Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du jeudi 18 juin 2020 à 15h00
Contribution des hauts revenus à l'effort de solidarité nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Il y a quatre jours, Emmanuel Macron a déclaré qu'il n'augmenterait pas les impôts. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra payer la dette supplémentaire créée par le covid-19. On sait à qui ces mots s'adressaient. Depuis votre arrivée au pouvoir, vous leur faites des cadeaux fiscaux mirifiques. Ce sont les plus riches, précisément ceux d'entre eux qui vivent de leurs rentes, c'est-à-dire les actionnaires, lesquels ont déjà amplement profité de vos largesses. Ces dernières années, ils ont reçu des millions de l'État.

Les Français qui travaillent en première, deuxième ou troisième ligne, ceux qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour vivre, ceux que l'on ignore la plupart du temps, magasiniers, caissières, ouvriers du bâtiment, parfois sans papiers, ceux à qui l'on a demandé d'assurer vaille que vaille la continuité de la vie de la nation, ont dû rester à leur poste, plus ou moins protégés, souvent d'ailleurs plutôt moins que plus, des risques de contamination. En revanche, lorsqu'il s'agit de demander aux plus riches une contribution, même à titre exceptionnel – nous aurions pu vous concéder ce point – , vous êtes aux abonnés absents.

Le groupe La France insoumise a déjà proposé de telles mesures à l'occasion des projets de loi de finances rectificative et des textes ayant trait à l'état d'urgence sanitaire. À chaque fois, comme face à cette proposition de loi de mon camarade et ami Jean-Paul Dufrègne, on nous a répondu qu'il n'était pas question de toucher aux plus riches, et surtout de rétablir l'ISF. Nous avons entendu différentes versions de cette réponse. Vous nous avez dit que l'ISF était purement symbolique et ne rapportait rien : manque de chance, l'Institut des politiques publiques, l'IPP, dont la réputation est bien établie et dont les économistes ne comptent pas parmi les plus ancrés à gauche, estimait d'année en année le rendement de l'ISF à 3,2 milliards d'euros. C'est presque l'équivalent de ce que réclament les syndicats de soignants et le collectif Inter-Urgences : 200 000 embauches dans les EHPAD, un peu plus de 100 000 dans les hôpitaux, à quoi s'ajoutent les objectifs en matière d'augmentation des salaires et du nombre de lits. Le moins que l'on puisse dire est qu'une telle somme n'a pas un caractère uniquement symbolique.

Vous nous avez également soutenu que vous n'aviez pas fait de cadeaux aux plus riches. La suppression de l'ISF fait gagner aux cent personnes les plus riches de France 1,2 million d'euros par an ! Je vous fais grâce de ce qu'ont gagné à cette mesure les autres assujettis à l'ISF ; il est vrai que c'est un peu moins. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion des articles. Mais l'argent n'est pas magique : vous refusez d'en créer, ce qui éviterait que la dette résultant de l'épidémie ne pèse à l'avenir sur la population ; il a donc fallu le prendre quelque part. Vous l'avez pris à ceux qui produisent les richesses. Selon les lois de l'économie, les uns réalisent des profits parce que les autres sont moins payés pour leur travail qu'ils ne devraient l'être. À ce prélèvement découlant de la nature même du système, vous ajoutez le prélèvement fiscal. C'est ainsi que les 10 % de Français les plus défavorisés ont vu diminuer leur pouvoir d'achat en raison de vos cadeaux fiscaux aux plus riches et de mesures telles que la réduction de l'APL, l'aide personnalisée au logement.

Vous nous dites enfin que le rétablissement de l'ISF ferait repartir à l'étranger les contribuables les plus riches. Mais l'exil fiscal coûtait à la France 20 millions d'euros par an, 160 fois moins que les 3,2 milliards rapportés par l'ISF !

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