Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 17 juin 2020 à 15h00
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Le Conseil scientifique a estimé il y a peu que l'amélioration de la situation et la dynamique à la fois hypothétique, localisée et probablement maîtrisable d'une reprise de l'épidémie justifiaient une sortie de l'état d'urgence sanitaire. Dans ce contexte, nous ne devrions même pas être réunis aujourd'hui. La fin de l'état d'urgence sanitaire étant prévue pour le 10 juillet, pourquoi voter un nouveau texte si, comme on nous le répète depuis quelques jours, la situation est sous contrôle ?

Pourtant, vous avez jugé nécessaire de ménager une étape transitoire. Pour quelles raisons ? Au nom de notre sécurité sanitaire ? Cet argument massue ferait hésiter le plus téméraire d'entre nous.

Qui ici prendrait le risque de voir l'épidémie repartir de plus belle, sans l'avoir anticipée, sans avoir prévu les réponses pertinentes et adaptées à une situation hors du commun ? Personne, bien sûr. C'est pour répondre à cette angoisse d'une nouvelle vague épidémique que le Gouvernement souhaite instaurer une phase de transition, ou plutôt devrais-je dire de liberté conditionnelle pour tout notre pays.

Il prévoit, pour cela, des restrictions de la circulation des personnes et des véhicules ainsi que de l'accès aux moyens de transport, qui pourraient aller jusqu'à la fermeture provisoire au public de certains établissements. Dernière mesure, mais non des moindres : ce texte prévoit de réglementer les rassemblements sur la voie publique, ainsi que les réunions de toute nature, qui seront soumis à autorisation jusqu'au 30 octobre.

Bref, pour parler clairement, il s'agit d'instaurer un nouvel état d'urgence qui ne dit pas son nom. On aurait pourtant espéré qu'après avoir demandé aux Français d'immenses sacrifices, avec leur cortège de conséquences économiques mais aussi sociales, et éducatives, pour nos enfants, le Gouvernement ne choisirait pas les mêmes armes. Les mesures prises dans l'urgence ont certes sauvé des vies, mais vont en laisser beaucoup sur le bord du chemin. Je parle bien sûr des entreprises en faillite, des salariés, artisans, professionnels libéraux, qui vont perdre leur travail, si ce n'est pas déjà fait. Je parle bien sûr de l'immense fragilité de notre pays, qui croule sous le poids d'une bureaucratie et d'un centralisme toujours plus prégnants, nonobstant les incantations du Président de la République sur le rôle essentiel des élus locaux, et autres couples maire-préfet.

Comment ne pas s'offusquer qu'à l'heure de choix cruciaux, vitaux, qui engagent plusieurs générations, le Gouvernement ne trouve rien de plus urgent que de programmer pour les jours prochains la discussion d'un projet de loi visant à permettre aux couples de femmes et aux femmes seules de recourir à la procréation médicalement assistée – PMA – , privant ainsi délibérément un enfant de son père ? Comment ne pas en être choqué ? D'ailleurs, nos concitoyens le sont, puisque, selon un des derniers sondages, réalisé par l'IFOP, sept Français sur dix sont opposés à cette mesure. Comment ne pas remarquer que cette discussion tombe à pic pour vous, puisqu'en plein état d'urgence sanitaire, les manifestations restent bien évidemment interdites ?

De même, à l'heure où notre pays se fracture, se communautarise, à l'heure où notre police est décriée, agressée, abandonnée, on lit dans la presse des articles sur les cent propositions des députés de la majorité pour les deux années qu'il leur reste. Ainsi, vous proposez de créer un service indépendant d'enquête et d'inspection des forces de l'ordre – l'IGPN, l'inspection générale de la police nationale, appréciera ; d'encourager la multiplication des contacts entre écoles et entreprises – à ce degré de généralité, on croit rêver ; ou encore de créer une formation sur les « stéréotypes de genre » – une urgence absolue, vous l'admettrez, à l'heure où le déficit public français s'élève à 11,4 % du PIB, et où la dette est évaluée à 115 % du PIB. Quelle honte !

Le costume est décidément trop grand pour vous. L'économie est asphyxiée, sous respirateur artificiel, maintenue en vie par un endettement sans précédent, et votre priorité n'est pas de vous attaquer au réel ; c'est l'idéologie.

Je vous mets en garde : dimanche soir, Emmanuel Macron invoquait « l'énergie du jour qui vient » ; mais à force de vous montrer si déconnectés de la réalité que vivent les Français, à force de les mépriser, et tout simplement à cause de votre indécence, cette énergie qui vient risque d'être bien destructrice – pour la France. Il n'y a qu'à regarder l'actualité pour s'en rendre compte. Je voterai donc contre ce texte, qui témoigne seulement de votre double langage, de ce « en même temps » devenu votre marque de fabrique, et qui n'est décidément pas à la hauteur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.