Intervention de Cyrille Isaac-Sibille

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 15h00
Loi de programmation pour l'hôpital public et les ehpad — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrille Isaac-Sibille :

Je voudrais tout d'abord remercier M. Alain Bruneel de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet qui nous préoccupe tous : les moyens de l'hôpital public et des EHPAD. Prenons garde, cependant, à ne pas cloisonner notre raisonnement. Si nous pensons aux soins en oubliant la prévention et la santé publique, l'hôpital nous demandera toujours plus de moyens et se transformera en tonneau des Danaïdes, ce qu'aucun de nous ne souhaite.

La santé des Français doit être notre principale préoccupation. L'hôpital doit être une priorité, mais pas la seule. Notre première préoccupation doit être la santé publique, c'est-à-dire notre capacité à agir sur les déterminants de santé, qui est la seule façon d'éviter que les Français aient à se rendre à l'hôpital. Si notre système de soins, c'est-à-dire l'approche individuelle, est performant, la prévention et l'approche populationnelle de la santé publique montrent de nombreuses lacunes. Permettez-moi de vous en donner un exemple éclairant, récemment mis en lumière par la Cour des comptes.

Notre pays compte aujourd'hui 87 000 malades en insuffisance rénale qui ont besoin de dialyses, soit 14 000 de plus qu'il y a cinq ans. Cette hausse de 20 % des malades dialysés a accru les besoins en personnels et en financements de l'hôpital. La première chose à faire pour secourir l'hôpital public est d'agir en amont, par la prévention, afin d'éviter l'augmentation du nombre de malades chroniques, car plus il y en aura, plus cela coûtera cher.

Le patient doit être notre deuxième priorité. Vous évoquez, dans votre proposition de loi, le nombre d'établissements, leur fonctionnement, leur organisation, la création de lits, le recrutement de personnels, la revalorisation des salaires, la titularisation des agents contractuels. Toutes ces questions sont importantes, mais l'hôpital se doit, en premier lieu, d'être au service des malades.

Or est-il question des malades dans votre proposition de loi ? Non, il est uniquement question des moyens de l'hôpital. Pour bien soigner, il faut faire le bon diagnostic et pour faire le bon diagnostic, il convient de disposer d'un recueil des données au sens large, permettant de connaître l'état de santé de la population, qu'il s'agisse des scolaires, des étudiants, des salariés, des personnes âgées ou des personnes placées dans un cadre médico-social. Ce recueil doit être territorialisé, afin d'adapter les politiques de santé aux spécificités des territoires. On ne soigne pas en Bretagne comme on soigne dans le Grand Est : la taille du costume doit être adaptée au gabarit de celui qui le porte.

Enfin, nous nous accordons sur la nécessité d'allouer plus de moyens à l'hôpital et aux établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes : c'est pourquoi, lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, grâce à une proposition des membres de la commission des affaires sociales, il nous a été possible d'adopter le principe d'un budget pluriannuel pour les hôpitaux. C'est, comme l'a rappelé Mme la secrétaire d'État, une mesure importante.

Si une feuille de route claire et précise portant sur l'évolution des dépenses consacrées à l'hôpital est nécessaire, votre proposition de loi est néanmoins hémiplégique : elle ne porte que sur l'hôpital public en ignorant les ESPIC – établissements de santé privés d'intérêt collectif – et, plus généralement, le privé. Or le sujet doit être traité de manière globale. De même, le texte évoque la seule question des moyens sans aborder celle de la gouvernance. Le problème n'est pas que financier ! Il faut repenser l'hôpital dans son environnement global.

C'est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés formulera, dans le cadre du Ségur de la santé, des propositions visant à améliorer la gouvernance de l'hôpital et en faveur d'une convergence, en matière d'objectifs, de tous les établissements de soins – secteur public, ESPIC et établissements privés – , dans le cadre d'une contractualisation.

Comme vous le savez, la question de la perte d'autonomie est à l'ordre du jour. Une première étape a été franchie dans le cadre du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire relatifs à la dette sociale et à l'autonomie, qui sanctionnent la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale, spécialement dédiée à la perte d'autonomie – 2,3 milliards d'euros y sont consacrés grâce à l'affectation d'une partie des recettes de la contribution sociale généralisée à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. De plus, une conférence des financeurs doit commencer ses travaux prochainement, afin de réfléchir aux marges de manoeuvre permettant de financer la perte d'autonomie et la dépendance, notamment dans le cadre des EHPAD.

Certes, la proposition de loi est intéressante s'agissant notamment des personnels. Toutefois, la question de l'hôpital et des EHPAD ne saurait être réduite à celle des personnels ou à celle des mesures financières : développer la prévention et être au service des patients doivent être nos priorités.

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