Intervention de Émilie Cariou

Séance en hémicycle du mercredi 10 juin 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Cariou :

Le groupe Écologie démocratie solidarité salue le présent projet de loi de règlement et lui apportera son soutien constructif. Nous avons pris note de l'équilibre entre recettes et dépenses auquel il parvient. En 2019, le déficit reste maîtrisé, et respecte la règle des 3 points de PIB.

Si nos comptes publics se dégradent en cette année 2020, auparavant, un cap a été tenu. Grâce à un travail que nous avons été nombreux à mener, nous avons transféré aux actifs de la classe moyenne modeste du pouvoir d'achat concret. Cet équilibre relatif est notamment permis par la politique menée pour améliorer le rendement de certaines ressources fiscales et non fiscales.

Le prélèvement à la source s'avère productif du point de vue budgétaire, grâce à la généralisation de la mensualisation du paiement de l'impôt. Toutefois, il faudra être très vigilant s'agissant du bon encaissement des versements et de l'accomplissement récurrent, par les employeurs, de leurs obligations de paiement, notamment en temps de crise.

Les recettes de l'impôt sur les sociétés ont augmenté, alors même que nous en avons diminué le taux facial. Nous avons assaini la part d'optimisation de l'intégration fiscale. Beaucoup reste à faire, je ne cesse de le rappeler, en matière d'imposition minimale des résultats et de fiscalité des dividendes intra-groupe, qui sont pour l'heure, tous les spécialistes en conviennent, excessivement détaxés compte tenu des prélèvements réalisés dans les pays à basse fiscalité, où sont bien souvent implantées les filiales qui les distribuent.

Hors du champ de la fiscalité, les conventions publiques d'intérêt judiciaire ont atteint le montant inédit de 1 milliard d'euros, dont 500 millions d'amende publique versés par l'un des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – au titre d'infractions à la loi relative à la lutte contre la fraude. Il y a là une bonne nouvelle budgétaire, avant même le versement de l'amende record infligée à Airbus, qui s'élève à plus de 2 milliards d'euros. Cinq cents millions d'euros, c'est davantage que le rendement de la nouvelle taxe sur les services numériques, que je salue par ailleurs, qui s'élève à 277 millions alors même qu'elle n'en est qu'à ses débuts, avant toute renégociation de nos conventions fiscales.

Ces rentrées fiscales et non fiscales ont permis d'engager des dépenses de solidarité et de réaliser des transferts sociaux. À la fin de l'année 2018, la prime d'activité a été mise sur la table, pour ressouder socialement notre pays en urgence. Atteignant un niveau inégalé, elle a permis, partout dans notre pays, d'augmenter le pouvoir d'achat de tous les citoyens travailleurs. Ainsi, 9,5 milliards d'euros ont été transférés vers les actifs et fait l'objet d'un suivi, comme l'a rappelé la Cour des comptes.

Depuis lors, de nombreux projets de loi de finances rectificative ont été adoptés ; ils sont parfaitement nécessaires. Depuis le début de l'année, nous les accumulons. Ce rythme soutenu risque de poser un problème de suivi, notamment pour la représentation nationale. Nous estimons qu'il faudra élaborer des solutions inédites.

J'en viens maintenant aux dépenses fiscales. J'insiste sur trois recommandations qu'a formulées la Cour des comptes dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire – monsieur le ministre, vous avez deviné quel allait être le coeur de mon propos. D'abord, prévoir une obligation déclarative pour chaque dépense fiscale nouvelle concernant l'impôt sur le revenu – IR – et l'impôt sur les sociétés – IS. Ensuite, mener le programme d'évaluation de l'efficacité et de l'efficience des dépenses fiscales sur la période restant à courir d'ici 2022. Enfin, compléter les documents budgétaires en précisant les objectifs auxquels concourent les dépenses fiscales en les assortissant d'indicateurs de performance. En langage de la Cour des comptes, cela signifie à mon sens clairement que l'on n'arrive pas encore suffisamment à savoir où vont ces dépenses fiscales. D'où la nécessité d'ajouter des contraintes déclaratives pour tout ce que nous allons créer. De surcroît, on ne sait pas dans quelle proportion les objectifs de ces mesures fiscales sont atteints, notamment faute de suivi interministériel réel. Raison de plus pour avoir des indicateurs. À 100 milliards d'euros de niches fiscales, je pense que la sonnette d'alarme est tirée.

Quant aux sous-exécutions et sur-exécutions de crédits et autorisations d'engagement, elles sont d'autant plus significatives que nous sommes à la veille d'un grand débat qui émeut la communauté scientifique universitaire sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ainsi, les sous-exécutions sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont inquiétantes alors qu'il s'agit de dépenses qui nous ouvrent sur l'avenir. Le taux de sous-consommation des emplois budgétés est le triple de la moyenne constatée pour l'ensemble des ministères. Au moment où, pour nos jeunes actifs, l'enseignement supérieur doit avoir une fonction inclusive, socialement et professionnellement, de tels signaux sont inquiétants.

Concernant la justice enfin, on constate qu'elle demeure en-dessous de la moyenne de l'ensemble des ministères dans la consommation des emplois. Au début de l'application d'une loi de programmation censée renflouer notre système judiciaire et pénitentiaire, ce point doit particulièrement nous alerter : la justice doit être renflouée et transformée d'urgence dans tous les territoires.

En conclusion, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe EDS rappelle ainsi son intention de construire avec le Gouvernement, et qu'il votera ce projet de loi de règlement.

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