiques de l'épidémie. Avec ce dispositif, qui peut couvrir 100 % du coût de la rénovation énergétique, les propriétaires n'auront rien à débourser au moment des travaux, puisqu'il est prévu que la prime soit versée sous la forme d'une avance.

Nous devons à tout prix éviter une relance grise : la relance doit être verte. Cette crise, plus que jamais, sonne comme un ultimatum social et écologique.

L'écologie, parlons-en ! La NEB – note d'exécution budgétaire – de la Cour comptes relative à la mission « Écologie développement et mobilité durables » confirme que nous devons faire beaucoup plus. Nous devons y être très attentifs, tant il est vrai que cette mission prendra, je l'espère, une place prépondérante parmi les politiques publiques menées à l'avenir.

Si certains dispositifs vont dans la bonne direction, ils doivent impérativement être corrigés afin que l'action publique gagne en efficacité. L'urgence climatique nous l'impose. Je pense notamment au bonus-malus et à la prime pour la conversion, qui ont été modifiés et complexifiés, ce qui a altéré leur efficacité. Ces dispositifs souffrent d'ailleurs d'une évaluation insuffisante et d'un pilotage largement instable. C'est également le cas du chèque énergie, créé en 2015, dont le taux d'usage demeure grandement insuffisant. En 2019, 28 % des personnes éligibles n'en ont pas bénéficié. Ce dispositif, qui apporte pourtant une bonne réponse aux enjeux sociaux et environnementaux, doit donc être revu afin d'être pleinement exploité et de réellement porter ses fruits.

Je regrette encore davantage que les dépenses fiscales, qui représentent près d'un tiers des crédits alloués à la mission, soient pour une large part défavorables à l'environnement et que leur articulation avec les politiques auxquelles elles se rattachent soit très insuffisante. Je constate également que les moyens humains destinés à la mission diminuent : s'ils ne font pas tout, ils sont essentiels alors que nous devons construire un véritable État stratège en matière écologique – mais en la matière, nous sommes encore très loin du compte.

Lorsque ce ne sont pas les effectifs ou les moyens qui diminuent drastiquement, quand ce ne sont pas les dispositifs qui sont rendus toujours plus complexes, c'est l'exécution budgétaire en elle-même qui est défaillante et qui interroge le pilotage de nos finances publiques.

Je pense particulièrement à l'exécution budgétaire de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui mérite que l'on y revienne et que l'on soit extrêmement attentif dans le cadre du troisième PLFR. Plusieurs mesures relatives aux collectivités territoriales sont en jeu. L'analyse de l'exécution de cette mission ne manque pas de susciter de sérieuses inquiétudes. Je regrette en effet que les crédits de paiement aient diminué de 3,7 % en 2019, alors que les dépenses en autorisations d'engagement ont bel et bien augmenté. Cela a eu pour conséquence de creuser les restes à payer : s'ils s'élevaient déjà à 3,7 milliards d'euros en 2018, ils représentent en 2019 la bagatelle de 4,2 milliards.

La Cour des comptes affirme désormais, dans sa NEB, que cette évolution à la hausse constitue un légitime sujet d'inquiétude, et que le rythme de consommation des crédits de paiement doit être considéré comme un point majeur de vigilance pour les administrations gestionnaires. Or, à la lecture du rapport annuel de performances, je constate que le Gouvernement n'est pas en mesure d'expliquer cet écart. Je le regrette.

J'en viens à l'exécution budgétaire de la mission « Enseignement scolaire », qui apparaît très inquiétante au regard de l'importance que celle-ci revêt, à nos yeux, pour notre jeunesse et la vitalité de notre pays. Pour la première fois depuis 2012, une loi de finances initiale prévoyait une diminution du schéma d'emplois à hauteur de 1 800 équivalents temps plein. Mais, comme si cela ne suffisait pas, la baisse constatée représente plus du double, puisque nous sommes à 3 815 équivalents temps plein en moins. En d'autres termes, alors que la précédente majorité avait fait preuve d'une ambition inédite pour l'éducation nationale, vous avez stoppé cette dynamique et même opéré un retour en arrière. Vous avez supprimé plus de postes que prévu dans l'éducation nationale, alors même que le nombre total d'élèves est en augmentation et que le dédoublement des classes – une mesure que je salue – nécessite logiquement davantage d'enseignants. Cette politique semble incompréhensible à l'heure où nous manquons d'enseignants dans les écoles de nos territoires. J'en veux pour preuve, par exemple, la suppression annoncée, à la rentrée prochaine, de deux postes de réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – sur mon territoire, ou encore les trente-sept classes qui, le même jour, se sont retrouvées sans enseignant pour cause d'enseignants en formation ou en arrêt maladie.

Comme si cela ne suffisait pas, l'état de la médecine scolaire est également préoccupant. La Cour des comptes s'alarme, dans un récent rapport, du taux de visites médicales insuffisant – il s'établit à moins de 20 %. Or, dans un contexte de crise sanitaire qui a nécessité de confiner des millions de Français et d'enfants, des séquelles psychologiques sont à craindre. Il y a urgence à agir. Je propose, monsieur le ministre, d'autoriser une expérimentation visant à décentraliser dans quelques départements la gestion de la médecine scolaire, en lien avec la médecine de ville.

Pour finir, s'agissant toujours de la mission « Enseignement scolaire », le confinement de la population a exacerbé les inégalités scolaires au détriment, une fois encore, des plus démunis. Si l'école à distance a pu représenter une solution transitoire et un moindre mal, le contact a été perdu, dès le début du confinement, avec au moins 8 % des élèves, alors que l'école est obligatoire et qu'elle est un facteur de développement personnel et de lien social, notamment en période de confinement. Il faut agir sans attendre !

Si un certain nombre d'élèves ont pu être récupérés grâce, notamment, aux dotations en matériel informatique, les inégalités d'accès au numérique qui sous-tendent les inégalités sociales demeurent encore trop importantes. En France, 5 % des ménages n'ont pas accès à un équipement informatique ; en milieu rural, l'accès à internet n'est pas encore une réalité pour tous les foyers. Il convient dès à présent de prendre la mesure de ce phénomène en améliorant la couverture numérique du pays.

Je souhaiterais, pour terminer, évoquer les missions « Justice » et « Outre-mer », marquées par la sous-exécution budgétaire en matière d'emplois. Cela démontre que même lorsque la tendance n'est pas à la réduction des crédits alloués aux moyens humains et financiers, le Gouvernement trouve le moyen de réaliser des économies.

S'agissant des crédits affectés en 2019 à la mission « Justice », le nombre de postes de l'administration pénitentiaire a progressé – je salue cette évolution – , mais la réalité est plus nuancée : le schéma d'emplois a été moins bien exécuté que les années précédentes, à hauteur de 79 % contre 92 % en 2018, ce qui représente un différentiel de 210 postes. La situation de sous-effectifs que connaît depuis longtemps l'administration pénitentiaire perdure donc dans les faits, malgré un effort théorique. Je le regrette et il conviendra de corriger le tir en 2020.

Enfin, pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes a pointé une sous-exécution massive des crédits de la mission « Outre-mer », avec un écart de plus de 7 % entre la programmation et l'exécution. Cela place cette mission sur la deuxième marche du podium des missions de l'État en sous-exécution. Quand on sait les défis auxquels doivent faire face les territoires ultramarins, c'est un bien triste record !

Pour conclure, je voudrais souligner qu'intervenir dans le cadre de ce débat était un exercice bien difficile pour tout le monde, alors que nous ne disposons toujours pas du rapport global que nous aurions dû commenter aujourd'hui. Ce rapport devrait nous parvenir dans quelques semaines : c'est pour le moins baroque !

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