Intervention de Christelle Dubos

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 15h00
Loi de programmation pour l'hôpital public et les ehpad — Présentation

Christelle Dubos, secrétaire d'état auprès du ministre des solidarités et de la santé :

Le Gouvernement partage nombre des diagnostics formulés par les auteurs de la proposition de loi. La crise sanitaire que nous traversons a été un révélateur, un électrochoc ; c'est une épreuve de vérité, qui nous contraint à faire des choix, à savoir quelles valeurs nous plaçons au coeur de notre pacte social.

Parmi ces valeurs, les solidarités et la santé sont passées avant toutes les autres. Faire preuve de rigueur, tenir aveuglément un cap budgétaire quand des vies sont en jeu, ce n'est plus faire preuve de responsabilité ; c'est oublier que les chiffres, en eux-mêmes, n'ont que peu de sens. La santé de nos concitoyens, les solidarités qui font que chacun est protégé, voilà ce que, au cours de ces dernières semaines, le Gouvernement a jugé être les valeurs fondamentales de notre nation. Il y a certes des décisions coûteuses, mais il y a aussi des enjeux qui n'ont pas de prix.

Un exercice inédit, le Ségur de la santé, est en cours afin de fournir de nouvelles ambitions aux soignants et à l'ensemble de notre système de santé. Peut-être vous laisse-t-il perplexes ; si tel est le cas, je le regrette, car il est porteur de beaucoup d'espoirs. Nous n'éludons aucun sujet qui puisse permettre une meilleure reconnaissance des soignants, de ce qu'ils font, de ce qu'ils sont. Monsieur Bruneel, permettez-moi de le répéter : il ne s'agit pas de rédiger un énième rapport, il s'agit de trouver rapidement des solutions concrètes. Ce que nous voulons bâtir avec les soignants, c'est un système de santé qui soit gouverné non pas par une logique comptable, mais par la seule chose qui compte : le soin. La question des carrières et des rémunérations n'est pas secondaire ; elle est primordiale. Nous ne l'esquiverons pas, loin de là.

Vous appelez de vos voeux une loi de programmation pluriannuelle pour l'hôpital public et les EHPAD. Nous partageons cette ambition sur le fond ; nous jugeons nécessaire d'accroître la visibilité pluriannuelle, qui a fait défaut ces dernières années aux EHPAD et aux hôpitaux publics. Dois-je rappeler qu'en octobre dernier, au moment de l'examen du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous nous sommes engagés à donner cette vision pluriannuelle aux établissements de santé, qui la demandaient, à juste titre, depuis longtemps ? Agnès Buzyn a ainsi conclu en février un protocole d'accord avec les fédérations d'établissements de santé et, pour la première fois, inscrit la progression des ressources de ces établissements dans une logique pluriannuelle.

En outre, le Gouvernement oeuvre depuis des mois à une réforme du secteur du grand âge et de la perte d'autonomie. En 1945 fut décidée la création d'une assurance sociale publique contre le risque de maladie ou d'accident du travail ; cette semaine, l'Assemblée a voté en faveur de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, afin que nous puissions accompagner nos aînés dans les meilleures conditions. À notre tour, nous faisons le choix de l'assurance publique contre un nouveau risque auquel tous les Français sont exposés. Chacun sait que nous faisons face à un mur démographique : en 2040, les Français de 75 ans et plus représenteront près de 15 % de la population, soit 10,6 millions de personnes, c'est-à-dire deux fois plus qu'aujourd'hui.

L'État providence du XXIe siècle, ce n'est pas une expression destinée à faire bon effet dans un discours, c'est une exigence : celle de protéger chacun de son premier souffle à son dernier soupir. C'est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, nous pouvons nous réjouir d'être ceux qui créent une cinquième branche de la sécurité sociale. Beaucoup en avaient parlé, beaucoup en avaient rêvé ; nous allons le faire, enfin. La cinquième branche, cela sonne moins bien que le grand soir, mais pour moi, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, le moment n'en est pas moins solennel.

Une fois ces fondations posées, il nous faudra construire la maison, c'est-à-dire la politique publique que nous voulons pour nos aînés. La concertation avec les collectivités territoriales et les représentants du secteur a commencé il y a quinze jours. Son objectif d'ensemble est de préserver jusqu'au bout le libre choix des aînés, en leur offrant la possibilité de rester chez eux selon des modalités variées en fonction des besoins. Cela passe par une ambition forte pour le secteur de l'accompagnement et du soin à domicile ; par un changement de modèle des EHPAD afin d'en faire de vrais lieux de vie, adaptés aux besoins les plus lourds grâce à un taux d'encadrement plus élevé ; par un soutien résolu au développement d'une troisième voie, c'est-à-dire des solutions d'habitat partagé, des unités de vie à taille humaine, mais où un accompagnement médicalisé sera possible. Cela passe par une ambition pour les métiers du grand âge, qui doivent devenir le fer de lance de la politique du prendre-soin, et par un investissement dans les murs, à travers la création ou l'adaptation de lieux de vie diversifiés pour nos aînés.

La stratégie issue de cette concertation sera mise en oeuvre sur plusieurs années ; l'objectif est d'être au rendez-vous, qu'il s'agisse des urgences d'aujourd'hui ou de l'explosion démographique de demain. Nous présenterons de nouvelles dispositions législatives visant à donner aux Français une visibilité pluriannuelle. Les débats sont imminents. Votre proposition de loi est une ouverture sur les défis immenses qui nous attendent – ou plutôt qui ne nous attendent plus.

Mesdames et messieurs les députés, la verticalité et le caractère national de la méthode proposée rendent difficile un accord du Gouvernement à cette proposition de loi. Notre système de santé a besoin de souplesse, de simplification ; il doit être pensé à l'échelle des territoires, et non exclusivement depuis Paris. Si nous divergeons sur la méthode, je ne doute pas qu'au cours des semaines et des mois qui viennent, nous nous retrouverons autour d'ambitions sans précédent pour notre système de santé, pour notre système médico-social.

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