Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du jeudi 11 juin 2020 à 9h00
Allégement temporaire des cotisations sociales à la charge des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

La crise sanitaire que nous traversons a de multiples répercussions : sur la santé de certains Français en premier lieu, sur l'organisation de nos vies, sur les rapports humains et, bien évidemment, sur l'économie. Les économistes s'accordent à prédire l'une des plus graves crises de l'Histoire. Selon l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – , la France devrait subir une récession très brutale en 2020, avec une chute du PIB comprise entre 11 % et 14 %. Cette contraction importante aura bien évidemment des répercussions sur l'emploi. L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, estime ainsi que plus de 1,8 million de salariés ont été directement concernés par les mesures de confinement et de fermeture administrative.

Il faut donc craindre un chômage massif. Le nombre de chômeurs a d'ores et déjà augmenté de 7 % en mars, mois qui ne fut que partiellement concerné par le confinement. Les chiffres ne cessent malheureusement d'augmenter. Pôle Emploi indique que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A s'est accru de 22 % en avril, soit 843 000 chômeurs supplémentaires par rapport à mars. Le nombre de chômeurs serait le plus élevé qui ait été enregistré depuis le début, en 1996, de la série : on en compte désormais 4 575 500.

L'ampleur de la crise est telle, le choc économique si profond que les prévisions laissent à penser que nous verrons dans les prochains mois la suppression de 800 000 emplois, c'est-à-dire 2,8 % de l'emploi total, a déclaré hier le ministre de l'économie et des finances devant la commission des finances. Pour prendre conscience de l'ampleur et de la gravité du séisme produit par l'épidémie de coronavirus et les mesures de confinement, rappelons qu'il a fallu trois années de croissance, entre 2017 et 2019, pour que l'économie française crée l'équivalent de 800 000 emplois.

Mardi, la Banque de France a estimé de son côté que le taux de chômage devrait dépasser les 10 % à la fin 2020 et grimper jusqu'à plus de 11,5 % à la mi-2021, un niveau jamais vu.

Face à ce séisme économique, qui engendrera un séisme social, il faut prendre des mesures à la hauteur . On doit appliquer un plan massif de politiques publiques d'accompagnement, sans oublier personne ni aucun secteur. C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement a fait en développant, dès le début du confinement, le dispositif du chômage partiel et, plus récemment, en annonçant un soutien à l'apprentissage, afin d'aider au maintien et à l'accès à l'emploi des jeunes, ceux-ci étant ceux qui seront les plus touchés par le chômage, ainsi qu'une baisse possible de cotisations pour les entreprises.

La proposition de loi que nous examinons ce matin vise à alléger temporairement les cotisations sociales des entreprises afin de remplacer progressivement le dispositif d'activité partielle, et cela pendant six mois après la date de la reprise. Il s'agit donc de sortir du dispositif conçu dans et pour l'urgence, dispositif qui a porté ses fruits et dans le cadre duquel près d'un tiers des salariés du secteur privé sont pris en charge par la puissance publique. Si ce dispositif était nécessaire, on ne peut nier qu'il y a malheureusement eu quelques effets d'aubaine et qu'il a un coût certain pour les finances publiques ; il ne peut donc perdurer en l'état. Les acteurs économiques voient bien la nécessité de revenir rapidement aux formes traditionnelles de l'emploi, tout en se prémunissant contre une transformation du chômage partiel en chômage total. Nous devons chercher le moyen de conserver une cohésion sociale, dont le travail pour tous est une des bases.

Vous avez choisi de vous inscrire dans la ligne des dispositifs mis en place jusqu'à présent pour assurer la reprise économique et éviter que notre pays ne s'enfonce dans une récession durable et dans le chômage de masse, en proposant une exonération de charges afin d'accélérer le retour au travail dans des conditions normales de rémunération. Vous proposez que ce nouveau dispositif ait un champ d'application comparable à celui du dispositif d'activité partielle.

Si nous adhérons au principe d'une baisse de charges, la manière dont le décline cette proposition de loi appelle plusieurs réflexions. Le principal écueil est l'automaticité du dispositif. En temps de crise, n'est-il pas préférable d'accompagner les entreprises et les secteurs qui connaissent le plus de difficultés ? Cette automaticité ne va-t-elle pas entraîner un effet d'aubaine ? Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir inclus dans cette proposition les entreprises qui, parce que leur activité a repris, sont sorties du dispositif d'activité partielle, mais dont la situation est encore fragile ?

Au moment où l'activité économique reprend petit à petit, ce texte a le mérite de soulever des questions pertinentes, en particulier celle du dispositif d'activité partielle, filet de sécurité qui a permis de sauvegarder l'emploi et les compétences au sein des entreprises. Il faut désormais lever ce dispositif, prévoir son extinction progressive. La démarche est d'ailleurs engagée : un dispositif d'activité partielle longue a ainsi été prévu pour les entreprises de certains secteurs qui ne peuvent reprendre une activité normale. Le tout se fonde sur un dialogue social renforcé, que nous prônons.

La réponse à la crise ne peut être unique. Elle doit être sectorielle : c'est la raison d'être des plans destinés au tourisme, à la culture, à l'industrie automobile, au transport aérien. Je me permets d'ajouter que le transport maritime, totalement figé par la crise, devrait également pouvoir bénéficier d'un plan, car sa situation est très compliquée. Le troisième projet de loi de finances rectificative qui s'annonce devra comporter d'autres mesures encore, notamment en matière d'apprentissage, afin d'éviter qu'une génération ne soit sacrifiée.

Encore une fois, le groupe Agir ensemble est favorable à l'esprit de ce texte ; mais l'automaticité ne peut être la règle, ni l'absence de dialogue social, la solution. Nous souhaitons des mesures en faveur des entreprises, mais dans un autre cadre que celui de cette proposition de loi.

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