Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du lundi 15 juin 2020 à 16h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo :

La crise sanitaire et économique que nous traversons est une crise globale qui nous oblige tous à des adaptations, dont certaines transformeront nos modes de vie. Réflexions sur nos méthodes de travail, sur nos modes de déplacement, sur nos façons de consommer : je fais confiance à l'imagination et à la capacité d'adaptation des Français pour que cet après que nous sommes en train de construire soit porteur d'espoir et d'amélioration.

Mais cela ne pourra se faire si les contraintes financières sont trop intenses. En aidant massivement, en indemnisant, en payant et en finançant, le Gouvernement a, de fait, alourdi la dette ; or les dettes peuvent être envisagées pour autant qu'on les maîtrise et que les perspectives de remboursement sont raisonnables.

La situation des finances de la sécurité sociale est difficile : il ne sert à rien de le nier. Les recettes sont en baisse tandis que la hausse des dépenses liées à la crise sanitaire a entraîné des besoins de financement élevés et inédits. Comme l'a indiqué le ministre de l'action et des comptes publics le 2 juin à l'Assemblée nationale, le déficit prévisionnel pour la seule année 2020 s'élève à 52 milliards d'euros, un montant jamais atteint au plus fort de la crise financière de 2008. Si rien n'est fait, l'ACOSS pourrait prochainement porter près de 95 milliards d'euros d'endettement de court terme auprès des marchés financiers, des banques et de la Caisse des dépôts et consignations. Cette situation ne peut durer.

Face à un certain nombre de risques de taux ou de liquidités en cas de forte détérioration de la conjoncture, un nouveau transfert de dette à la CADES est apparu comme la solution la plus évidente. Il s'agit là de reprendre et d'amortir la dette de la sécurité sociale. Aussi ces projets de loi visent-ils à permettre la couverture par la CADES des déficits accumulés par les régimes de base de la sécurité sociale à hauteur de 136 milliards d'euros, ce qui prolonge la durée de vie de la caisse jusqu'à 2033. Ce transfert soulagera la trésorerie de l'ACOSS mais permettra surtout de respecter la doctrine selon laquelle la dette sociale doit être amortie pour ne pas faire peser sur nos enfants le poids des prestations versées aujourd'hui.

La dette doit disparaître en s'amortissant progressivement : c'est un préalable, quitte à repousser la date d'extinction de la CADES du fait des circonstances. Il est en effet logique que les contributions versées à la sécurité sociale financent les prestations sans en reporter le poids sur le futur, même si cela est difficile du fait de cette crise multifactorielle. Alors oui, la date de l'amortissement de la dette est repoussée, mais le cap est maintenu, la volonté est ferme et les actions mises en oeuvre sont fortes.

Une gestion rigoureuse de la dette sociale est d'autant plus nécessaire que nous voyons arriver le défi du grand âge et de l'autonomie. Dans les années à venir, notre pays devra faire face à un événement sans précédent, s'agissant tant du nombre croissant d'assurés à protéger que des solutions transversales à imaginer. Certaines recettes affectées à la CADES étaient envisagées comme une piste de financement pour relever le défi du vieillissement de la population.

Les deux projets de loi sanctuarisent une part des recettes de la CADES pour les flécher, à partir de 2024, vers les dépenses relatives au grand âge. Ils ouvrent aussi une réflexion sur la création d'un risque spécifique de protection sociale ou d'une nouvelle branche relative à l'aide à l'autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, en demandant au Gouvernement de remettre un rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'une telle solution.

Aujourd'hui, je suis très fière d'être parlementaire, car c'est bien le travail des parlementaires qui a permis cette avancée majeure. La commission spéciale, à l'initiative du rapporteur, a entendu aller au bout de ses responsabilités en prenant fermement position en faveur de la création d'une cinquième branche dédiée à l'autonomie. Bien sûr, ce risque était déjà pris en charge par la solidarité nationale à travers l'APA et la PCH, mais la définition d'un cinquième risque permet de bien distinguer, au sein du régime général, la cinquième branche, laquelle s'ajoutera donc aux quatre branches historiques.

La commission a aussi entendu donner une direction précise aux travaux qui aboutiront dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il s'agira alors d'être vigilant sur les recettes qui seront affectées à cette branche afin de lui donner les moyens de son ambition. Cette première pierre d'un nouvel édifice à construire collectivement réjouit tous les acteurs du secteur, mais elle restera une ambition vaine si les moyens nécessaires n'y sont pas affectés très rapidement. C'est important et urgent !

Il conviendra également d'être attentif à la gouvernance de cette branche en maintenant l'équilibre entre la CNSA et les départements, qui travaillent déjà bien ensemble sur ces sujets. Il s'agira de décloisonner les approches. En effet, le système de santé français s'appuie sur des structures multiples – sanitaires pour la prise en charge hospitalière, médico-sociales et sociales pour les publics dits « fragiles » tels que les personnes âgées ou handicapées, et ambulatoires pour les soins dits « de ville ». Cette organisation est plutôt efficace, et nous reconnaissons tous que les professionnels exercent de façon remarquable. Pour autant, les pouvoirs publics incitent depuis plusieurs années à la mise en place d'une médecine de parcours à même de renforcer la prise en charge des patients et des résidents sur tout le territoire et de décloisonner les secteurs. L'objectif est de prévenir, de soigner et d'accompagner de manière globale et continue les patients et les résidents au plus près de chez eux. Il s'agit de penser au parcours de tout individu ayant besoin d'un soin ou d'un accompagnement avec empathie, en tenant compte du contexte social, en privilégiant la proximité et en faisant preuve de bienveillance, terme qui, fort utilisé de nos jours, recouvre la notion d'humanité dans le soin.

Saisissons l'occasion de la création de cette cinquième branche pour agir avec efficacité et humanité, en remettant l'humain au coeur des dispositifs. C'est bien le sens qu'il faudra donner à l'application de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite « ma santé 2022 », à la loi relative au grand âge et à l'autonomie ainsi qu'à la refonte tant attendue de notre système de santé, qui doivent être autant d'opportunités de prendre soin des Français. Agissons ensemble !

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