Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Débat sur le rapport d'information de la commission des finances sur le printemps de l'évaluation consacré à l'évaluation des politiques publiques 2020

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Hier, monsieur le ministre, prétendant démontrer que votre politique avait excellemment permis de prévenir et de gérer la crise, et face à mes dénégations, vous nous avez expliqué que la crise n'avait été qu'épidémique, inévitable, indépendante de vos décisions antérieures. Mais si sa gravité n'a rien à voir avec l'état de notre pays, de ses services publics, du système dont il relève, pourquoi Emmanuel Macron, dans son allocution du 12 mars, ne s'est-il pas contenté de discourir sur les mesures sanitaires et les gestes barrières ? Vous n'avez pas répondu à cette question hier. Pourquoi a-t-il jugé bon de parler de l'importance de l'État providence, de la nécessité de se réinventer, des décisions de rupture à venir, des leçons de la situation, sinon parce qu'il a voulu souligner, par stratégie si ce n'est par sincérité, le besoin d'articuler le politique, l'économique et le sanitaire pour faire face à la crise et en tirer les conséquences ?

Ainsi, pour ne prendre que cet exemple, le fait que les hôpitaux aient été submergés à un moment donné est directement lié au nombre de lits et de personnels disponibles dans chaque service, qui dépend lui-même du budget que vous leur avez alloué. Or, s'il est vital d'examiner ce qui s'est passé, il est tout aussi vital de changer les choses à temps pour que la tragédie ne se reproduise pas. Il est certain, hélas, que les prochaines crises d'une ampleur comparable seront environnementales – d'ailleurs, c'est déjà le cas, d'une certaine manière, de la crise du covid-19, zoonose assurément liée à la destruction des habitats naturels et à l'extinction des espèces. Et, de même que la crise actuelle a mis en évidence les conséquences de la baisse du budget des hôpitaux, ces crises à venir donneront à voir les effets de la baisse du budget de l'État, particulièrement de celui du ministère de l'écologie.

Rapporteur spécial des crédits de l'écologie, je suis aux premières loges pour constater l'ampleur des dégâts, qui s'aggravent tous les ans. Les syndicats du ministère le disent, les opérateurs publics qui se consacrent à la question environnementale le confirment : les coupes budgétaires et les suppressions de postes deviennent insurmontables et sont en contradiction totale avec les objectifs environnementaux que le Gouvernement affiche fièrement année après année. Une fois de plus, vous choisissez la politique du flux qui consiste à gérer au mieux avec le moins de dépenses publiques possibles ; or, si elle fonctionne à peu près dans les circonstances habituelles, elle se révèle incapable de tenir le choc d'une situation chaotique comme l'épidémie de covid-19 ou une crise climatique qui aurait peu ou prou les mêmes conséquences.

Vous le savez, le secteur de la prévention des risques naturels et industriels est en grande souffrance. L'incendie de l'usine Lubrizol, à Rouen, l'a tristement illustré et a été l'occasion de rappeler qu'il manque au moins 200 inspecteurs pour suivre l'ensemble des sites dangereux et y garantir la sécurité.

La crise actuelle n'a rien arrangé pour aucun des opérateurs liés à l'écologie dont j'assure le suivi et que j'ai interrogés. Leurs difficultés, leurs sacrifices sont devenus récurrents et se sont aggravés. Ce qui m'a peut-être le plus choqué, ce sont les propos des représentants de l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, selon lesquels ni les prestataires du nucléaire ni ses propres inspecteurs du travail n'avaient pu disposer de masques.

À ces risques sanitaires s'ajoutent de graves conséquences économiques. En demandant toujours plus aux opérateurs au nom de l'écologie, tout en leur donnant toujours moins de moyens au nom de la dette, on les a encouragés pendant des décennies à accroître leurs ressources propres pour que l'État puisse faire des économies. Résultat : avec la crise, entre les chantiers à l'arrêt et les pertes dues à la fermeture des parcs nationaux, certains d'entre eux estiment déjà que leur budget 2020 ne pourra être à l'équilibre. Pourtant, leur rôle est essentiel, et eux aussi étaient à leur poste pour lutter contre la pandémie ; ainsi, Météo France a contribué aux recherches sur les liens entre climat et propagation du virus. Le CEREMA – centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – , établissement public méconnu mais absolument indispensable, évalue sa perte de recettes à 40 % et considère qu'il ne pourra plus payer ses agents à la fin de l'année si l'État ne vient pas à son secours. Un rapport vient par ailleurs de faire état de graves risques psychosociaux encourus par ses employés en raison de ses restructurations permanentes. Ils seront pourtant indispensables face aux crises environnementales à venir : continuer de les traiter comme des variables d'ajustement budgétaire serait une folie.

Si nous avons su donner ou, du moins, prêter des milliards au privé, qui plus est sans contrepartie, il est impensable que nous ne donnions pas à ces opérateurs et au ministère les millions dont ils ont besoin pour sortir la tête de l'eau. Lorsque j'ai exposé ce problème en commission, j'ai eu le sentiment d'avoir été entendu par la présidente Olivia Gregoire, qui s'est engagée à l'étudier et à le traiter. J'espère donc qu'il sera vraiment pris au sérieux et que vous aurez tous conscience de l'urgence pour ces opérateurs, donc aussi pour nous.

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