Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Allégement temporaire des cotisations sociales à la charge des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

La crise sanitaire que nous venons de traverser a porté un coup dur à notre économie. Les prévisions annoncent un recul sans précédent du PIB, de 11 %. Pour y faire face, des mesures de soutien d'une ampleur inédite, reconnaissons-le, ont été proposées aux entreprises : 100 milliards d'euros ont été alloués aux prêts garantis par l'État, 4 milliards au fonds de solidarité, 3 milliards au report de charges et 25 milliards au chômage partiel.

Toutefois, la mise à l'arrêt d'un large pan de l'économie due au confinement a entraîné – et entraînera encore – plusieurs milliers de cessations d'activité. Dans le même temps, le nombre de chômeurs de catégorie A a connu une hausse vertigineuse de 22,6 % en avril, en raison du non-renouvellement des contrats courts et d'une absence d'embauches. Le chômage, qui avait atteint au premier trimestre 2020 son plus bas niveau depuis 2008, à 8,1 %, pourrait ainsi dépasser 10 % en 2021. Si la dette engendrée par la situation sanitaire et par le soutien aux entreprises pèsera durablement sur les comptes publics, nous pouvons espérer que la dégradation de l'emploi sera de plus courte durée, vu l'ampleur des mesures de soutien déjà déployées, dont certaines se poursuivront ces prochains mois.

Toutefois, la situation reste très préoccupante et n'augure rien de bon pour les mois à venir. Au-delà de la préservation de l'emploi, un plan de relance globale et ambitieuse sera, de toute évidence, nécessaire pour redonner une impulsion et instaurer une dynamique d'embauche, notamment pour les plus jeunes de nos concitoyens.

Votre proposition d'exonération temporaire de charges vise un double objectif : d'une part, prendre le relais d'un dispositif d'activité partielle voué à s'éteindre, d'autre part, inciter les entreprises et les salariés à reprendre un rythme normal de travail.

Concernant ce premier objectif, le Gouvernement a créé un dispositif spécifique d'activité partielle de longue durée, grâce auquel les entreprises qui ne retrouveront pas rapidement une pleine activité pourront conserver leurs salariés. Il pourrait s'étendre jusqu'à deux ans, durée correspondant à celle de votre proposition, et visera plus particulièrement les secteurs confrontés à des difficultés durables tels que le tourisme, l'aéronautique et l'automobile. L'État sera une nouvelle fois au rendez-vous, en prenant à sa charge une partie de la perte de revenus des salariés due à la diminution de leur temps de travail. Parallèlement, les employeurs qui proposeront cette mesure dans le cadre d'un accord collectif devront s'engager à maintenir les emplois. Il s'agit là d'une première réponse aux préoccupations que vous exprimez dans votre texte ; elle a l'avantage d'associer les partenaires sociaux à l'élaboration du dispositif.

Votre second objectif est de favoriser la pleine reprise de l'activité. À cette fin, vous proposez des exonérations de charges temporaires ciblées sur les salariés qui seraient réembauchés après avoir été protégés par le chômage partiel. Si la mesure peut paraître séduisante en raison de la facilité de sa mise en oeuvre, elle ne nous semble pas un gage de sécurité de l'emploi, puisqu'elle s'appliquerait de manière automatique à toutes les entreprises, indépendamment de leur situation et de leur secteur d'activité. Sans étude d'impact détaillée et sans ciblage précis, votre proposition comporte de nombreux risques de créer un effet d'aubaine. Face à la crise qui s'annonce, nous ne pouvons nous contenter d'apporter des réponses partielles, manquant de cohérence d'ensemble. Une simple mesure de baisse du coût du travail, couvrant un périmètre très large, ne résoudra rien. Les exonérations de charges peuvent constituer un levier intéressant, mais elles doivent être pensées au regard des dispositifs globaux de relance et d'investissement.

Un plan de relance est attendu pour la rentrée. Des concertations sont d'ores et déjà ouvertes entre le Gouvernement et les représentants des entreprises et des salariés pour évoquer les pistes susceptibles de sauvegarder les emplois et de pérenniser les compétences professionnelles. À cela s'ajoute le plan de soutien à l'apprentissage dévoilé la semaine dernière, qui poursuivra, nous l'espérons tous, l'excellente dynamique constatée ces deux dernières années.

Comme vous, monsieur le rapporteur, nous sommes conscients de l'impérieuse nécessité d'agir. Nous ne pouvons vous reprocher de ne rien proposer. Toutefois, nous estimons que la situation requiert non une mesure isolée et trop peu ciblée, mais une feuille de route claire et concertée.

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