Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Allégement temporaire des cotisations sociales à la charge des entreprises — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, rapporteur de la commission des affaires sociales :

À la crise sanitaire succèdent dès à présent la crise économique et la crise sociale qui l'accompagne. Nous l'avions prévu, et c'est bien ce qui arrive maintenant. Hier, la Banque de France a estimé que près d'un million d'emplois seraient détruits en 2020 et 2021, tandis que le Gouvernement table sur la perte de 800 000 emplois. Notre taux de chômage devrait dépasser 11 % et peut-être atteindre 12 %. Ensemble, nous devons tout faire pour amortir l'ampleur de ce désastre annoncé, tout faire pour éviter un million ou un million et demi de chômeurs supplémentaires et des plans sociaux à répétition dans les mois à venir. Je sais que vous êtes d'accord avec moi, madame la ministre du travail.

Hier, le Gouvernement a entamé des négociations avec les partenaires sociaux pour définir un nouveau régime de moyen terme pour l'activité partielle. Ce sujet suscite de nombreuses réflexions, et je souhaite évidemment que ces discussions aboutissent rapidement. En attendant, il est indispensable d'accélérer la reprise du travail dans toutes les entreprises, au-delà du retour naturel du plus grand nombre d'employés à leur poste. Les employés aujourd'hui placés en chômage partiel ou en activité partielle doivent reprendre leur emploi : il faut accélérer cette tendance, au-delà de la reprise naturelle de la croissance et de l'augmentation du chiffre d'affaires des entreprises, pour que les chômeurs partiels ne se transforment pas en chômeurs tout court ou en chômeurs réels.

C'est l'objet de la présente proposition de loi, qui vise à exonérer de charges sociales pendant six mois les employeurs qui reprendraient rapidement leurs salariés. Il faut aller plus vite que le cours des choses, déclencher un cercle vertueux, sortir du « cocon » – je mets des guillemets – qu'a représenté le chômage partiel, qui a été un dispositif nécessaire, pour retrouver l'activité plus vite qu'elle ne serait revenue naturellement.

Cette proposition de loi est complémentaire de la définition d'un nouveau cadre, dégressif, pour l'activité partielle. Une incitation provisoire au retour rapide à l'emploi agirait comme un catalyseur de reprise économique : ce serait un starter que l'on pourrait éteindre lorsque le moteur a redémarré.

Mes chers collègues, vous le savez, la France a abordé cette crise historique en position de faiblesse relative par rapport à ses grands voisins. Faiblesse de ses finances publiques, puisque son déficit était l'un des plus mauvais de la zone euro en 2019. Faiblesse de son marché de l'emploi, puisque l'Allemagne, par exemple, affichait un taux de chômage de 3 % quand nous étions à 8 %. Demain, grâce aux marges de manoeuvre dont nos voisins disposaient et que nous n'avions pas, le choc sera moins fort chez eux ; leur réponse sera plus vigoureuse et ils repartiront plus vite. La récession en Allemagne devrait atteindre 7 %, contre 11 % en France : c'est 100 milliards d'euros de PIB de différence sur la seule année 2020.

Le dispositif d'activité partielle, rapidement mis en place, a été une mesure d'urgence efficace. C'était probablement l'un des moyens les plus puissants pour amortir le choc de l'arrêt brutal de l'économie décidé par l'État, compte tenu de la crise sanitaire. Il a à peu près préservé les revenus des Français et a maintenu le lien entre les entreprises et leurs employés. Très généreux – même s'il a été un peu réduit récemment – , il a couvert 8,6 millions de salariés : un tiers des actifs a donc vu, de facto, son salaire nationalisé. Outre son coût, qui n'est pas soutenable pour les finances publiques – chacun en est bien conscient – , il risque à présent de devenir l'antichambre de plans sociaux. Dans ces conditions, l'activité partielle n'incite pas les entreprises à reprendre leurs salariés, ni ces derniers à retourner au travail. En matière sanitaire – comme partout ailleurs – , le risque zéro n'existe pas : si le chômage partiel a constitué un filet de sécurité au plus fort de la crise, c'est-à-dire lorsque l'économie était à l'arrêt complet, la reprise ne doit pas se prendre dans les mailles de cet filet. Nous devons agir rapidement pour que le chômage partiel ne se transforme pas en trappe à chômage réel.

Le dispositif de la présente proposition de loi est un accélérateur de reprise économique. Donner une prime à la reprise de l'activité, c'est l'accélérer, l'amplifier et lancer le signal que la France repart. En contrepartie de la reprise d'un salarié au chômage partiel, notre texte instaure une exonération temporaire, pendant six mois, de cotisations patronales de sécurité sociale. Baisser le coût du travail par des allégements de charges, c'est la façon la plus rapide et la plus efficace de relancer l'économie. C'est aussi une mesure connue, éprouvée, qui a souvent été mise en oeuvre. Il n'est pas si mal de faire des choses qu'on connaît, notamment lorsqu'on n'a pas le temps d'en inventer d'autres !

Le périmètre de notre proposition de loi est le même que celui des allégements Fillon, que vous avez contribué à élargir, madame la ministre, via la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – , et dont vous connaissez donc bien l'efficacité. Les entreprises pourront très facilement, par le biais des déclarations sociales nominatives, alléger leur compte de résultat et leur trésorerie.

Le dispositif que nous proposons a évidemment une portée universelle, en miroir du dispositif d'activité partielle que vous avez étendu lors de la crise du covid-19. Toutes les entreprises, sans distinction de secteur, dès lors qu'elles reprennent rapidement leurs salariés en chômage partiel, pourront y avoir accès – c'est logique. De la même façon, il fonctionnera jusqu'à l'équivalent de 4,5 SMIC, calqué, par souci de cohérence, sur le périmètre de l'activité partielle que le Gouvernement a étendu pendant la crise.

Plus précisément, un employeur reprenant un salarié qui aurait débuté son activité partielle entre le 1er mars et le 11 mai 2020 – date de la levée des principales restrictions et interdictions d'activité liées au confinement de la population – se verrait, pour une durée de six mois, exonéré de cotisations patronales de sécurité sociale. Afin d'inciter employeurs et salariés à quitter rapidement le dispositif d'activité partielle, nous proposons que l'employeur soit éligible à cet allégement social qu'à la condition de reprendre son salarié au plus tard cinq jours ouvrés après la publication de la présente loi. Un tel délai, auquel il faut ajouter le temps de la navette parlementaire, si vous votez ce texte, mes chers collègues, permettra aux employeurs de prendre toutes leurs dispositions pour réintégrer administrativement leurs salariés. Pour certains secteurs ayant fait l'objet de mesures de fermeture administrative étendues au-delà du 11 mai, le dispositif est adapté et décalé.

En transformant en baisse de charges environ la moitié de l'énorme enveloppe de crédits consacrée jusqu'à présent à l'activité partielle, nous incitons et accompagnons le retour au travail de façon ponctuelle mais extrêmement vigoureuse.

On nous répondra que cela coûte très cher, mais il faudra arrêter de plaisanter : actuellement, les milliards coulent en avalanche toutes les semaines ! Évidemment que cela coûte cher ! C'est pour cela que nous proposons de plafonner le coût de ce dispositif à la moitié du coût du chômage partiel. Au-delà des 40 milliards d'euros déjà dépensés, le dispositif actuel coûte un peu moins de 20 milliards d'euros par mois. Nous proposons, pour notre part, un dispositif de baisse des charges qui coûtera environ 25 milliards d'euros, dans l'hypothèse très théorique où tous les salariés seraient réintégrés. Je le répète, notre dispositif est moins coûteux que le chômage partiel.

Quels que soient vos efforts, si le chômage augmente comme cela est malheureusement prévu, je ne suis pas sûr que vous leviez aussi vite que cela les filets que constituent les mesures de chômage partiel prises dans le cadre de la crise du covid-19, car vous voudrez éviter autant que possible les plans sociaux. Devant la puissance de la réalité, il faut donc accélérer le retour des salariés dans leur entreprise.

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