Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Séance en hémicycle du lundi 15 juin 2020 à 16h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Hier, le Président de la République a promis qu'il n'y aurait pas d'augmentation d'impôts. Le lendemain, moins de vingt-quatre heures après, il trahit sa promesse. On a l'habitude et les Français n'accordent plus beaucoup de crédit à ses paroles. Hier soir, il a menti effrontément à nos concitoyens.

Le message est habilement maquillé – je vous reconnais ce mérite – sous la création de la cinquième branche de la sécurité sociale ; mais cette nouvelle branche reste une coquille vide, car vous la privez de recettes.

Les Français doivent savoir qu'on parle de sommes considérables : en 2019, les contribuables ont payé 16,3 milliards d'euros pour amortir la dette sociale. Je vous invite à lire la page 15 de l'étude d'impact. Vous pourrez y constater l'étendue de cette manipulation grossière : entre 2024 et 2033, ce ne sont pas moins de 165 milliards d'euros qui seront prélevés aux Français ! Pour éviter que cela se voie, vous avez choisi de faire examiner ce texte un lundi après-midi, quand la plupart de nos collègues sont dans leurs circonscriptions ; mais la somme en jeu est considérable.

À la même page, on apprend que, puisque la dette sera financée par la CADES, la charge financière représentera – c'est écrit, j'en étais le premier surpris – 31 milliards d'euros, soit un taux d'intérêt de 2,25 %, alors que la Banque centrale prête à 0 %. Ces 2 milliards d'euros par an, une charge financière payée indûment par le contribuable, iront enrichir – disons-le ! – vos amis. Entre 1996 et 2033, les charges d'intérêts de la CADES auront représenté 50 milliards d'euros. Notons que 2 milliards d'euros par an, c'est ce qu'il faudrait pour quasiment doubler le nombre de lits de réanimation dans notre pays.

Pensez-vous que les Français ne vont pas s'apercevoir de ce tour de passe-passe indigne ? Ils auront évidemment compris que vous n'avez plus aucune parole.

Mais Charles de Courson a souligné quelque chose de plus grave encore – j'espère que vous répondrez à ses trois questions. Pourquoi anticiper des dépenses futures ? Pourquoi reprendre un tiers de la dette des hôpitaux – la fameuse promesse – sur les budgets de l'État ? Pourquoi faire payer la crise du covid-19 de façon injuste ? En effet, il s'agit d'un prélèvement proportionnel et non progressif, alors même que vous maintenez la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – et les exonérations d'impôts sur le capital. Vous préférez continuer à mener votre politique en faveur des plus riches tout en faisant payer les plus modestes. C'est un impôt déguisé ; c'est habile, mais les Français s'en apercevront. Ce sera un mensonge de plus à votre triste bilan. Les cotisations proportionnelles et non progressives représentent un scandale absolu en matière de justice sociale ; on comprend la manoeuvre !

De plus, avec cette mesure, vous mettez en péril le financement à long terme des dépenses sociales, notamment des retraites et de la dépendance. C'est très paradoxal : vous créez une cinquième branche, mais vous en asséchez les futures ressources. C'est incompréhensible, ou plutôt trop compréhensible : vous cherchez à boucher les trous car, cédant à l'Allemagne, vous avez refusé la monétisation de la dette par la Banque centrale européenne – stratégie choisie par l'Angleterre, les États-Unis, la Chine et le Japon. Car soyons clairs : soit nous arriverons à monétiser la dette liée à la crise du covid-19, et la France pourra s'en sortir ; soit nous ne le ferons pas, et nous serons accablés d'impôts. Nous examinons aujourd'hui le premier impôt d'un nouveau type : un impôt dissimulé, mais très lourd, qui va priver le budget de la sécurité sociale des recettes permettant de surmonter la crise et de développer réellement notre système hospitalier et notre médecine de ville.

Ainsi, d'un côté, vous négociez le fameux Ségur de la santé, et de l'autre, vous privez la CADES – qui aurait pu être très utile, notamment pour compenser les déséquilibres de la réforme des retraites. Tout cela est bien triste et montre à quel point vous naviguez à vue. Alors que nous allons faire face à un chômage élevé, vous échafaudez un plan de relance sous-dimensionné et refusez de faire payer la dette par la Banque centrale européenne. C'est pourquoi on assiste au début du matraquage fiscal : impôt ou cotisation, appelez cela comme vous voulez, mais puisqu'il s'agit d'un prélèvement proportionnel et non progressif, c'est sur les Français modestes que vous le ferez peser, pour épargner votre clientèle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.